La France, maillon faible de la zone euro?

Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La France n’est pas la Grèce, et 2024 n’est pas 2010. Mais les prochains mois risquent d’être secoués pour l’économie de l’hexagone.

La France serait-elle aujourd’hui, comme la Grèce en 2010, le maillon faible susceptible de casser la zone euro ? Le narratif est évidemment poussé par certains hedge funds, qui parient sur un écartement des rendements entre obligations françaises et allemandes (un pari jusqu’ici gagnant, et qui serait un jackpot si le RN et son programme économique explosif, arrivait au pouvoir.

On n’est évidemment pas encore dans la configuration de la crise qui a ravagé la zone euro entre 2010 et 2012 lorsque l’on a pris conscience de l’insolvabilité de la Grèce. Mais les premiers jalons sont déjà posés, avec certains acteurs qui poussent dans cette direction, comme les agences de notation (Moody’s menace déjà de dégrader la note française) et évidemment les fonds spéculatifs. « Les marchés n’ont probablement pas encore intégré le risque d’instabilité politique lié à la dissolution » s’épanchait un responsable de hedge fund dans le quotidien économique parisien Les Echos.

Coup de bambou

La crainte d’une victoire RN aux prochaines législatives a déjà donné un grand coup de bambou sur la tête des actifs financiers français. Les OAT, obligations du Trésor français, voient leur écart de rendement s’agrandir avec les Bunds allemands, et surtout le secteur bancaire est dans les cordes. Les actions des banques françaises ont cédé une dizaine de pourcents. D’autres actifs, comme les médias, effectuent un plongeon de même ampleur : le programme RN comprend en effet une privatisation des médias publics, ce qui réduirait les parts de marché des médias privés existants (TF1, M6, …).

Le scénario du pire serait celui d’un effet domino : la mise en place d’un programme extrêmement dépensier (qui devrait augmenter le déficit public, déjà à 5,5% du PIB,  de 60 à 80%) et très protectionniste (avec l’impact négatif que cela aurait sur la croissance), amènerait à un bras de fer avec les institutions européennes (le pacte de stabilité est de nouveau contraignant et interdit un tel dérapage). Et si une crise intervient dans la zone euro avec la France comme maillon faible, la secousse est potentiellement plus dévastatrice qu’en 2010 :  le PIB grec ne pesait en 2010 que 225 milliards d’euros, alors que le PIB français dépasse aujourd’hui les 2.800 milliards et représente 16,5% du PIB de la zone euro.

L’Allemagne aussi…

Mais on devrait éviter un risque de contagion à l’ensemble de la zone euro, car la configuration est très différente de celle qui régnait en 2010. Et malgré l’importance du choc, le rendement à dix ans de l’obligation de référence française n’est monté que de 3,00 à 3,20%.

« La grande différence, qui est une chance pour la France, est qu’aujourd’hui les élections européennes ont déstabilisé essentiellement deux pays, observe Anton Brender, économiste chez Candriam :  la France, mais aussi l’Allemagne ». S’il y a un risque de crise politique en Allemagne, cela ferait remonter les taux en général, mais cela réduirait les écarts entre obligations allemandes et françaises. « Par ailleurs, les pays comme l’Italie ou la Belgique, que l’on pourrait considérer comme budgétairement plus fragiles, s’en sont plutôt bien sortis », ajoute Anton Brender.  

Instabilité

Mais cela promet quand même quelques moments sportifs sur les marchés financiers. Pour Florence Pisani, économiste chez Candriam, « le spread (l’écart entre le rendement des obligations allemandes et des obligations françaises) va rester sous pression tant que  nous n’aurons pas les résultats des élections. Et si nous avons un gouvernement d’extrême droite, il sera fortement sous pression parce qu’il faudra arriver à voter un budget qui sera de plus discuté avec la Commission européenne. Car la France s’était engagée à réaliser 0,5% de PIB d’efforts budgétaires annuel. A partir du moment où l’on remettrait en cause ce budget – je ne connais pas le nouveau programme mais si l’on se réfère aux points qui ont été cité il y a des mesures qui couteraient des milliards, sur l’énergie, sur les petites entreprises, ….  En face de cela, il y a peu de mesures qui viendraient rééquilibrer le budget. Et une partie de ces mesures seraient complètement illégales, puisqu’il s’agirait de réduire la contribution de la France au budget européen de moitié. »

Plus, généralement, c’est toute l’économie française qui risque d’être secouée par l’instabilité politique actuelle et à venir. « Le plus probable pour nous, est que nous ayons une instabilité politique et économique, que dans les mois qui viennent, nous ayons du mal à former un gouvernement. En termes économiques, cela donne une montée de l’incertitude, encore moins d’investissement et un gel des créations d’emplois », observe encore Florence Pisani.

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