Italie : la bulle de la croissance éclate, les perspectives s’assombrissent

Illuminations de Noël à Milan. Image d'illustration. (Photo by Alessandro Bremec/NurPhoto via Getty Images).

Avec la relance post-pandémique, la performance de l’Italie a souvent été décrite comme miracle économique – alors que le pays compte habituellement parmi ceux à la croissance la plus lente. Mais la machine semble désormais s’être arrêtée.

Le miracle économique italien post-covid touche-t-il à sa fin ? La dernière publication des données de la croissance du PIB a montré que l’économie a stagné au troisième trimestre. Ce qui n’était pas prévu par les économistes. ISTAT, le bureau italien des statistiques, a ensuite souligné qu’il ne s’attendait pas à une reprise, à court terme. Il a aussi donné son estimation pour la croissance sur l’année 2024 : +0,5%. Ce qui est la moitié de l’objectif de 1% fixé par Rome. Cet objectif dépasse de nombreux autres taux de croissance européens, qui sont au ralenti.

Le taux de 0,5% replacerait l’Italie à sa place habituelle, parmi les pays à la croissance la plus lente de la zone euro. Mais ce n’est pas le seul chiffre qui sonne comme un mauvais présage pour la République transalpine. La confiance des entrepreneurs est au plus bas en trois ans et le secteur des services, moteur de la croissance cette année, est désormais entré en contraction.

Répercussions économiques

Ce qui amène certains observateurs à se poser la question si la relance post-covid exceptionnelle n’avait pas été une sorte de trompe-l’oeil. Elle aurait avant tout été portée par les aides gouvernementales (via le plan de relance européen) au secteur du bâtiment. Ce programme de “superbonus” a désormais été arrêté… et le pays ne connaît plus la même croissance qu’en 2021 et 2022. C’est ce qu’explique Francesco Saraceno, professeur d’économie à Science Po Paris et l’université LUISS à Rome, à Reuters.

“Le modèle économique italien, composé de petites entreprises, n’est plus propice à la croissance, les investissements publics sont insuffisants et l’Italie lutte contre la transition verte au lieu de la considérer comme une opportunité de croissance”, ajoute-t-il.

L’Italie avait reçu la plus grande part du gâteau du plan de relance européen. 200 milliards d’euros, sur une enveloppe de 700 milliards environ. Et malgré ces investissements, la croissance n’est plus au rendez-vous. Pire encore, cette aide aura encore plus creusé le déficit budgétaire de Rome (un des pires d’Europe). Car l’Italie a injecté de l’argent promis dans des programmes, mais les fonds européens n’ont pas toujours été distribués, car de l’autre côté le pays n’a pas atteint les objectifs de réformes fixés pour obtenir ces fonds européens. Ce programme de “superbonus” notamment a été un trou dans la caisse.

Ce qui veut dire que la dette de l’Italie devrait encore augmenter. Elle est déjà à 135% du PIB, ce qui est énorme, et pourrait atteindre 138% en 2026. Mais si le PIB croît plus lentement que les prévisions (objectif de 1,2% en 2025, désormais inatteignable selon de nombreux observateurs), ce ratio devrait encore augmenter… et rendre la dette plus chère pour l’Italie. Un cercle vicieux. Double, même, car il limite les opportunités d’investissement du gouvernement… et donc de financement de la croissance.

L’Espagne fait mieux

Là où l’économie italienne commence à patauger, celle de l’Espagne se débrouille toujours très bien. La croissance était de 0,8% au troisième trimestre, 5e meilleur taux d’Europe, et la prévision pour 2024 est de 4%. Cela alors que les deux pays sont partis de la même base, plus ou moins, au sortir de la pandémie : une économie lente, une dette élevée, et une grosse part du plan de relance (70 milliards d’euros pour Madrid).

Quelles sont les différences entre les deux pays méditerranéens ? Selon Angel Talavera d’Oxford Economics, l’Espagne a notamment su attirer des migrants et a su les intégrer dans l’économie. Là où l’Italie a moins de migrants qualifiés. Et que ses jeunes surtout quittent le pays, qui est néfaste pour l’économie.

“Il s’agit d’économies très différentes : l’Espagne dépend fortement des services et du tourisme, tandis que l’Italie possède encore un important secteur manufacturier qui est de moins en moins compétitif et qui freine l’expansion. Au cours des 20 dernières années, l’Espagne semble également avoir mieux modernisé ses infrastructures et ses services publics”, note l’expert.

Quelles seraient donc les solutions pour remettre l’Italie sur les rails ? Selon de nombreux économistes, les autorités devraient avant tout investir dans l’éducation et la recherche. Ce qui n’est peut-être pas si facile, vu le cercle vicieux de la croissance et de la dette publique.

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