L’Afrique, un continent aux mains des militaires

le "président de transition" du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema, serait encore assez populaire et ne semble pas pressé d’instaurer la démocratie dans son pays. (Photo by Wilfried MBINAH / AFP) (Photo by WILFRIED MBINAH/AFP via Getty Images) © AFP via Getty Images
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Ne vous attendez pas à ce que les militaires abandonnent le pouvoir en Afrique dans les prochains mois. Ni les démocraties africaines, ni l’Occident ne les y contraindront.

La pandémie de covid a accéléré le mouvement de refus d’élections libres et équitables en Afrique. Plusieurs gouvernements, notamment celui de l’Éthiopie, ont prétexté la présence du virus pour retarder ou manipuler le processus électoral. Mais plus inquiétant encore, c’est la série de coups d’État qui s’enchaînent. Le Mali, en 2020, a été suivi de près par la Guinée, le Soudan, le Burkina Faso, le Niger, le Gabon, et, d’une certaine manière, le Tchad. À la fin de 2023, une “ceinture de coups d’État” ininterrompue s’étendait de l’Atlantique à la mer Rouge.

Les optimistes pourraient penser que 2024 a été une année au cours de laquelle les dominos ont arrêté de tomber. Les pays les plus à risque sont restés sous contrôle. Les craintes que le Sénégal, l’une des démocraties apparemment les plus stables d’Afrique, puisse succomber à un régime militaire se sont révélées infondées. Au Botswana, on a aussi enregistré la défaite du parti au pouvoir aux élections d’octobre. Tout s’est terminé par un transfert de pouvoir pacifique.

Toutefois, savoir si les 12 derniers mois marquent une accalmie plutôt qu’un changement de cap deviendra plus clair en 2025. Plusieurs des dirigeants arrivés au pouvoir après des coups d’État et qui avaient promis une “transition” doivent passer le relais aux civils ou se préparer à le faire. En Guinée, par exemple, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, au pouvoir depuis un coup d’État en 2021, a promis de quitter ses fonctions. Les signaux ne sont cependant pas encourageants.

Le Gabon, théâtre du coup d’État le plus récent en Afrique, se trouve dans une situation similaire. Les officiers de l’armée qui ont renversé le président Ali Bongo en août 2023, ont d’abord été bien accueillis par l’opinion publique. Mais contrairement au colonel Doumbouya en Guinée, le “président de transition” du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema, serait encore assez populaire et ne semble pas pressé d’instaurer la démocratie dans son pays. Et si des élections se tiennent, comme prévu, en août 2025, il se présentera probablement et l’emportera presque certainement.

Il est peu probable que l’Occident fasse pression sur les juntes militaires pour qu’elles rendent le pouvoir à la société civile.

Transition démographique

Au Sahel, région dominée par un grand nombre de régimes militaires, les perspectives de démocratie sont encore plus sombres. En théorie, la transition démocratique du Niger ne devrait pas durer plus de trois ans. Mais depuis juillet 2024, le pays fait partie de l’Alliance des États du Sahel (AES), une confédération formée avec le Mali et le Burkina Faso. L’AES n’est pas une championne de la démocratie. Le Mali et le Burkina Faso devaient organiser des élections en 2024, mais elles n’ont pas eu lieu. Et il ne faut pas s’attendre à ce que les voisins du Niger fassent beaucoup de bruit.

Il est peu probable que l’Occident fasse pression sur les juntes militaires pour qu’elles rendent le pouvoir à la société civile. La Guinée abrite les plus grandes réserves inexploitées de fer et de bauxite au monde. Le Gabon accueille une base militaire française. La France et les Etats-Unis ont été contraints de retirer leurs troupes du Niger, où ils luttaient contre les djihadistes. Pour les putschistes en puissance, cela ne peut qu’être réjouissant.

Par Tom Gardner, correspondant en Afrique pour “The Economist”

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