Les grands laboratoires pharmaceutiques menacent d’aller investir ailleurs qu’en Europe

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Illustration. © Getty Images
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Dans les trois prochains mois, plus de 16 milliards d’euros pourraient être investis par les grands laboratoires pharmaceutiques aux Etats-Unis plutôt qu’en Europe.

Selon le quotidien français Les Échos, trente-deux patrons de grands laboratoires pharmaceutiques mondiaux, incluant ceux de Novo Nordisk, Pfizer, Eli Lilly, Roche, Sanofi, Merck, GSK et Servier, ont adressé une lettre à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Ils présentent à la Commission européenne une liste de demandes pour maintenir leurs investissements en Europe face aux menaces de droits de douane américains.

Réunion avec la Commission

Cette lettre reprend les arguments présentés par les laboratoires européens lors d’une réunion avec la Commission la semaine dernière. Lors de cette réunion, indique l’EFPIA, l’association des laboratoires pharmaceutiques européens, « les PDG de l’industrie pharmaceutique basée sur la recherche ont adressé un avertissement sévère à la présidente von der Leyen, indiquant que sans un changement politique rapide et radical en Europe, la recherche, le développement et la fabrication pharmaceutiques risquent de plus en plus d’être orientés vers les États-Unis. »

Selon une enquête menée récemment auprès des entreprises membres de l’EFPIA, à laquelle 18 grandes et moyennes entreprises internationales ont répondu,  jusqu’à 85 % des investissements en capital (environ 50,6 milliards d’euros) et jusqu’à 50 % des dépenses en R&D (environ 52,6 milliards d’euros) seraient menacés. Cela représente donc une partie substantielle des 165 milliards d’euros d’investissements combinés prévus par les laboratoires ces cinq prochaines années sur le territoire de l’Union.

Et le mouvement de désengagement est rapide : au cours des trois prochains mois, les entreprises interrogées estiment qu’un total de 16,5 milliards d’euros, soit 10 % des plans d’investissement totaux, est en danger.

Préserver l’industrie belge

Cette menace concerne particulièrement la Belgique, où le secteur pharmaceutique est important. « Voilà plusieurs années que nous attirons l’attention des pouvoirs publics sur les problèmes du secteur sur le marché européen, déclare un porte-parole de Pharma.be, l’association professionnelle du secteur en Belgique. La Belgique a une place centrale en Europe, avec des infrastructures adaptées comme les aéroports de Liège, de Zaventem et le port d’Anvers, le seul certifié en Europe pour la manutention de certains produits. Cette place centrale, il faut la conserver, et nous sommes demandeurs de contacts avec tous les décideurs pour ce faire ». Il ne s’agit pas d’une menace, ajoute-t-on chez Pharma.be,  mais simplement des conséquences de considérations purement économiques.

« Les États-Unis surpassent désormais l’Europe sur tous les critères d’attractivité pour les investisseurs, qu’il s’agisse de la disponibilité du capital, de la propriété intellectuelle, de la rapidité d’approbation ou des récompenses pour l’innovation. Outre l’incertitude créée par la menace de droits de douane, il y a peu d’incitations à investir dans l’UE et il y a des motivations importantes à se relocaliser aux États-Unis », observe l’EFPIA.

Actions urgentes

Les grands laboratoires présents en Europe ont donc une liste d’exigences et appellent « à des actions immédiates pour la création d’un marché européen compétitif qui attire, valorise et récompense l’innovation, en alignement avec les autres économies leaders en matière de soins de santé. Le renforcement, plutôt que l’affaiblissement, des dispositions européennes en matière de propriété intellectuelle (cette demande fait référence au projet de l’Union européenne de réduire la durée de vie des brevets ; NDLR). L’adoption d’un cadre réglementaire de pointe favorable à l’innovation et la garantie d’une cohérence politique entre les législations environnementales et chimiques pour sécuriser une chaîne de fabrication et d’approvisionnement de médicaments résiliente en Europe ».

Cette menace d’« exode » s’inscrit évidemment dans le contexte de guerre commerciale avec les Etats-Unis. Plusieurs groupes ont déjà annoncé des investissements massifs outre-Atlantique, tel I-Eli Lilly, qui a décidé d’y investir 27 milliards de dollars, et Novartis, avec un plan de  23 milliards.

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