Le choix de l‘Europe : simplifier maintenant, ou mourir

Frankfurt, Germany - August 23, 2012: The Famous Big Euro Sign at the European Central Bank in Frankfurt, Germany. The bank was established by the Treaty of Amsterdam in 1998.caption © Getty Images
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Les anciens se souviennent de la Stratégie de Lisbonne, adoptée lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000, qui visait à faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici 2010 ». Et l’an dernier, tout le monde a applaudi les rapports Draghi et Letta sur le même sujet (comment éviter le décrochage de l’économie européenne ?), preuve que l’on n’a pas avancé d’un pouce en 25 ans. Et comme les autres ne nous ont pas attendu, nous avons donc accumulé en un quart de siècle un fabuleux retard de croissance et d’innovation par rapport aux Etats-Unis et à la Chine.

Un sentiment d’urgence

Cependant, face à un monde de plus en plus fragmenté et dangereux, les économistes et les entreprises européennes sont de plus en plus nombreux à donner de la voix pour arrêter de se gaver de mots et passer rapidement aux choses sérieuses avant qu’il ne soit trop tard.

Les appels se multiplient pour que l’Union européenne et plus spécialement la Commission, son bras exécutif, mettent en place un système de réglementations qui ne freine pas mais au contraire soutienne l’activité et l’innovation. Car si les initiatives et les projets européens foisonnent sur papier (EU Space Act, EU Chips Act, Next Generation EU, Digital Services Act, Digital Markets Act, Clean Industrial Deal, Net-zero Industry Act, AI Act, Competitiveness Compass…), sur le terrain, le marché européen est encore horriblement fragmenté et complexe.

Appels multiples

Ces derniers mois, les entreprises européennes, par le biais d’organisations comme Business Europe, ont appelé à une réduction significative des charges réglementaires dans les obligations de reporting. Sont visées les directives CSRD et CSDDD, qui exigent des rapports détaillés sur les impacts environnementaux et sociaux.

Elles appellent aussi à supprimer les dix obstacles les plus nuisibles au libre-échange de biens et de services identifiés par la Commission européenne. Les entreprises technologiques, en particulier les startups, font face à des coûts élevés pour se conformer à des règles divergentes, ce qui limite leur compétitivité face aux États-Unis ou à la Chine.

Elles appellent à réduire les barrières transfrontalières et à assouplir l’AI Act. Ainsi 45 dirigeants d’entreprises ont adressé une lettre ouverte à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, demandant une pause réglementaire de deux ans pour réévaluer l’impact de l’AI Act sur la compétitivité. Dans un autre domaine sensible, le marché des cryptoactifs et de la technologie de la blockchain, les acteurs européens demandent également un assouplissement de la réglementation européenne pour éviter de disparaître face à la concurrence des compétiteurs américains.

Prise de conscience ?

Lors du Forum de Sintra qui réunissait banquiers centraux et économistes, on a senti comme une prise de conscience.

Le président de la Bundesbank Joachim Nagel a reconnu les défis structurels de l’économie européenne, notamment en Allemagne, où la compétitivité industrielle s’est détériorée. Cependant, il a exprimé un optimisme prudent, notant que les discussions à Sintra montraient une prise de conscience croissante de la nécessité de réformes.

« En tant qu’Européens, et particulièrement en Allemagne, nous sommes très bons pour analyser les problèmes, a-t-il dit au New York Times. Cependant, lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des solutions, nous avons tendance à être assez réticents au risque et donc lents à réagir. Mais j’ai de plus en plus l’impression, également à partir des discussions ici à Sintra, que nous sommes maintenant en mouvement. »

Yes we can, can we?

Dans un panel réunissant plusieurs économistes européens, Philippe Aghion, professeur au Collège de France et à la London School of Economics s’est déclaré « très optimiste ». Il a rappelé que des réformes structurelles pouvaient libérer le potentiel de croissance de l’Europe. Il a invité à s’inspirer du modèle suédois pour les systèmes de retraite, a défendu la tarification du carbone et a appelé à une intégration énergétique européenne. « C’est maintenant à nous de le faire, et nous en sommes capables », a-t-il dit. Est-ce le signe d’une réelle volonté d’aller de l’avant ou l’Europe se paie-t-elle à nouveau de belles paroles dans un de ces épisodes d’autosatisfaction dont elle est si friande ? Nous aurons la réponse bientôt.

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