Le “Superpeso” et le miracle mexicain
Le peso est l’une des monnaies les plus performantes au monde face au dollar ces derniers mois. Un motif de satisfaction dans un pays qui a connu de sévères crises dans le passé.
Rosario Crisostomo a failli crier au vol quand elle est allée retirer en pesos mexicains la somme d’argent que lui envoie régulièrement en dollars son fils qui vit aux Etats-Unis. Dans le centre du Mexique, cette femme est l’une des perdantes de l’épopée “Superpeso”, l’une des monnaies les plus performantes au monde face au dollar ces derniers mois, motif de satisfaction dans un pays qui a connu de sévères crises dans le passé. “Je pensais qu’ils me disaient que le dollar était bon marché pour me donner moins”, affirme cette femme originaire de Piaxtla, un village reculé dans l’état de Puebla au sud de Mexico. Comme elle, 4,6 millions de Mexicains reçoivent une aide de la part de leurs proches installés à l’étranger, principalement aux Etats-Unis.
Les remesas à leur niveau le plus élevé
Le montant moyen de ces transferts de fonds (“remesas”) est de 380 dollars, soit quelque 6.521 pesos au cours actuel -un dollar pour 17,16 pesos, le niveau le plus haut depuis 2016. Le 23 mars 2020, au début de la pandémie, la même somme représentait 9.500 pesos, quand la monnaie mexicaine était descendue à 25 pesos pour un dollar. Bref, les bénéficiaires des remesas font partie des perdants de la saga du “Superpeso” mexicain. L’afflux des “remesas” explique justement en partie la bonne tenue des billets à l’effigie de José Maria Morelos et Benito Juarez, héros nationaux.
Le gouvernement mexicain estime que ces envois d’argent pourraient battre cette année le record de 2022 (58,48 milliards de dollars). Autre raison: face à l’inflation, la Banque centrale mexicaine a relevé ses taux plus tôt et plus fort que la Réserve fédérale (Fed). Avec un taux de référence à 11,25% actuellement, le Mexique est particulièrement attractif pour les investisseurs étrangers.
Les experts soulignent également la stabilité des finances publiques sous l’administration du président de gauche Andres Manuel Lopez Obrador. Refusant tout nouvel endettement, M. Obrador mène “une politique budgétaire austère”, selon une note récente du Trésor français.
Le Mexique bénéficie également de la relocalisation sur son territoire des entreprises autrefois installées en Asie (le “nearshoring”, qui désigne le retour des chaînes de production au plus près du grand marché américain).
“Miracle mexicain”
Il semble loin le temps où le Mexique passait pour l’un des canards boiteux de l’Amérique latine, avec des crises retentissantes comme en 1994, quand la dévaluation du peso avait touché d’autres pays (“l’effet tequila”). “Bien sûr que cela peut affecter ceux qui exportent, mais je dirais qu’il vaut mieux un peso fort que les dépréciations et la dévaluation”, affirmait le 18 mai le président Obrador, en saluant un “miracle mexicain”. “Il y a un pourcentage de la dette externe qui est contractée en dollars, donc cela signifie une baisse du montant”, ajoutait-il. Producteur de maïs et de sorgo, Rogelio Garciamoreno, est à la fois un gagnant et un perdant de la flambée du peso. “Le prix des matières premières en dollars sont à la baisse”, se félicite le vice-président du Conseil national de l’Agriculture et de la Pêche (CNA). En retour, la puissance du peso pénalise les exportations de grains, qui s’échangent également en dollars, ajoute-t-il. Au total 80% des exportations du Mexique partent vers les Etats-Unis dans le cadre du traité de libre-échange avec l’Amérique du Nord, qui inclut également le Canada.
La bonne santé du peso frappe également un secteur dollarisé propre à l’économie mexicaine: les “maquiladoras”, ces industries de transformation installées le long de la frontière avec les Etats-Unis, où les entreprises étrangères profitent habituellement d’une main d’œuvre bon marché.
“Nous avons besoin de plus de dollars pour payer les salaires et les impôts”, explique Jesús Manuel “Thor” Salayandia, vice-président des Maquiladoras à la Chambre nationale de l’industrie de transformation (Concintra). Le peso pourrait revenir à 19 unités pour un dollar d’ici la fin de l’année, d’après Carlos Capistran, économiste à la Bank of America – Merrill Lynch. La Fed pourrait en effet continuer à remonter ses taux, alors que la Banque du Mexique a maintenu deux mois de suite son taux de référence à 11,25%. Ce serait une bonne nouvelle pour Rosario Crisostomo, confrontée aux conséquences de l’inflation, même quand la hausse des prix retombe à 5,48% sur 12 mois en mai. “La hausse du dollar nous convient, parce que tout augmente”, soupire la femme dont le pouvoir d’achat dépend en partie de l’argent que son fils lui envoie de New York.
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