L’Espagne, championne mondiale de croissance économique: les raisons derrière ce succès
A en croire les prévisions d’automne de la Commission Européenne, l’économie de l’Espagne croit plus vite que celle de la zone euro et elle surpasse tous les membres du G7. Analyse du miracle espagnol.
Après une longue période de stagnation, l’Europe anticipe une croissance modeste pour 2025 et 2026, a annoncé vendredi dernier Paolo Gentiloni, commissaire européen aux Affaires économiques. Le PIB de l’Union européenne devrait croître de 1,5 % en 2025, tandis que celui des 20 pays de la zone euro devrait n’augmenter que de 0,8 % cette année, avant un rebond modeste à 1,3 % en 2025 et 1,6 % en 2026.
Ces chiffres reflètent une consommation des ménages stimulée par des augmentations salariales, un marché du travail robuste et la baisse des taux d’intérêt. Malgré ce léger regain, les prévisions d’automne de Bruxelles restent timides. En observant les prévisions, les champions de la croissance en Europe se trouvent à l’Est. La Pologne affiche des taux de croissances impressionnants : 3 % en 2024, 3,6 % en 2025, et 3,1 % en 2026. La Croatie et le Danemark (merci Novo Nordisk et l’Ozempic) se distinguent également. Mais à lecture des chiffres le grand gagnant reste toutefois l’Espagne.
Contexte européen
– En 2024, l’UE a adopté un nouveau Pacte de stabilité prévoyant des ajustements automatiques pour les pays à fort déficit, comme la Belgique (4,6 % en 2024). Ce pacte sera pleinement appliqué à partir de 2025. Le prochain commissaire, Valdis Dombrovskis, est connu pour sa rigueur budgétaire, ce qui inquiète certains pays.
– Les Vingt-Sept ont également adopté une déclaration à Budapest demandant à la Commission européenne de combler le retard technologique vis-à-vis des États-Unis et de la Chine, avec des propositions attendues au premier semestre 2025.
Le miracle espagnol
En 2023, Pedro Sanchez affirmait que l’économie espagnole « avançait comme une moto » et, en 2024, « comme une fusée ». Aujourd’hui, même les critiques admettent que l’Espagne est la locomotive économique de la zone euro. Certes, le pays reste confronté à un taux de chômage de 11 % et à des défis dans son modèle productif, mais son succès économique est indéniable.
La Commission Européenne prévoit pour le pays une croissance de 2,3 % en 2025 et 2,1 % en 2026, après un taux exceptionnel de 3 % en 2024. Cela dépasse largement la moyenne des 27, établie à 1,8 %. Pour la quatrième année consécutive, l’économie espagnole devrait croître plus vite que celle de la zone euro. Et pas qu’un peu puisque cette année elle devrait même quatre fois plus rapide que celle de l’ensemble de la zone euro, dépassant même les États-Unis.
Des chiffres qui confirment le succès économique espagnol et s’alignent aux prévisions optimistes du gouvernement espagnol lui-même. En septembre 2024, celui-ci annonçait une croissance de 2,7 % en 2024 et de 2,4 % en 2025. Autre signe du succès : l’Espagne est désormais perçue comme plus solvable que la France. Les investisseurs prêtent à des taux plus avantageux à Madrid qu’à Paris, un changement significatif dû à des déficits et dettes moins élevés en Espagne qu’en France depuis 2022.
Les raisons du succès économique espagnol
- Le boom du tourisme
L’Espagne doit une partie de son essor à un boom du tourisme post-pandémie. Les touristes étrangers, utilisant les économies réalisées pendant les confinements, ont dépensé massivement. 85 millions de touristes étrangers ont dépensé 108 milliards d’euros dans le pays en 2023. Un record qui devrait être battu en 2024. Il devrait y avoir 90 millions de touristes étrangers en 2024 et des revenus touristiques en hausse de 5%. Autre bonne nouvelle : le succès n’est plu seulement saisonnier et s’étend à des régions habituellement moins prisées
Le seul bémol est la dépendance de l’économie espagnol au tourisme. A lui seul ce secteur représente 13 % du PIB espagnol cette année. Le secteur, gourmand en main-d’œuvre peu qualifiée, ralentit une hausse des salaires et constitue un frein à la modernisation du modèle économique.
- Les fonds de relance européens et la démographie
Le pays est le deuxième bénéficiaire des fonds de relance européens (163 milliards d’euros). L’Espagne a également profité de commandes publiques accrues, soutenant l’activité économique.
Par ailleurs, la croissance démographique joue un rôle clé. Entre 2019 et 2024, la population a augmenté de 3,6 % grâce à des flux migratoires, principalement en provenance d’Amérique latine. Ces nouveaux arrivants, représentant 13,5 % de la main-d’œuvre, ont contribué à la hausse du PIB.
- L’énergie et les exportations
Des prix de l’énergie modérés, soutenus par les énergies renouvelables, ont permis à l’industrie espagnole de gagner en compétitivité. L’Espagne a également misé sur une stratégie d’exportation dynamique, avec un développement accru à l’international
Conséquence annexe : la fin programmée des visas dorés
Le succès économique espagnol a probablement aussi conduit à la suppression des « golden visas ». Ce sont des permis de séjour accordés contre un investissement immobilier d’au moins 500 000 euros. Ils ont été introduits en 2013 pour attirer des capitaux en période de crise, ces visas étaient controversés.
Pour les autorités européennes, ils présentaient des risques de blanchiment d’argent et de fraude fiscale. Mais, ajouté au surtourisme, ils auraient surtout contribué à l’envolée des prix de l’immobilier. À Madrid, les loyers ont doublé en dix ans, et à Barcelone, ils ont augmenté de 60 %.
En moyenne, le montant déboursé par les investisseurs principalement chinois, russes, britanniques, américains ou mexicains est de 951 000 euros. Les logements concernés par la mesure sont principalement situés à Barcelone, Madrid, Malaga, Alicante, aux Baléares et à Valence. Instauré en 2013 pour d’attirer les investissements dans un contexte de grave crise économique et financière, ces visas n’étaient pas dénué de polémiques.
Bien que l’Espagne ait tardé à suivre le Portugal et l’Irlande, qui les avaient supprimés en 2023, la procédure est en cours. Cependant, l’annonce de leur fin a déclenché un effet inverse : 5 500 visas dorés ont été délivrés entre 2022 et 2023, soit un tiers du total depuis 2013.
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