Il est temps de parler de la géo-ingénierie pour refroidir la Terre

La géoingénierie solaire permettrait de refroidir la planète en réfléchissant la lumière solaire vers l'espace… mais ses effets sur l’environnement seraient nombreux et profonds. © Getty Images
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Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, est dans une position unique pour ouvrir le débat sur la géoingénierie.

Le projet Popeye était une tentative américaine de vaincre ses ennemis vietnamiens en utilisant des techniques d’ensemencement de nuages afin de détruire leurs lignes de ravitaillement. Cela n’a pas fonctionné. Mais quelques années plus tard, en 1977, il a donné lieu à un traité visant à empêcher d’autres pays de faire de même. La “Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles”, généralement connue sous le nom “ENMOD”, interdit aux pays d’utiliser délibérément des “techniques de modification de l’environnement ayant des effets étendus, durables ou graves” pour se nuire mutuellement.

Le moment est venu pour les signataires de ce traité de songer à se réunir à nouveau. Les modifications de l’environnement ayant des “effets étendus, durables et graves” sont l’une des caractéristiques les plus frappantes de la vie au 21e siècle. La crise climatique provoquée par les gaz à effet de serre n’est pas le type de problème pour lequel l’ENMOD a été initié. Mais le traité pourrait jouer un rôle dans sa résolution.

Il faut aussi envisager les conséquences du choix de ne pas explorer cette possibilité de la géoingénierie.

Bien qu’il soit peu probable que 2025 soit l’année la plus chaude jamais enregistrée – comme l’a été 2023 et comme le sera 2024 –, il y a de fortes chances pour qu’elle soit plus chaude que toutes celles des décennies précédentes. La réduction des émissions dans de nombreux pays progresse de manière satisfaisante. Mais ce qui importe pour le climat, ce n’est pas le taux d’émissions, c’est le total cumulé. Jusqu’à ce qu’il se stabilise, toutes choses restant par ailleurs égales, les températures continueront à grimper.

Géoingénierie solaire

Cependant, toutes les autres choses ne doivent pas nécessairement demeurer égales. La géoingénierie solaire est une autre forme de modification de l’environnement. Elle permettrait de refroidir la planète en réfléchissant la lumière solaire vers l’espace avant qu’elle ne puisse provoquer un réchauffement. Des recherches suggèrent que l’injection de particules brillantes dans la stratosphère pourrait être un moyen tout à fait réalisable d’y parvenir, et donc de ralentir ou d’arrêter la hausse des températures dans une bonne partie du monde.

Cela ressemble à la définition même de l’orgueil démesuré, tant ses effets physiques, chimiques et biologiques sur l’environnement seraient nombreux et profonds. Mais il faut aussi envisager les conséquences du choix de ne pas explorer cette possibilité, des conséquences innombrables et dramatiques.

La convention ENMOD pourrait constituer un cadre pour discuter de tels choix. Son objectif principal est d’empêcher toute modification malveillante de l’environnement, mais les 78 États signataires se sont aussi engagés à “assurer la coopération économique et scientifique internationale en vue de la préservation, de l’amélioration et de l’utilisation pacifique de l’environnement”. C’est un point de départ idéal pour discuter de la géoingénierie et de ses perspectives.

Un homme pourrait également lancer le mouvement de son côté : António Guterres, secrétaire général des Nations unies. Mais tout ce qu’il propose, c’est une nouvelle urgence en matière de réduction des émissions, qui n’aura aucun effet avant des décennies. S’il veut que les pays réfléchissent sérieusement aux risques et au potentiel d’une action visant à refroidir le monde, il devrait ouvrir le débat.

Par Oliver Morton, rédacteur en chef de “The Economist” et président de “The Degrees Initiative”

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