La manne énergétique de l’Azerbaïdjan, ce”cadeau des dieux” devenu encombrant

Des flammes s’élèvent d’un affleurement sur une colline des environs de Bakou, révélateur de la manne énergétique -sulfureuse- sur laquelle repose l’Azerbaïdjan, qui accueille la semaine prochaine la conférence climatique annuelle de l’ONU, la COP29.

Le feu qui jaillit de la “montagne brûlante” -Yanardag en azerbaïdjanais- sur la péninsule d’Apchéron se nourrit du gaz souterrain qui remonte à la surface et s’enflamme au contact de l’oxygène. La fréquence du phénomène vaut à cet Etat riverain de la mer Caspienne le surnom de “Terre de feu”.

Désormais voués au déclin selon la décision de la dernière COP l’an dernier, les hydrocarbures “ont façonné l’histoire, la culture, la politique et l’économie” de l’Azerbaïdjan, explique l’experte en questions énergétiques, Kamalia Moustafaeva. Ses réserves de pétrole de 7 milliards de barils prouvés ont été découvertes au milieu du XIXe et le territoire, alors partie intégrante de l’Empire russe, est devenu l’un des premiers à se lancer dans leur exploitation commerciale.

Selon Achraf Chikhaliyev, haut responsable au ministère de l’Energie, c’est ici qu’ont été forés les premiers puits de pétrole industriels, à terre et en mer, au monde. Mais les défenseurs de l’environnement aimeraient remiser ces activités au musée. “Les hôtes de la COP ont la responsabilité de faire avancer les choses et la réponse ne se trouve pas au fond d’un puits de pétrole ou d’un gazoduc”, s’alarme Jasper Inventor, chef de la délégation de Greenpeace International à la COP29.

Boom pétrolier 

Depuis qu’il est devenu indépendant de l’URSS en 1991, l’Azerbaïdjan a produit plus de 1 milliard de tonnes de pétrole. Et il prévoit d’augmenter de plus d’un tiers en dix ans sa production annuelle de gaz naturel. Les revenus pétrogaziers représentent 35% du PIB et près de la moitié du budget de l’Etat.

“Les recettes pétrolières de l’Azerbaïdjan – près de 200 milliards de dollars depuis 1991- ont permis au pays de faire un énorme bond en avant”, souligne Sabit Bagirov, qui a dirigé la compagnie pétrolière nationale (Socar) dans les années 1990. “Bakou, qui n’était autrefois qu’un petit hameau de pêcheurs de 4.000 habitants, est née du boom pétrolier” qui a déclenché un bond démographique plus rapide que celui de Londres, Paris ou New York, explique l’expert en énergie Ilham Shaban. Le Bakou moderne est une métropole animée de plus de 2 millions d’habitants, parsemée de gratte-ciel et de bâtiments futuristes, qui accueille des événements comme un Grand Prix de F1 et l’Eurovision 2012. Ces tours scintillantes cachent néanmoins une réalité de pauvreté, d’inégalités et de répression dans ce pays de 10 millions d’habitants gouverné depuis 1993 par la famille Aliev.

Au grand dam de l’Arménie voisine, son ennemie jurée, l’Azerbaïdjan s’est réarmé grâce à ses pétrodollars et a repris l’an dernier l’enclave du Haut-Karabakh contrôlée durant des décennies par des séparatistes arméniens.

L’Europe achète

Quelque 75% des exportations énergétiques sont destinées au marché européen. Soucieuse de réduire la dépendance du continent au gaz russe, la Commission européenne a convenu l’an dernier avec Bakou de doubler les importations de gaz azerbaïdjanais. Mais les gisements d’hydrocarbures, que le président Ilham Aliev qualifie de “cadeau des dieux”, devraient se tarir dans quelques décennies. D’ici 20 ans pour le pétrole et 50 ans pour le gaz, selon M. Bagirov. “La dépendance aux hydrocarbures est un motif de préoccupation pour le gouvernement azerbaïdjanais, qui déploie de sérieux efforts pour développer d’autres secteurs économiques” comme la technologie, l’agriculture et le tourisme, dit-il.

Pour M. Shaban, “l’objectif de l’Azerbaïdjan est de rentabiliser au maximum ses ressources en hydrocarbures avant que l’Europe n’atteigne son objectif de décarbonation”.

Agenda vert insuffisant

Tout ce gaz étant exporté, il est compté dans les émissions de CO2 des pays qui l’achètent et le brûlent, et non dans celles de l’Azerbaïdjan. Or les autorités azerbaïdjanaises disent progresser dans le verdissement de son énergie. Bakou ambitionne d’accroître sa capacité en énergies renouvelables de 30% d’ici 2030 et de réduire ses émissions de 40% d’ici 2050 par rapport à 1990. L’objectif, selon M. Chikhaliyev, est notamment de faire de la région du Haut-Karabakh, dépeuplée de ses habitants depuis sa reprise par Bakou, une “zone d’énergie verte” à base de solaire, éolien et hydroélectrique.

Mais les experts sont formels: l’Azerbaïdjan n’a pas de plan climatique en phase avec l’accord de Paris. Le groupe Climate Action Tracker a estimé en septembre que ses émissions de gaz à effet de serre augmenteraient de 23 à 40% d’ici 2030, par rapport à 2020.

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