La politique douanière de Trump rapproche la Chine, la Corée du Sud et le Japon

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Alors que l’administration américaine veut faire exploser la mondialisation, celle-ci est peut-être en train de renaître en Asie.

Lors d’une réunion tripartite à Séoul le 30 mars, les ministres de l’Industrie et du Commerce de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud ont conclu un accord préalable qui devrait déboucher sur un grand accord de libre-échange qui réunirait trois pays représentant environ 20 % de la population mondiale, un quart du PIB mondial et 20 % du commerce planétaire. Cette réunion, la première sous ce format depuis 2020, avait été organisée en urgence pour répondre au « Libération Day », la volonté des États-Unis d’imposer des tarifs douaniers à tous ses partenaires commerciaux et vise à stabiliser les chaînes d’approvisionnement et à coordonner les politiques de contrôle à l’exportation.  

La Chine, déjà ciblée par des taxes massives sous Trump (jusqu’à 60 % dans ses promesses), prépare des contre-mesures et pourrait rediriger ses exportations vers l’Europe, ce qui inquiète l’UE. Le Japon, où l’automobile représente un secteur clé, est particulièrement vulnérable. Et la Corée du Sud également, qui a un secteur manufacturier très important : automobile, chantiers navals, appareils électroniques…

Les trois puissances asiatiques cherchent également à promouvoir une réforme de l’Organisation mondiale du commerce et à encourager l’adhésion de nouveaux pays au Partenariat économique régional global, un vaste accord commercial rassemblant déjà 15 pays d’Asie-Pacifique.

Avec l’Europe ?

Cet accord de libre-échange asiatique plonge l’Europe dans une situation ambiguë. Certains responsables européens, comme le commissaire au Commerce Maroš Šefčovič, ont suggéré d’entamer une stratégie d’alliance avec les États-Unis pour contrer les “surcapacités” chinoises, notamment dans l’acier et l’aluminium, afin d’éviter des taxes américaines sur ces secteurs européens. Face aux annonces de Donald Trump, la Commission européenne a indiqué qu’elle pourrait rétablir des taxes sur des produits américains comme le whisky bourbon, les jeans, les produits agricoles ou les motos, mesures déjà utilisées lors du premier mandat de Trump. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, avait également plaidé pour un dialogue avec les États-Unis tout en soulignant la nécessité de défendre les intérêts économiques européens.

Mais l’éventualité d’un accord commercial entre les États-Unis et l’Europe semble de moins en mois réaliste en raison de l’agressivité de la Maison Blanche à l’égard de l’Europe, et de sa volonté de considérer la TVA comme une taxe douanière, ce qui de facto relèverait d’une vingtaine de pourcent le prix de tous les produits exportés aux États-Unis, une taxe qui viendrait s’ajouter aux droits de douanes frappant certains secteurs comme le vin ou l’automobile.

Une globalisation sans les États-Unis

Dès lors, certains plaident pour un renforcement des accords commerciaux avec la Chine. L’Europe qui a déjà conclu des partenariats commerciaux, notamment avec le Japon, le Canada et l’Amérique du Sud (via l’accord Mercosur), ne peut pas en effet rester immobile alors que la Chine prépare des contre-mesures contre la politique américaine et pourrait rediriger, plus encore qu’aujourd’hui, ses exportations vers le vieux continent. D’ailleurs, l’Union européenne est déjà en discussion avec la Chine sur le sujet, via le cadre stratégique de coopération douanière UE-Chine et des discussions continues sur des sujets comme la propriété intellectuelle et le commerce électronique.

Le Libération Day de la Maison Blanche pourrait donc avoir pour effet, afin de limiter la casse inévitable causée par cette guerre commerciale américaine,  de réveiller un peu l’Organisation mondiale du commerce, actuellement sous perfusion, et de renforcer la mondialisation. Avec cette nouveauté que désormais, le monde ne comprend plus l’économie des États-Unis.

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