Elections en France : Emmanuel Macron a partiellement réussi son pari

Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

En annonçant la dissolution et les élections, le Président français voulait clarifier le paysage politique. Il a réussi sur un point : une majorité de Français ne désire pas d’extrême droite au pouvoir. Il a réussi aussi à sauver son camp politique. Pour le reste, la France, éclatée façon puzzle, va devoir réapprendre les vertus du dialogue et du compromis.

Au lendemain des élections législatives surprenantes qui ont vu la victoire relative de la gauche, la bonne résistance du camp présidentiel et la défaite relative du Rassemblement national (RN), on peut tirer trois leçons de ce scrutin.

Un plafond de verre fissuré

La première leçon est qu’il existe toujours un « plafond de verre » sur lequel vient butter l’extrême-droite. Il aura fallu pour cela mobiliser les candidats du front républicain et convaincre les moins bien placés de se désister pour éviter les dangereuses «  triangulaires » qui auraient pu bénéficier au candidat RN. Il aura fallu aussi que les électeurs se mobilisent comme jamais, avec un taux de participation d’environ 67% et 3 millions de procurations. Mais le barrage a fonctionné.  En cela, le Président français a au moins clarifié une chose : la France ne veut pas de l’extrême droite au pouvoir.

Le plafond de verre est toutefois fissuré en de nombreux endroits. Une partie de la droite républicaine a levé le tabou et s’est alliée à l’extrême droite. Une partie des médias s’est résolument rangée dans le camp RN. Et dans de nombreuses circonscriptions, le candidat RN battu s’est quand même fortement approché des 50%,  ce qui témoigne d’un ancrage plus profond qu’avant des idées du RN dans la population.

Une victoire tactique

La deuxième leçon de ces élections  est que même si la dissolution de l’assemblée prononcée par Emmanuel Macron restera dans l’histoire un acte profondément déstabilisateur pour la société française, le  Président aura aussi réussi, en créant ces circonstances exceptionnelles, à fortement limiter la casse dans son camp. En obtenant 174 sièges, la coalition Ensemble réussit un résultat inespéré et se hisse à la deuxième place. En voyant où était le camp présidentiel juste avant les élections européennes et où il est maintenant, on ne peut que saluer la manœuvre tactique même si l’on peut craindre pour la société française les conséquences néfastes de ce scrutin accéléré.

Comment faire société ?

La troisième leçon est que le politique et l’électeur vont devoir réapprendre à faire société, c’est-à-dire à agir en rassemblant des opinions parfois divergentes. Dans un groupe quel qu’il soit, si l’on désire réellement passer à l’acte, il faut emporter la décision du plus grand nombre, ce qui suppose souvent de transiger.

Or, ces élections ont été marquées par un éclatement façon puzzle du paysage politique, explosé par une ultra-polarisation de l’opinion. Une  multitude de courants principaux et secondaires se sont révélés, mais surtout, nombre de leurs représentants ont lancé anathèmes et excommunications, urbi et orbi. Les candidats du  Nouveau Front Populaire et plus spécialement le camp de La France Insoumise (LFI) ont vomi la « macronie » dans son ensemble. On se serait parfois presque cru revenu au temps des sans culottes clamant à la lanterne et brandissant fourches et pique contre l’ancien régime. A l‘intérieur de cette gauche, certains, ont jusqu’à l’entre-deux tours montré leur hostilité fraternelle  au  courant PS/Place publique, accusant Raphael Glucksmann d’abord de trahison, puis de défaitisme. Au sein même des Insoumis, un schisme profond est apparu. Certaines stars de LFI (Clémentine Autain, François Ruffin, Alexis Corbière…) se sont désormais désolidarisées de leur parti d’origine. Schisme aussi à droite entre les Républicains restés « républicains » et ceux qui ont décidé de s’allier au RN. Division également dans le camp d’Emmanuel Macron, avec certains ténors (comme l’ancien ministre de l’Economie Bruno Le Maire) mettant en parallèle LFI et le RN, alors que d’autres, tel le premier ministre Gabriel Attal, hiérarchisaient leur opposition en posant le RN comme ennemi absolu.

Monnaie courante dans de nombreuses démocraties

Qu’un pays sorte d’une élection législative avec trois blocs importants, nécessitant l’alliance d’au mois deux d’entre eux pour former un gouvernement n’est pas une révolution. C’est monnaie courante dans de nombreuses démocraties. Mais en France, le système et la culture politique n’y sont pas habitués. On entend certains leaders de gauche dire que puisqu’ils sont arrivés en tête, il faut leur donner le gouvernement pour mettre en œuvre leur programme, rien que leur programme, tout leur programme. C’est oublier qu’une autre majorité pourrait théoriquement se dégager avec Ensemble, les Républicains restés républicains et certains sociaux-démocrates allergiques à LFI.

Pour avoir un véritable gouvernement, les forces politiques françaises devront discuter avec les opposants d’hier, faire des compromis, oublier les invectives et parfois les injures échangées ces derniers mois. Si un vrai gouvernement de coalition, de centre gauche ou de centre droit, sort de ces élections, Emmanuel Macron aura alors vraiment réussi son pari.

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