L’ère de la post-vérité, l’axe Etats-Unis – Russie et le “cauchemar européen”
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Les remises en question du modèle démocratique européen viennent de Russie, mais désormais aussi des Etats-Unis. Avec des arguments fallacieux. La Conférence de Munich l’a démontré: les prochaines années seront difficiles pour nos pays. La riposte tente de s’organiser à Paris.
La Conférence sur la sécurité à Munich, qui s’est terminée dimanche après trois jours sidérants, a été “un cauchemar européen”. Son président, le diplomate allemand Christoph Heusgen, a bien dû le constater: “Cette Amérique sous Trump vit sur une autre planète” et même les républicains plus modérés ont “peur de leur président”.
L’Europe, dit-il, doit faire preuve de “beaucoup plus de force” en proposant son propre plan de sécurité pour l’Ukraine. Plusieurs pays européens se retrouvent d’ailleurs ce lundi à Paris pour en débattre, alors que les Etats-Unis et la Russie ont entamé des négociations sans eux. Le Premier ministre belge, Bart De Wever, lui, n’est même pas invité au “sommet” parisien.
“Pas de pare-feu”
Sidération, c’est bien le mot qu’il convient d’utiliser après la démonstration du vice-président américain J.D. Vance à la tribune de Munich. “En Grande-Bretagne et à travers l’Europe, la liberté d’expression, je le crains, est en retrait”, a-t-il déclaré, causant la stupeur dans son auditoire, évoquant même une “censure” pratiquée dans l’Union.
J.D. Vance a notamment évoqué les récentes élections en Roumanie annulées après un enquête démontrant l’ingérence de Moscou. Si “votre démocratie peut être détruite avec quelques centaines de milliers de dollars de publicité numérique d’un pays étranger, alors elle n’était pas très forte”, a-t-il lâché.
Cerise sur le gateau, il a pratiqué une ingérence ouverte, en Allemagne même, où des élections législatives ont lieu le week-end prochain: il ne peut y avoir de “pare-feu” contre l’extrême droite, selon lui, une façon ouverte de critiquer le cordon sanitaire.
“Ce à quoi la démocratie allemande”, comme toutes les autres, “ne peut survivre, c’est de dire à des millions d’électeurs que leurs pensées et leurs préoccupations (…) ne méritent même pas d’être prises en considération”, a martelé le vice-présdent américain.
Le tollé est général et l’inquiétude profonde. “Inacceptable”, s’est emporté le chancelier allemand Olaf Scholz. “Nous n’avons pas de leçon à recevoir en termes de valeurs”, s’emporte Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères. Pour lui, “l’internationale réactionnaire ne peut qu’affaiblir l’Europe”.
Des arguments fallacieux
La sidération s’est poursuivie avec la diffusion par Elon Musk d’une vidéo psychédélique reprenant en boucle la phrase de J.D. Vance: “Il ne peut y avoir de pare-feu”. La manipulation de masse est en marche.
“En analysant ce qui s’est passé à Munich, nous pouvons dire avec certitude que de graves changements sont à venir pour l’UE et ses institutions internationales, y compris parlementaires. Ils seront difficiles et douloureux”: voilà “l’analyse” du président de la Douma russe, Viatcheslav Volodine.
“Les participants n’étaient pas prêts à entendre la vérité sur eux-mêmes“, a-t-il ajouté. La vérité?
Voilà donc un axe Washington- Moscou usant des arguments fallacieux selon lesquels la liberté d’expression serait menacée en Europe ou les élections démocratiques biaisées. L’ère de la “post-vérité” se généralise, avec ses discours trompeurs et sa distorsion des faits.
Sur le plan géopolitique, l’Union européenne risque d’être prise en tenaille lors des négociations en cours entre les Etats-Unis et la Russie sur l’Ukraine. Les choses vont vite, désormais: les ministres des Affaires étrangères des peux pays se sont déjà parlés et une réunion devrait rapidement avoir lieu en Arabie Saoudite.
Face à ce rouleau compresseur autocratique, comment peuvent réagir des Européens divisés? Il reste un espoir que ce “cauchemar” ne soit qu’un mauvais rêve avec le discours régulièrement ambivalent de l’administration Trump. Les experts soulignent aussi qu’il y a une part de realpolitik et que le vrai souci américain consiste à développer une riposte à la Chine.
Mais c’est désormais un espoir ténu. Et tout va très vite.
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