La Chine n’est pas encore tirée d’affaire

La Chine a enfin annoncé un plan de relance ambitieux à la fin du mois de septembre. © Getty Images

Alors que les marchés commençaient à désespérer, la Chine a enfin annoncé un plan de relance ambitieux à la fin du mois de septembre. Si cela ne sera probablement pas suffisant pour redresser durablement la deuxième économie mondiale, c’est un pas dans la bonne direction.

Pour Thomas Planell, gérant-analyste chez DNCA Finance, relancer l’économie est devenu “une question existentielle” pour Xi Jinping, autoritaire président de la République populaire de Chine depuis 2013.

Prospérité commune

“La démographie vieillissante, les chiffres non officiels vertigineux du chômage et la perte de confiance des ménages dépriment la consommation, l’investissement et engendrent de la déflation, ennemie de la hausse du PIB par habitant, indispensable au peuple pour tolérer l’organisation centralisée d’un pouvoir qui rogne sur ses libertés individuelles et commande à sa destinée depuis sa tour d’ivoire. Dans les conditions actuelles, la politique de prospérité commune peut donc échouer, et cela est inacceptable, car le cas échéant, c’est le modèle et donc l’autorité du parti qui peuvent flancher.”

Un jugement qui peut sembler péremptoire, mais reflète la méfiance grandissante envers les chiffres officiels chinois. Même le BOFIT, l’institut pour les économies émergentes de la Banque de Finlande, s’est inquiété “des données économiques de plus en plus opaques”. Pékin fait notamment la chasse aux chiffres (potentiellement) négatifs comme l’illustre la suppression de rapports de recherche sur les créances bancaires douteuses ou l’arrêt de la publication des flux d’investissement étrangers en actions chinoises.

Dans les conditions actuelles, la politique de prospérité commune peut donc échouer, et cela est inacceptable.
Thomas Planell

Thomas Planell

DNCA Finance

À l’été 2023, les autorités chinoises ont même décidé tout à coup d’arrêter de publier le taux de chômage des jeunes de moins de 24 ans, qui grimpait en flèche, et a repris la publication en décembre avec une nouvelle méthode ayant ramené le taux de chômage de 21 à 15%.

Ensemble de mesures

La situation semble donc plus grave que ce que laissent entrevoir le taux de chômage officiel (5,3%) ou les derniers chiffres du PIB (croissance annuelle de 4,7% au deuxième trimestre). Ce qu’admet d’ailleurs à demi-mots Pékin en annonçant un vaste ensemble de mesures.

Au niveau monétaire, la Banque populaire de Chine (BPC) a baissé plusieurs taux directeurs et réduit le taux de réserves réglementaires, libérant de la sorte à peu près 1.000 milliards de yuans (129 milliards d’euros) pour relancer les investissements.

Un ensemble de mesures comme la baisse du coût des crédits hypothécaires, la réduction du taux d’apport ou des garanties de la BPC doivent permettre de stabiliser le marché immobilier, en crise depuis trois ans en raison des excès des années précédentes. Selon les estimations, il y aurait de 65 millions à 130 millions d’appartements vides.

Selon les estimations, il y aurait de 65 millions à 130 millions d’appartements vides en Chine. © Getty Images

Pour redynamiser la croissance, Pékin envisage d’emprunter 2.000 milliards de yuans (258 milliards d’euros) pour aider les collectivités locales et surtout subventionner la consommation des ménages, un handicap structurel de la Chine. La consommation représente en effet à peine 40% du PIB du pays contre une moyenne mondiale de l’ordre de 60%.

Enfin, Pékin a aussi annoncé des mesures pour redynamiser ses marchés boursiers à la traîne. L’indice CSI 300 des Bourses de Shanghai et de Shenzhen avait en effet sombré de 45% depuis ses sommets de 2021 avant son récent rebond. L’objectif final est là aussi de relancer la consommation en améliorant le moral des ménages ayant investi en Bourse.

Doutes des économistes

Ce plan suffira-t-il à relancer pour de bon l’économie chinoise ? Les marchés se montrent partagés. Du côté chinois, le rebond a été puissant puisque le CSI 300 a regagné 25% entre le 23 et le 30 septembre. Les cotations ont ensuite été suspendues pour une semaine à l’occasion de la fête nationale.

En Europe, la reprise des secteurs plus exposés à la Chine, comme le luxe, l’automobile, les spiritueux ou les minières, a été de courte durée. LVMH, Volkswagen ou Rémy Cointreau ont rapidement vu leurs gains s’étioler. Seuls les groupes miniers comme BHP ont réussi à confirmer jusqu’à présent.

Du côté des économistes, l’heure est plutôt à la prudence. Des mesures qui “restent trop limitées et trop tardives face aux problèmes actuels du secteur immobilier” peut-on lire chez ANZ Research. “Dans l’ensemble, je ne pense pas que les mesures puissent faire bouger les choses, car les problèmes de la Chine sont complexes”, pointe Nigel Peh de Timefolio Asset Management.

Rare voix un peu plus positive, Victoria Moi, responsable des actions Chine chez Janus Henderson, estime que “le tournant décisif de la Chine, qui passe du contrôle de la dette au soutien de la croissance, pourrait être le catalyseur nécessaire pour restaurer la confiance et débloquer la valeur sur les marchés chinois.”

Japanification

Mais le consensus est clairement que la Chine devra en faire plus pour échapper au piège de la déflation. L’indice des prix à la consommation se situe ainsi actuellement au même niveau qu’il y a deux ans malgré une poussée inflationniste mondiale.
Le pays “est définitivement en déflation et passe probablement à la deuxième phase de la déflation”, explique ainsi Robin Xing, économiste en chef pour la Chine chez Morgan Stanley. Il épingle notamment les signes évidents de baisse des salaires alors que les rémunérations pour les débutants dans des secteurs comme les voitures électriques ont baissé de 10% depuis le pic de 2022, selon une étude de Caixin Insights.

“L’expérience du Japon suggère que plus la déflation s’éternise, plus la Chine aura besoin de mesures de relance pour surmonter le défi de la déflation par la dette”, poursuit Robin Xing.

Ce n’est d’ailleurs pas le seul point de comparaison entre les deux pays asiatiques. Il y a 40 ans, le Japon était perçu comme la future première puissance économique mondiale, mais son ambition a fini par se heurter à l’explosion d’une vaste bulle immobilière et le début d’un déclin démographique (plafonnement de la population globale, vieillissement), sans que la piste de l’immigration extérieure ne soit réellement envisagée. Trente ans plus tard, le pays du Soleil levant est toujours aux prises avec des tensions déflationnistes.

Épargne excédentaire

Face à cette comparaison troublante et au risque pour la Chine “d’être vieille avant d’être riche”, Robin Xing estime que Pékin devra se montrer beaucoup plus ambitieuse pour sortir du piège de la déflation.

En chiffres, cela donne un plan de relance budgétaire de 10.000 milliards de yuans (1.287 milliards d’euros), deux fois et demie le “bazooka” dégainé par la Chine en 2008 pour éviter la récession en pleine crise mondiale. L’économiste estime que la majeure partie des fonds devrait être directement dirigée vers les ménages, notamment à travers des programmes de protection sociale (assez limitée en Chine), afin de stimuler la consommation et de redresser le niveau de confiance.

L’indice de confiance des consommateurs chinois a en effet atteint un plus bas historique cet été, les incitant à épargner encore davantage. Dans l’(ex-)Empire du Milieu, il est ainsi question de revenge saving post-covid, avec notamment des tutos sur les réseaux sociaux pour économiser davantage, l’exact opposé du revenge spending observé en Europe et surtout aux États-Unis. Selon un sondage réalisé en 2022, plus d’un jeune Chinois sur quatre épargne plus de la moitié de ses revenus et près de six sur dix mettent de côté plus de 30% de ce qu’ils gagnent.

Fin juin, les dépôts bancaires des ménages chinois atteignaient ainsi la somme de 147.000 milliards de yuans (19.000 milliards d’euros), un chiffre qui a doublé en cinq ans.

Élections américaines

Nombre d’économistes, comme Robin Xing, s’attendent ainsi à ce que Pékin annonce de nouvelles mesures dans les prochains mois pour activer cette épargne, tout particulièrement quand l’incertitude liée aux élections américaines sera levée.

Donald Trump a annoncé vouloir porter les droits de douane sur les importations chinoises à 60%, ce qui nécessiterait des actions spécifiques. La Chine pourrait par exemple dévaluer le yuan de façon à compenser (partiellement) l’impact des droits de douane – une mesure qui aurait aussi l’avantage de soutenir l’inflation en renchérissant le coût des biens importés.

Temporisation

Après le redressement initial fin septembre et face au long défi qui attend Pékin, un retour de manivelle n’est certainement pas à exclure sur les Bourses chinoises.

Il est donc préférable de vous positionner sur repli si vous voulez tenter l’aventure chinoise. Pour ce faire, vous pouvez opter pour un fonds indiciel comme le Xtrackers CSI 300 (Bourse de Francfort ; LU0779800910 ; frais annuels de 0,50%), un indice élargi faiblement valorisé (13 fois les bénéfices contre une moyenne mondiale de 22). Du côté des compartiments gérés activement, JPMorgan China Fund (note de performance historique 3 étoiles, note qualitative Argent) ou Schroder International Selection Fund China Opportunities A (4 étoiles et Or) font partie des mieux notés par Morningstar.

Une autre option est de cibler les secteurs européens exposés à la Chine, à commencer par le luxe (LVMH, Hermès, Richemont) ou les groupes miniers (BHP, Rio Tinto). Le secteur automobile est moins indiqué en raison de la concurrence directe des acteurs chinois.

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