Le couronnement de Charles III, un moment de faste dont les dépenses ne passent pas
Carrosses luxueux, bijoux précieux, invités en tenue d’apparat: le faste du couronnement fait grincer des dents en pleine crise du pouvoir d’achat au Royaume-Uni… D’autant qu’il incombera largement aux contribuables de le payer.
Le coût de l’événement n’a pas été révélé mais il a été estimé par la presse entre 50 et 100 millions de livres sterling (57 et 114 millions d’euros), auxquels s’ajoutent les frais liés à la sécurité.
Pour certains, ces dépenses ne passent pas.
“250 millions de livres sterling vont être dépensés ce jour-là”, peste Delany Gordon, 50 ans, citant un chiffre mentionné par le tabloïd The Mirror. “Je dépense 26 centimes pour mon déjeuner aujourd’hui”, compare-t-il en montrant un petit pain tout juste acheté dans un supermarché du nord de Londres. “Ils ont de l’argent, pourquoi prennent-il le mien?”, ajoute-t-il, jugeant “choquant” et “dingue” que les contribuables doivent mettre la main à la poche.
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“On ne vit pas pareil”, témoigne aussi Eden Eawit. “En ce moment les gens galèrent“, poursuit cette femme de 38 ans qui dit ne cuisiner que deux jours par semaine et manger des sandwichs le reste du temps pour réduire ses dépenses d’énergie.
Inflation dépassant les 10% depuis des mois, salaires qui stagnent, prix des denrées alimentaires et de l’énergie qui flambent: ce cocktail explosif a poussé infirmières, médecins, enseignants et autres fonctionnaires à se mettre en grève pour obtenir de meilleurs salaires. D’autres sont contraints de demander de l’aide pour boucler leurs fins de mois.
Le Trussell Trust, organisation caritative qui gère un vaste réseau de banques alimentaires dans le pays, a fourni près de 3 millions de colis alimentaires d’urgence à des personnes en difficulté entre avril 2022 et mars 2023, dont plus d’1 million distribués à des enfants, une augmentation de 37% par rapport à l’année précédente.
Charles III a donné en décembre de l’argent collecté en mémoire de sa mère Elizabeth II à une association aidant les personnes en situation de précarité énergétique. Ce don au montant non précisé s’ajoute à un autre d’un million de livres sterling versé par le roi à des banques alimentaires.
“Coup de pouce”
Ce contexte tendu pousse certains à penser que c’est la famille royale, à la tête d’une colossale fortune, qui devrait payer la facture. Selon un sondage réalisé par YouGov en avril, 51% des Britanniques pensent que le gouvernement ne devrait pas financer le couronnement.
Le montant total des dépenses n’a pas été précisé, mais “les vrais chiffres seront partagés en temps voulu”, a déclaré un porte-parole du palais de Buckingham. Il a tenu à mettre en balance ces dépenses avec l'”énorme coup de pouce” économique généré. “Une occasion nationale comme celle-ci, une grande occasion d’État, attire un énorme intérêt mondial qui fait plus que rembourser les dépenses qui l’accompagnent“, a-t-il assuré.
Selon la British Beer and Pub Association, le couronnement devrait générer 120 millions de livres sterling de retombées pour les pubs qui seront autorisés à ouvrir plus longtemps à cette occasion. Le secteur de l’hôtellerie espère une manne d’un milliard de livres sterling.
Le vice-premier ministre Oliver Dowden, a récemment insisté sur le fait que le roi et le gouvernement veilleront à ce qu’il n’y ait ni “extravagance ou excès”. De fait, la cérémonie s’annonce plus sobre que pour le couronnement d’Elizabeth II: environ 2.000 personnes assisteront à la cérémonie dans l’abbaye de Westminster contre 8.000 il y a 70 ans.
Le porte-parole du palais souligne que l’événement a été préparé “en étant toujours conscient qu’il s’agit d’une période de difficultés économiques pour beaucoup de gens, donc des économies ont été trouvées dans des domaines clés – par exemple en réutilisant de nombreux éléments pour la cérémonie, plutôt que de commander des nouveaux”.
Il s’agit du troisième événement en grande pompe au Royaume-Uni en moins d’un an après les célébrations du jubilé de platine de la reine (70 ans de règne) en juin puis ses funérailles en septembre dernier.
Pour Graham Smith, cette nouvelle cérémonie coûteuse est une “gifle pour des millions de personnes aux prises avec la crise du coût de la vie”. Son mouvement anti-monarchie Republic compte faire entendre sa voix lors d’une manifestation à Trafalgar square et le long de la procession samedi.