La Turquie demande officiellement à rejoindre les BRICS

Le président russe Vladimir Poutine avec le président turc Recep Tayyip Erdogan en marge du sixième sommet de la Conférence sur l'interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA) à Astana, le 13 octobre 2022. © Getty images
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Frustrée de ses relations avec les Occidentaux, Ankara désire faire partie de cette alliance dominée par la Chine et la Russie.

L’agence Bloomberg a dévoilé ce 2 septembre que la Turquie avait officiellement introduit sa demande pour faire partie des BRICS, un groupe de pays dont l’acronyme reprend le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, et l’Afrique du Sud (South Africa), et qui s’est vu renforcé par l’arrivée en début d’année de l’Égypte, des Émirats arabes unis, de l’Éthiopie et de l’Iran.

Le centre de gravité n’est plus en Occident

C’est donc très clairement une alliance destinée à concurrencer les groupes dominés par les pays occidentaux, avec, en premier lieu, le G7.

Le week-end précédent, le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, avait déclaré que « la Turquie peut devenir un pays fort, prospère, prestigieux et efficace si elle améliore ses relations avec l’Est et l’Ouest simultanément. Toute autre méthode ne profitera pas à la Turquie, mais lui nuira ». L’agence Bloomberg, qui cite des sources anonymes, ajoute que le Président turc Erdoğan pense que « le centre de gravité géopolitique » s’éloigne des économies occidentales.

Un ensemble de frustrations

Un ancien diplomate turc a déclaré à Newsweek que cette initiative était motivée par les « frustrations accumulées » par Ankara à l’égard de l’Occident et de l’Union européenne. « Il ne s’agit pas d’une stratégie d’Ankara visant à remplacer l’Occident, mais d’une stratégie visant à renforcer les relations avec les puissances non occidentales à un moment où l’hégémonie des États-Unis s’affaiblit », a déclaré Sinan Ülgen, directeur du groupe de réflexion EDAM, basé à Istanbul. « L’un des moteurs de cette évolution est l’aspiration à une plus grande autonomie stratégique, l’autre moteur est l’accumulation de frustrations vis-à-vis de l’Occident et de l’Union européenne », ajoute-t-il.

La crise de S-400

Voilà des décennies que la Turquie piétine en effet aux portes de l’Union européenne sans pouvoir y rentrer. Et les relations avec les Etats-Unis se sont aussi dégradées. Une crise majeure avec Washington et l’OTAN, dont la Turquie est membre, s’est déclarée lorsqu’en 2017, l’armée turque a décidé d’acheter à la Russie des systèmes anti-missiles et anti-aériens  S-400. Une décision prise après le refus de l’administration américaine, pilotée alors par Obama, de livrer des systèmes Patriot américains.  Ces missiles russes sont effectivement arrivés en Turquie en 2019.

Depuis, les relations avec les Etats-Unis se sont dégradées.  La Turquie avait participé financièrement au développement du F-35, le chasseur-bombardier de dernière génération adopté par plusieurs forces aériennes de l’OTAN (dont la Belgique). L’armée turque envisageait d’acquérir une centaine de ces appareils.  Mais à la suite de cet achat de missiles russes, le pays a été exclu du programme.

Double jeu

Le double jeu turc est également visible depuis la guerre en Ukraine. La Turquie est certes membre de l’Alliance atlantique (l’OTAN), mais elle continue à entretenir des liens commerciaux avec la Russie. « En se muant en plateforme de transit pour les exportations parallèles vers la Russie, en y exportant ses propres biens et en accroissant sa présence économique sur place, la Turquie a tourné les sanctions contre Moscou à son avantage », observe le journal économique français Les Echos.

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