Le monde sera-t-il plus apaisé en 2025?
En 2024, le monde a été marqué par la réélection de Donald Trump à la tête des États-Unis, l’intensification des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient et une tension montante en mer de Chine. Ces thématiques ne s’effaceront pas ces prochains mois en 2025.
1. Les conflits menacent-ils les voies commerciales ?
“Ukraine, Moyen-Orient, tensions dans la mer de Chine,… Les conflits saillants de l’an dernier sont toujours là et ont révélé l’impuissance du vieil ordre mondial, constate Nabil Jijakli, Deputy CEO de Credendo. Les Nations unies se sont montrées incapables d’apaiser le Moyen-Orient. La solution de deux États (un Palestinien, un Israélien, comme en appellent les résolutions de l’Onu, ndlr) s’éloigne. Pourtant, tôt ou tard, les questions de sécurité pour les États de la région nécessiteront de se remettre autour de la table.”
Une petite lueur dans ce chaos : “Nous avons pour l’instant, et c’était la grande volonté des Américains et des pays du Golfe, évité une guerre ouverte entre Israël et l’Iran, dit Tanguy Struye, professeur de relations internationales à l’UCLouvain. Si une guerre ouverte avait eu lieu, nous aurions un énorme problème, en particulier en Europe, géographiquement voisine. Nous serions aux prises avec des questions de sécurité, de terrorisme, de migration. Un embrasement aurait aussi un impact potentiel sur le prix du pétrole et du gaz. Beaucoup d’acteurs veulent donc éviter le conflit à tout prix, mais il y a aussi des acteurs très déterminés, en particulier Israël qui désire en finir une fois pour toutes, avec la menace iranienne.”
Une détermination israélienne renforcée depuis le 6 novembre et la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines. “Donald Trump va mettre en œuvre une politique qui favorisera inconditionnellement le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, estime Nabil Jijakli. Il en sera d’autant plus libre que désormais, les États-Unis sont devenus le premier producteur de gaz et de pétrole et que par rapport à la situation de 2016, les monarchies pétrolières arabes sont déforcées en raison de cette indépendance énergétique des États-Unis.”
Sur le plan économique, ce conflit porte le germe d’un élargissement à des zones importantes pour le commerce mondial. Les très importantes routes de transit passant par le canal de Suez, la mer Rouge, Bab-el-Mandeb (le détroit séparant l’Érythrée du Yémen) sont menacées par les rebelles houthis, soutenus par l’Iran. Quant à la route qui passe par le golfe Persique et le détroit d’Ormuz, l’Iran menace de la fermer elle aussi en cas de conflit.
Ces menaces sont encore aggravées par un autre point de tension. “Il faudra surveiller les relations entre l’Éthiopie et l’Égypte à propos du Nil, souligne Tanguy Struye. L’Éthiopie a construit des barrages sur le Nil, qui ont un impact sur l’Égypte dont l’approvisionnement en eau dépend grandement du fleuve. L’Égypte est furieuse et s’est rapprochée de la Somalie. L’Éthiopie, qui voulait avoir un accès vers la mer, a de son côté conclu un accord avec le Somaliland, un territoire qui a fait sécession de la Somalie, mais cette dernière ne l’a jamais reconnu. Cet accord a rendu la Somalie furieuse. Il y a donc dans cette région un conflit potentiel, dont les médias parlent très peu, mais dont l’enjeu est loin d’être négligeable.” Le golfe Persique et le golfe d’Aden seront deux points chauds du globe l’an prochain.
2. Trump apportera-t-il la paix en Ukraine ?
L’autre guerre qui se joue aux portes de l’Union européenne se passe en Ukraine. Un conflit qui dure depuis presque trois ans et que Donald Trump, en campagne, s’est promis de résoudre en un jour. “On observe, note Tanguy Struye, une fatigue du côté européen même si on ne le dit pas trop, une fatigue du côté américain, et également une fatigue, pas encore suffisante, des côtés russes et ukrainiens. Les Russes, vu leurs pertes, commencent à réaliser qu’ils n’atteindront pas l’objectif de prendre toute l’Ukraine. Les Ukrainiens de leur côté réalisent qu’ils ne parviendront pas à reprendre le Donbass et la Crimée. Il est donc possible qu’en 2025, nous ayons des négociations.”
La situation en Ukraine y pousse. “L’Ukraine est entrée dans un troisième hiver sans énergie, l’économie s’est effondrée et une dizaine de millions d’Ukrainiens ont fui le pays”, rappelle Nabil Jijakli. La menace nucléaire, réelle ou supposée, y pousse aussi : Moscou a redéfini sa politique de dissuasion nucléaire, lui permettant désormais de frapper un État non nucléaire qui l’agresse si cet État est aidé par une puissance nucléaire.
Quelle que soit son issue, la guerre en Ukraine a eu pour conséquence de renforcer l’axe entre la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, ce qui a contribué à aggraver les tensions internationales : au Moyen-Orient, la Russie semble désormais aider matériellement, aux côtés de l’Iran, les rebelles houthis. En Ukraine, des troupes nord-coréennes participent désormais au conflit, alors qu’en Asie, la tension a augmenté entre les deux Corées.
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3. La Chine est-elle le leader du Sud global ?
De ce monde fragmenté la Chine pourrait-elle émerger naturellement comme puissance capable de fédérer le “Sud global” ? Un Sud global très morcelé. “Il n’est pas homogène, affirme Tanguy Struye et ne choisit pas l’un ou l’autre camp. Beaucoup de pays vont picorer en fonction de leurs intérêts avec les Russes, les Américains, les Européens. L’Inde, le Brésil ou la Turquie en sont de beaux exemples.”
Militairement, même si Pékin multiplie depuis quelques mois les exercices de musculation en mer de Chine et plus spécialement autour de Taiwan, la Chine n’est pas prête à supplanter les États-Unis. Pour Nabil Jijakli, “il n’y a encore aujourd’hui qu’une seule puissance militaire capable de se projeter partout dans le monde, et ce sont les États-Unis. La Chine est l’Empire du Milieu, actif dans sa zone. On le voit par rapport à Taiwan, aux Philippines, au Vietnam. Mais quand ses intérêts proches sont menacés, la réaction chinoise peut être très véhémente”.
Il n’y a encore aujourd’hui qu’une seule puissance militaire capable de se projeter partout dans le monde, et ce sont les États-Unis.
Nabil Jijakli
Économiquement, la Chine cherche la stabilité pour asseoir son rôle dans la chaîne de valeur mondiale, rappelle Raphaël Cecchi, Senior Country Risk Analyst auprès de Credendo. “Mais cette recherche n’est pas un long fleuve tranquille, dit-il. Le pays a été obligé en raison de diverses critiques de recalibrer sa Route de la soie (le vaste projet logistique pour amener les produits chinois notamment en Europe, ndlr).
Sur le plan intérieur, “l’économie chinoise est en panne depuis le covid, et ne sait plus comment faire pour redémarrer, constate la Senior Economist de BNP Paribas Fortis Sylviane Delcuve. Les Chinois n’ont plus aucune confiance en leur gouvernement, les indicateurs de confiance des consommateurs n’ont jamais été aussi bas et le problème du chômage des jeunes est tel que la Chine ne publie plus de statistiques. Quelque chose s’est cassé après le covid et c’est à mon avis structurel.”
L’économie chinoise accumule en effet les problèmes : sa population vieillit ; l’immobilier et la construction – qui pèsent environ 25% du PIB – se débattent dans une crise grave ; les pouvoirs locaux et de nombreuses entreprises sont lourdement endettés ; les consommateurs, défiants, restreignent leurs dépenses ce qui freine la croissance ; et les jeunes sans emploi se multiplient. Ces derniers temps, Pékin a multiplié les plans de relance, mais on ne voit pas encore de grands succès.
À l’international, toutefois, “la Chine est leader dans sa relation commerciale avec le Sud global. Elle est le premier ou le deuxième partenaire commercial de très nombreux pays du Sud, et est souvent leur premier créditeur, concurrençant parfois le FMI”, rappelle Pascaline della Faille, Country and Sector Risk Manager chez Credendo. “La Chine, rappelle Raphaël Cecchi, veut garder la main sur le réseau qu’elle a tissé et qui lui confère un avantage dans beaucoup de discussions dans les institutions internationales.”
4. Peut-on parler de déglobalisation ?
Ce paysage mondial fragmenté a-t-il sonné le glas de la globalisation ? Charlotte de Montpellier, Senior Economist chez ING Belgium, ne le croit pas. Certes, constate-t-elle, “depuis plusieurs années, et cela n’est pas uniquement dû à la pandémie, la globalisation n’augmente plus. Mais elle ne diminue pas non plus”.
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On n’assiste pas non plus, malgré ce qu’on a pu entendre, à une tendance au nearshoring (externaliser des activités productives dans des pays proches), à raccourcir la chaîne de valeur et à aller trouver des fournisseurs plus près de chez soi. Si des réflexions stratégiques ont lieu, “ce sont essentiellement les prix qui motivent les décisions, et dans un contexte de croissance faible, les prix en Chine sont faibles également, souligne l’économiste. Nous n’assistons donc pas à un changement massif dans la chaîne d’approvisionnement”.
En Europe,nous allons être confrontés aux difficultés économiques de certains États membres, en premier lieu de l’Allemagne.
Sylviane Delcuve
Dans ce contexte, que doivent viser les exportateurs belges ? Réponse : les marchés émergents et, pour ceux qui le peuvent, les États-Unis. Les marchés avec le plus de potentiel ne devraient pas être européens. “En Europe, en 2025, nous allons être confrontés aux difficultés économiques de certains États membres, en premier lieu de l’Allemagne”, avertit Sylviane Delcuve.
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Le potentiel est donc ailleurs. “Quand on regarde notre analyse de risque, les pays émergents sont intéressants, affirme Nabil Jijakli. Le risque n’a pas disparu, mais il a été atténué et a pris un autre visage, celui des lourdeurs administratives, des problèmes de gouvernance, des difficultés avec les lois cherchant à protéger les intérêts nationaux, etc.”
Mais ces marchés potentiellement attrayants, les entreprises belges ne sont pas les seules à les convoiter : “Il est également difficile d’y pénétrer parce que la concurrence des autres pays est très importante”, note Pascaline della Faille.
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