Jean-Marie Le Pen, figure historique de l’extrême droite française, est mort

(Photo by JOEL SAGET / AFP)

Jean-Marie Le Pen, figure de l’extrême droite française et finaliste de la présidentielle de 2002, est mort mardi à l’âge de 96 ans en région parisienne, dans un établissement où il avait été admis il y a plusieurs semaines.

L’ancien para est entré dans la mémoire collective avec un bandeau noir sur son oeil gauche blessé, cultivant dès sa jeunesse une image provocante et transgressive

Et jusqu’au bout, le fondateur du Front national (devenu en 2018 Rassemblement national) n’aura exprimé aucun regret pour les dérapages, contrôlés ou non, qui lui ont valu plusieurs condamnations: des chambres à gaz qualifiées de “point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale” (1987) à “l’inégalité des races” (1996), en passant par l’Occupation allemande de la France, “pas particulièrement inhumaine” (2005) ou l’agression physique d’une adversaire socialiste (1997).

Il a aussi été condamné à la fin des années 1960 pour apologie de crime de guerre après avoir édité un disque de chants du IIIe Reich. “Je suis un homme libre”, répétait-il, soucieux de sa posture anti-système quitte à se marginaliser.

Jean-Marie Le Pen, président du parti politique d’extrême droite “Front National” (FN) le 14 avril 1987 à Lyon. (Photo by Robert DEYRAIL/Gamma-Rapho via Getty Images)

L”essor de mouvements nationalistes et populistes en Europe

Jean-Marie Le Pen voulait-il le pouvoir? “Je crois qu’au fond de lui, il ne voulait pas gouverner”, estime le journaliste Serge Moati, qui l’a suivi pendant 25 ans. “Avoir été considéré comme un réprouvé, un exclu, un antisystème, l’a en fait arrangé et lui a donné paradoxalement une popularité qui s’est traduite progressivement dans les urnes”.

Le 21 avril 2002, il choque la classe politique et une grande partie de l’opinion publique françaises en accédant au second tour de la présidentielle derrière le sortant Jacques Chirac. Ce dernier est largement réélu après des manifestations monstres contre l’extrême droite.

Mais Jean-Marie Le Pen aura réinventé une extrême droite française jusque-là disqualifiée par la collaboration avec l’occupant nazi, et ouvert la voie à l’essor de mouvements nationalistes et populistes en Europe.

Né le 20 juin 1928, à La Trinité-sur-Mer (nord-ouest), il perd à 14 ans son père, patron pêcheur, qui meurt en mer en sautant sur une mine. Etudiant en droit à Paris, bagarreur, il privilégie l’activisme et cultive des amitiés bigarrées, comme le cinéaste de la Nouvelle Vague Claude Chabrol, engagé à gauche, qui verra en lui un “fout-la-merde magnifique”. Engagé dans les parachutistes de la Légion étrangère, Le Pen part combattre en Indochine, où il se lie avec une future légende du cinéma, Alain Delon.

De retour en France, il est élu en 1956 député et devient le benjamin de l’Assemblée nationale. Puis il repart, en Algérie cette fois, où il sera accusé de torture – ce qu’il a toujours contesté.

“Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop”

Anticommuniste viscéral, partisan de l’Algérie française, Le Pen fréquente l’ultra-droite. En 1972, il est désigné à la tête d’un nouveau parti regroupant des néo-fascistes: le Front national. Le mouvement végète puis perce en 1983, avec un thème obsessionnel : “Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop”.

Avec son slogan fétiche les “Français d’abord”, cet orateur se fait le champion autoproclamé des “petits”, lui qui est devenu millionnaire en héritant de la fortune de son ami Hubert Lambert.

Mais celui qui gère le Front national comme “une boutique familiale” essuie des divisions. A la fin des années 1980, son épouse et mère de ses trois filles le quitte brutalement puis pose nue dans le magazine Playboy.

En 2017 (Photo by Thierry Orban/Getty Images)

Dix ans plus tard, il renie en direct à la télévision sa fille promise à sa succession, Marie-Caroline, qui soutenait un rival au sein du parti. C’est finalement la plus jeune, Marine, qui reprend le flambeau en 2011. Elle clame d’abord sa loyauté avant d’exclure en 2015, après un énième dérapage antisémite, ce père devenu gênant pour son projet de “dédiabolisation” de l’extrême droite.

Elle change le nom du parti et entame sa banalisation. “Un suicide”, selon Jean-Marie Le Pen, qui avait théorisé le rassemblement de toutes les extrêmes droites.Il se replie sur ses Mémoires, où il revient à ses thèmes favoris, comme le “grand remplacement” de la population française par l’immigration.

Ces dernières années, Jean-Marie Le Pen recevait à tour de bras. Il avait laissé entendre qu’il voterait pour le candidat d’extrême droite Eric Zemmour à la présidentielle de 2022.Un malaise cardiaque survenu un an plus tard l’avait contraint à renoncer aux mondanités. A partir de février 2024, ses trois filles Marie-Caroline, Yann et Marine avaient été désignées pour gérer ses affaires courantes.

Après la victoire du RN aux élections européennes en juin, et la dissolution surprise de l’Assemblée décidée par le président Emmanuel Macron, le parti s’était pris à croire au pouvoir. Contré par un “front républicain”, le RN a malgré tout gagné un nombre record de députés. Et Marine Le Pen, trois fois candidate à une présidentielle, croit en ses chances pour la quatrième, prévue en 2027, en dépit de ses démêlés avec la justice.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content