L’étrange triangle des Bermudes où l’immobilier belge semble attiré
Lone Star, Monument RE, Alexandrite Monnet Bidco. Ces trois sociétés étrangères aux ramifications complexes ont récemment avalé des actifs ou des portefeuilles immobiliers belges. Toutes trois ont des liens avec le paradis fiscal des Bermudes. C’est grave, doc ?
Elles ont fait les gros titres de l’actualité immobilière l’an dernier et sont apparues dans les radars des experts belges et de la FSMA, le gendarme des marchés. La luxo-canadienne Monument RE (Monument Assurance) a avalé le portefeuille d’Integrale, une filiale de Nethys, et, au passage, a englouti tous ses actifs immobiliers belges et luxembourgeois. Alexandrite Monnet Belgian Bidco, un des véhicules du tout puissant groupe de gestion d’actifs canadien Brookfield, vient de boucler son OPA sur le portefeuille coté de Befimmo, sortie de Bourse début 2023. Et la société texane de capital-investissement Lone Star vient, quant à elle, de boucler le rachat d’un des fleurons hôteliers historiques de la capitale, Le Métropole.
D’énormes montants en jeu
Jusque-là, pas de quoi casser trois pattes à un canard. Mais en creusant un peu, on constate avec surprise que ces trois sociétés ont toutes des bureaux ou des holdings logés dans les Bermudes. Sur une notification de transparence publiée récemment par la FSMA, pas moins de 13 entités juridiques sont identifiées pour le nouveau propriétaire de Befimmo, dont 4 logées aux Bermudes, au 75 Front Street à Hamilton.
Dans le récent communiqué sur le rachat du portefeuille d’assurance d’AXA Belgium portant sur une transaction chiffrée à 2,6 milliards d’euros, c’est bien dans les Bermudes qu’est localisé le QG de Monument RE.
Lorsqu’on lance sur un moteur de recherche de localisation avec les données ‘Monument RE Group Headquarters’, la première occurrence obtenue est Par-La-Ville Road 4-7, au centre d’Hamilton également. Et dans le récent communiqué annonçant le rachat du portefeuille d’assurance d’AXA Belgium publié le 2 novembre dernier et portant sur une transaction chiffrée à 2,6 milliards d’euros, c’est bien dans les Bermudes qu’est localisé le QG de Monument RE, très officiellement mentionné en sous-titre.
Quant à Lone Star, si le siège principal est bien localisé à Dallas, plusieurs de ses fonds immobiliers les plus importants sont pour leur part logés à Hamilton également, dans ce qui ressemble à s’y méprendre à des immeubles “boîtes à lettres”. Le seul Lone Star Real Estate Fund V, qui affiche pour l’instant 3,2 milliards de dollars de capitalisation, y dispose de trois adresses différentes, son siège étant domicilié au 7 Reid Street dans une suite…
Enfin, dans les données recensées par le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) à la base des Paradise Papers, l’immeuble du QG local de Monument RE est clairement listé en rouge comme un repaire de sociétés et de personnes listées dans ces papiers.
Il faut pouvoir faire la part des choses entre optimalisation fiscale complexe mais juridiquement permise et moralité .
“Rien d’illégal”
Reste que, comme pour Franco Dragone, récemment blanchi dans un dossier longtemps qualifié de fraude fiscale avérée et qui a fait beaucoup de bruit dans les médias, il faut pouvoir faire la part des choses entre optimalisation fiscale complexe mais juridiquement permise et moralité de ce type de montage pour le commun des mortels. En d’autres mots, tout ce qui n’est pas légalement interdit est, jusqu’à preuve du contraire, autorisé voire justifiable. Reste qu’il semble légitime de s’inquiéter de cette délocalisation répétée d’actifs immobiliers belges importants, par essence indéracinables.
Selon Bruno Colmant, professeur à la Solvay Business School Economics & Management (ULB), la structuration d’une transaction dans un pays qualifié d'”exotique” ou offshore n’est en rien synonyme d’illégalité. “Cela peut même correspondre à des contraintes diverses. D’ailleurs, rien ne met a priori en cause ces transactions par rapport au droit fiscal belge qui, le cas échéant, peut requalifier les montages qui lui sembleraient illégitimes d’un point de vue économique”, nuance l’expert.
Certaines sociétés cotées, au vu du renforcement des normes ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), prennent néanmoins les devants et classent verticalement tout dossier ou véhicule qui transite par des paradis fiscaux tels que les Iles Vierges, les Bermudes ou, plus près de chez nous Guernesey ou Jersey, la traçabilité y étant souvent problématique.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici