L’énergie verte, des ressources bénies?
Du Chili à l’Equateur en passant par la Colombie et le Brésil, l’Amérique latine pourrait ouvrir la voie à l’énergie verte.
Pendant des siècles, l’Amérique latine a été frappée par la malédiction. Ses abondantes ressources naturelles ne se sont jamais traduites par une ascension durable, à l’échelle de la société, vers une plus grande prospérité. Nombreux sont ceux qui espèrent que cela changera avec la transition mondiale vers l’énergie propre. La région détient plus de la moitié du lithium mondial, utilisé dans les batteries des véhicules électriques; elle produit plus d’un tiers du cuivre nécessaire au câblage électrique et plus de la moitié de l’argent, indispensable à la fabrication des panneaux solaires. La région abrite également près de la moitié de la biodiversité mondiale et un quart des forêts.
Dans les années à venir, les dirigeants de la région espèrent que l’Amérique latine pourra devenir une puissance verte. Ses ressources ne sont pas seulement matérielles. Grâce à l’abondance de vent et de soleil et à la force des cours d’eau, plus d’un quart de son énergie primaire provient actuellement de sources renouvelables, soit deux fois plus que la moyenne mondiale. Selon le Global Energy Monitor, une organisation caritative basée à San Francisco, 320 gigawatts (GW) de projets d’énergie solaire et éolienne devraient voir le jour d’ici 2030.
A la pointe du financement
L’Amérique latine pourrait également devenir un important producteur à faible coût d’hydrogène dit “vert”, fabriqué à partir de sources renouvelables. Un quart de tous les projets d’hydrogène vert se trouvent en Amérique latine, soit la part la plus élevée au monde.
Le Chili prévoit de produire l’hydrogène le moins cher du monde d’ici 2030 et de figurer parmi les trois premiers exportateurs d’ici 2040. La région est également à la pointe de l’innovation en matière de financement climatique. En 2022, le Chili est devenu le premier pays au monde à émettre des obligations assorties d’un taux d’intérêt réduit s’il atteint les objectifs de durabilité, ce qui lui a permis de lever 2 milliards de dollars. L’Uruguay lui a emboîté le pas, levant près de 4 milliards de dollars.
En 2023, l’Equateur a procédé à l‘émission du plus grand swap “dette contre nature” au monde, les économies réalisées étant destinées à la protection des îles Galapagos. Et le président sortant du pays a qualifié la biodiversité de nouvelle “monnaie”. La tendance se poursuivra en 2024, avec notamment une émission d’obligations durables au Brésil d’une valeur estimée à 2 milliards de dollars.
La fin des forages
Le continent offrira deux études de cas montrant que les économies dépendant des combustibles fossiles peuvent rapidement devenir vertes. En août, les Equatoriens ont voté l’interdiction des forages pétroliers dans une partie de la forêt amazonienne, donnant à la compagnie pétrolière nationale un an pour mettre fin à ses activités. Que les citoyens d’un pays votent en faveur de l’arrêt pur et simple de la production pétrolière est une première dans l’histoire. Président de la Colombie depuis 2022, le si mal nommé Gustavo Petro s’est également engagé à mettre fin à l’exploration pétrolière.
Malgré tout cet optimisme, le changement ne sera pas facile. Le Brésil et la Guyane injectent encore des fonds dans la prospection pétrolière. La déforestation de l’Amazonie en Bolivie et au Venezuela a explosé. Progresser dans la chaîne de valeur, de l’extraction des matières premières à la fabrication de technologies vertes, nécessite des investissements et de l’expertise. Et traduire tout cela en une augmentation générale de la prospérité restera un défi. Mais la transition verte offre à la région une occasion historique de transformer la malédiction des ressources en bénédiction.
Traduit de “The World in 2024”, supplément de “The Economist”.
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