Pourquoi l’hypothèse de voir Donald Trump à la Maison-Blanche à nouveau après 2028 n’est pas si farfelue.
“Il va obtenir un troisième mandat. Trump 2028. Trump sera président en 2028, et les gens doivent s’y accommoder.” Cette petite phrase distillée par Steve Bannon, le consultant en communication historique de Donald Trump à l’occasion d’un entretien avec The Economist, suscite énormément de débats. Est-ce une rodomontade ou une prémonition ?
Depuis longtemps, Donald Trump répète qu’il sera là encore après 2028 et la fin de son second mandat. Mais le 22e amendement de la Constitution américaine interdit à une personne d’être élue plus de deux fois à la présidence des États-Unis. Il avait été adopté en réaction aux quatre élections consécutives de Franklin D. Roosevelt (1932, 1936, 1940, 1944). Il visait à codifier la tradition des deux mandats que désirait établir le père fondateur, George Washington.
S’asseoir sur la Constitution ? Un détail pour Steve Bannon : « Il y a de nombreuses alternatives. Au moment opportun, nous exposerons le plan, mais il existe, et Trump sera président en 2028 », dit-il.
La faille
« Peut-être est-ce du bluff. Peut-être une guerre psychologique. Ou peut-être simplement Bannon qui fait du Bannon (ce qui arrive souvent). Mais s’il existe une faille, cette équipe la trouvera, et elle semble activement la chercher », observe Jeremy Ghez, professeur à HEC et fin connaisseur des États-Unis.
Or, la faille semble exister. Elle a même été décrite, rappelle Jeremy Ghez, par une étude de Signum Global Advisors, grande firme de conseil en analyse politique fondée en 2018 par Charles Myers qui avait en son temps conseillé Hillary Clinton lors de la campagne de 2016.
Au cœur de cette stratégie se trouve une interprétation audacieuse de la Constitution américaine. Son 22e amendement, adopté en 1951 prohibe en effet d’être élu plus de deux fois. L’astuce est donc de faire accéder Donald Trump à la présidence non par une élection directe, mais par la ligne de succession présidentielle.
Hold-up
Le hold-up se ferait en trois étapes.
La première est le contrôle de la Chambre des représentants. En 2026, lors des élections de mi-mandat, le mouvement MAGA visera à conquérir une majorité absolue à la Chambre. C’est ce qui explique les charcutages électoraux auxquels sont en train de se livrer les républicains (avec une riposte de même nature côté démocrates) pour essayer de gagner 50 sièges, voire davantage, en redécoupant les circonscriptions. Si les républicains réussissent à renforcer leur contrôle, Donald Trump pourrait alors être élu président de la Chambre (Speaker of the House), un poste qui ne requiert pas d’être membre du Congrès. Or, le Speaker est le troisième dans l’ordre de succession.
La deuxième étape consiste à présenter aux élections de 2028 un ticket suicide : deux candidats, à la présidence et à la vice-présidence, qui savent que même s’ils reportent les élections, ils ne siégeront pas à la Maison-Blanche. Si ce ticket sacrificiel remporte l’élection de 2028, il démissionnera en effet immédiatement après l’investiture. Sans Président et sans Vice-président, on se tournera donc vers le troisième personnage de l’État, le Speaker, pour devenir Président des États-Unis
Lecture historique
Reste un obstacle constitutionnel : si le 22e amendement interdit d’être élu plus de deux fois à la présidence, le 12e amendement bloque normalement un candidat “constitutionnellement inéligible”.
Mais une interprétation, minoritaire, argue qu’”inéligible” se réfère uniquement aux critères d’inéligibilité qui étaient en vigueur en 1804, lors de la rédaction de l’amendement : il fallait être citoyen de naissance, avoir au moins 35 ans et résider depuis au moins 14 ans aux États-Unis. D’autres limites ont été ajoutées, mais bien plus tard.
Pour Jeremy Ghez, cette thèse est certes « déroutante » mais aussi « convaincante ». « L’histoire réelle derrière le « playbook 2028 de Trump » n’est pas un vœu pieux. C’est la porte théoriquement ouverte que certains veulent enfoncer », estime-t-il.
Une Cour Suprême aux ordres
Cette hypothèse de lecture historique de la Constitution américaine est d’ailleurs celle que les juristes conservateurs qui désormais dominent la Cour Supreme américaine mettent en œuvre depuis un an. Ils s’appuient sur le principe du « pouvoir exécutif unitaire », qui repose sur une interprétation littérale du 2e article de la Constitution, qui dit : « Le pouvoir exécutif sera confié à un président des États-Unis d’Amérique » .
Selon les partisans du pouvoir exécutif unitaire, cela implique que le président détient seul l’intégralité du pouvoir exécutif, sans ingérence possible du Congrès ou d’autres entités. Concrètement, c’est l’application de cette théorie qui fait qu’aujourd’hui, la séparation des pouvoirs n’existe pas aux États-Unis. Le pouvoir législatif est en catatonie et le pouvoir judiciaire est désormais instrumentalisé contre les opposants du Président. Le Président n’a que faire du Congrès pour gouverner, signant décret présidentiel sur décret présidentiel, même sur des matières, comme les tarifs douaniers, pour lesquels le Congrès est normalement compétent.
Anti-fragile
La Cour suprême des États-Unis, où siègent six juges conservateurs sur neuf au total, pourrait donc, dans le même esprit, revoir la lecture des 22e et 12e amendements en faveur de Donald Trump.
Les conseillers de l’actuel Président feront tout pour qu’il en soit ainsi. « La force du mouvement populiste nationaliste MAGA dans ce pays, c’est que nous sommes anti-fragiles, avertit Steve Bannon dans The Economist. Nous sommes résilients. Vous pouvez nous donner votre meilleur coup. Et vous pouvez nous mettre en prison. Vous pouvez nous retirer nos cartes de crédit, nous retirer du système bancaire ou des réseaux sociaux. Nous ne pouvons pas être battus, car nous n’abandonnons pas. »
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