Le coût des privilèges : examen du salaire et des avantages des eurodéputés

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Le salaire d’un eurodéputé est de base relativement élevé, mais il grimpe encore en fonction des bonus.

Le salaire du parlementaire européen s’élève à près de 7 850 euros nets par mois. À ce salaire de base s’ajoutent des extra. Par exemple une allocation forfaitaire pour les frais de fonctionnement, la « General Expenditure Allowance ». Celle-ci est de 4 950 euros par mois. Cette allocation leur permet de payer l’équipement (ordinateur, téléphone), le loyer ou l’achat d’un bureau dans leur propre circonscription électorale, de suivre des formations ou encore d’organiser des conférences et des expositions. Dans la pratique, elle est cependant versée sur le compte des députés sans véritable contrôle. Ils ne sont en effet pas tenus de fournir de justificatifs sur l’utilisation exacte de cet argent. Pourtant, c’est un beau budget de 40 millions d’euros par an pour l’Europe, soit 4 950 (euros) x 12 (mois) x 705 (eurodéputés)). L’idée est que l’excédent soit restitué, mais seule une infime partie des députés le font.

À cette somme se greffe également un cachet par jour où ils sont présents au Parlement. Celui-ci s’élève à 350 euros. Jusqu’il y a peu, l’assistant pouvait signer à la place du mandataire, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Sauf que le parlementaire peut signer sa présence, mais ne doit pas pour autant assister à la séance. Une petite subtilité qui fait que l’aula semble parfois vide. L’Eurodéputé peut aussi compter sur des frais de voyage illimités et des budgets de communication redistribués par leur groupe parlementaire (60 millions d’euros pour l’ensemble des groupes).

Plus que le premier ministre

Tout cela combiné fait qu’un député gagne environ 13.000 euros par mois. Pour donner une idée de comparaison, c’est plus que notre Premier ministre Alexander De Croo qui lui ne gagne que 11.000 par mois. Et ce n’est même pas le mandat politique le mieux payé en Belgique. Le président de la chambre des représentants belge fait mieux. Il gagne près de 13.200 euros nets par mois.

Le salaire de l’eurodéputé est d’autant plus confortable que ce n’est souvent pas le seul revenu d’un eurodéputé. Il n’est pas rare qu’il ou elle perçoive aussi des émoluments liés à un mandat local ou à un poste dans un conseil d’administration ou d’entreprise. Le champion belge en la matière est l’ancien Premier ministre Guy Verhofstadt. Le libéral gagne ainsi 131 988 euros par an, en plus de son travail parlementaire. Pour l’ensemble des parlementaires européens, ces gains annexes représentent un bonus total de 8.6 millions d’euros.

Pour être complet, on précisera cependant qu’une partie plus ou moins importante des salaires tirés des mandats politiques doit être reversé au parti du parlementaire.

Fraude et corruption

En principe, de tels salaires devraient éloigner toute tentation de fraude ou de corruption. Mais il n’en est rien. Ainsi, une enquête internationale menée par De Tijd/ L’Echo a révélé en janvier que «près d’un député européen sur quatre a déjà été mis en cause dans une ou plusieurs affaires, dont près de 90 cas de corruption ou de fraude et de détournement de fonds». Les Belges ne sont pas épargnés puisque, « sur les 21 eurodéputés belges, six ont été mis en cause» au cours des dernières années pour « des faits très variés en termes de gravité et d’effets ».

Selon cette même enquête, si la corruption « est la catégorie d’inconduite la plus grave, c’est aussi l’une des affaires les plus courantes dans lesquelles des eurodéputés sont impliqués. Nous avons dénombré 45 cas de corruption: 29 cas de népotisme et 16 cas de corruption pure et simple ». L’une des affaires les plus retentissantes du dernier mandat a été ce qu’on a appelé le Qatargate, avec la tentative du Qatar et du Maroc d’influencer des eurodéputés et de bloquer des prises de décision préjudiciables. L’enquête du De Tijd révèle aussi 44 autres cas de fraudes et de détournements de fonds. L’une des affaires les plus graves implique des députés du RN français et concerne une vaste affaire d’emplois fictifs d’assistants parlementaires.

À ces cas évidents s’ajoutent aussi les cas plus douteux. Pour éviter tout népotisme, les députés n’ont plus le droit depuis 2009 d’engager de « proches parents » comme assistants. Mais il arrive qu’on engage le proche parent d’un collègue de parti. Il y a aussi les cadeaux que les eurodéputés doivent déclarer. Sauf qu’« en 2016, 2018 et 2021, seul un eurodéputé a fait une telle déclaration » précise encore De Tijd.

Peu de poursuites

Un autre constat de l’enquête est que les rapports de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) qui concluent à une fraude ne sont pas toujours suivis de poursuites. « Depuis 2018, cela n’a été le cas que dans moins de 40% des dossiers ». Et puis il y a tout ce qui est réglé en douce. « Entre 2019 et 2022, 108 députés ont dû rembourser au total plus de 2 millions d’euros qu’ils auraient indûment versés à leurs collaborateurs », précise encore De Tijd. Or les « eurodéputés qui remboursent l’argent en silence échappent aux poursuites ». Elles ne sont alors considérées que comme de simples irrégularités administratives.

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