L’Europe face aux droits de douane américains : des défis, mais aussi des opportunités

© Belga

En 2025, les droits de douane américains atteignent leur plus haut niveau depuis 1890 (25,5 %), fragilisant davantage les pays européens déjà touchés par une croissance faible. Bien que des négociations pourraient les réduire à 10,2 %, les dégâts économiques sont déjà réels.

La guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde pèse sur l’économie mondiale. En 2025, les droits de douane américains à l’importation atteignent leur niveau le plus élevé depuis 1890, avec un tarif moyen de 25,5 %. Une situation qui inquiète particulièrement les pays européens, déjà fragilisés par une croissance économique faible et une guerre commerciale persistante. Selon Allianz Trade, ces droits de douane pourraient être ramenés à 10,2 % d’ici la fin de l’année, grâce à des négociations en cours, mais les dégâts sont déjà bien réels.

Dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales pour 2025-2026, Allianz Trade prévoit une croissance économique mondiale de seulement +2,3 % cette année, le niveau le plus bas depuis la pandémie de coronavirus. Les États-Unis, en pleine récession, affichent une croissance négative de -0,5 % sur trois trimestres consécutifs. En Europe, la situation n’est guère plus réjouissante : la zone euro devrait connaître une croissance minimale de +0,8 % en 2025, selon Johan Geeroms, Director Risk Underwriting Benelux chez Allianz Trade.

Les droits de douane américains pèsent lourdement sur les exportations européennes. « L’Allemagne, la France et l’Italie souffrent tout particulièrement de la baisse des exportations vers les États-Unis », explique Johan Geeroms. L’Allemagne devrait ainsi perdre 9 milliards de dollars en recettes d’exportation. Pour la France et l’Italie, les pertes à l’exportation s’élèvent respectivement à 7 et 9 milliards de dollars. ». Ces chiffres illustrent l’impact direct des mesures protectionnistes américaines sur les économies européennes.

Les petites entreprises en première ligne

Si les grandes entreprises peuvent encaisser temporairement la hausse des prix d’achat et la baisse de la demande, les petites entreprises sont beaucoup plus vulnérables. « Les réserves de nombreuses petites entreprises sont fragiles, souligne Johan Geeroms. Elles ne peuvent pas non plus se contenter de répercuter les hausses de prix sur leurs clients. Les temps s’annoncent particulièrement difficiles pour les entreprises opérant déjà avec des marges minimes. »

La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine aggrave encore la situation. Les conteneurs chinois, bloqués à l’entrée des ports américains, pourraient être redirigés vers l’Europe, inondant le marché de produits à bas prix. « Cela aura des implications majeures pour l’industrie européenne, prévient l’expert d’Allianz Trade. La concurrence déloyale des produits chinois pourrait fragiliser davantage les entreprises locales. »

La Belgique et le Luxembourg sous pression

La Belgique et le Luxembourg ne sont pas épargnés par cette crise. « Les États-Unis représentent près de 8 % du total des exportations belges, rappelle Johan Geeroms. Les secteurs les plus touchés sont les produits pharmaceutiques, l’industrie chimique, l’ingénierie mécanique et les équipements de transport. »  Le Luxembourg, quant à lui, pourrait souffrir des difficultés de ses voisins européens, notamment l’Allemagne et la France, où de nombreuses entreprises innovantes sont implantées.

Cependant, des mesures compensatoires pourraient atténuer les effets négatifs. « Les projets du chancelier Friedrich Merz d’investir massivement dans les infrastructures et la défense sont une bonne nouvelle pour la Belgique et le Luxembourg, estime Johan Geeroms. Ces initiatives donneront un coup de boost à toutes sortes d’industries, y compris en Belgique et au Luxembourg. » Allianz Trade prévoit que si la moitié des investissements européens dans la défense étaient réalisés dans des entreprises locales, le PIB de la Belgique et du Luxembourg pourrait augmenter de 0,8 point de pourcentage.

Des taux d’intérêt bas comme bouée de sauvetage

Dans ce contexte économique morose, la faiblesse des taux d’intérêt pourrait offrir un léger répit. « L’augmentation des tarifs douaniers entraîne une hausse des prix et donc de l’inflation, explique Johan Geeroms. Mais la récession économique générale, y compris le ralentissement de la demande, réduira l’inflation. La BCE disposera ainsi d’une latitude suffisante pour réduire les taux d’intérêt afin de stimuler l’économie. »  Allianz Trade prévoit une baisse des taux d’intérêt en Europe, passant de 4 % à 1,5 % d’ici fin 2026.

Allianz Trade présente deux scénarios pour l’économie mondiale en 2025-2026. Le plus probable, selon Johan Geeroms, est malheureusement le plus négatif : « La stagnation est actuellement couplée à une inflation croissante, notamment aux États-Unis. L’Europe, quant à elle, devrait connaître une tendance déflationniste, en partie à cause de la baisse des prix du gaz et du pétrole, mais aussi à cause du dumping des produits chinois. »

Cependant, un scénario plus optimiste est envisageable. « Si l’Europe rattrape son retard en termes d’innovation technologique et de coopération internationale, les mesures de soutien allemandes pourraient jouer un rôle déterminant, estime Johan Geeroms. L’IA pourrait également donner un coup de fouet à la productivité, et l’annulation des sanctions contre la Russie stabiliserait les prix de l’énergie. »

Lire plus de:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content