Guerre froide sous les mers : comment la Chine construit discrètement sa route de la soie numérique
La Chine construit discrètement un immense réseau de câbles sous-marins. Surnommé la “route de la soie numérique” il suscite l’inquiétude des États-Unis qui envisagent des sanctions pour freiner Pékin.
Installé sur les fonds marin et long de 1,4 million de kilomètres, cet immense réseau de 595 câbles constitue l’épine dorsale de la communication mondiale. Il transporte près de 95 % des données. Il est aussi en pleine expansion avec le développement d’Internet et une demande grandissante de connectivité.
Selon le think tank américano-asiatique Hinrich Foundation, les États-Unis et l’occident – via des entreprises comme la française Alcatel Submarine Networks (ASN), SubCom (USA) ou encore NEC Corporation (Japon) – ont longtemps dominé ce marché à plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Pour 100 millions d’euros, l’Etat français a racheté 80 % d’Alcatel Submarine Networks (ASN), l’un des leaders mondiaux du marché des câbles sous-marins. L’entreprise de câbles sous-marins était détenue depuis 2016 par le Finlandais Nokia et a réalisé un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros en 2023. Un geste fort de “sécurisation d’actifs stratégiques” selon Bercy. ASN emploie plus de 2000 personnes dans le monde, dont 600 à Calais où se trouve le siège et l’usine principale de l’entreprise. Le site peut produire jusqu’à 50 000 kilomètres de câbles par an.
Route de la soie numérique
Mais depuis quelque temps déjà ils se font grignoter des parts par la Chine. En toute discrétion, ce pays étant ses tentacules sur les fonds marins et installe des câbles à tout va. Créant ce qui est appelé la “route de la soie numérique”.
Quinze câbles sous-marins de plus de 1.000 km relient la Chine au reste du monde. Et elle a aussi financé ou partiellement construit 65 projets de câbles sous-marins au cours des dix dernières années. Il faut dire que dans ce domaine aussi la Chine est compétitive. On estime que d’ici 2028, les entreprises d’État chinoises poseront 45% des 770.000 kilomètres de câbles sous-marins prévus. La Chine se spécialiserait principalement dans les câbles à fibre optique. Quatre entreprises chinoises (Hengtong, Yangtze Optical Fibre, Jiangsu Zhongtian Technology et Fiberhome) ont conquis plus d’un tiers du marché mondial.
Guerre froide sous-marine
Une vision expansionniste qui provoque l’ire des Etats-Unis. Certains experts comme Alan Mauldin, chercheur principal de l’agence de recherche spécialisée TeleGeography, n’hésitant pas à parler d’une “guerre froide sous-marine” entre les deux puissances. En agitant le spectre de l’espionnage et le sabotage risquant de mettre en danger la sécurité nationale, Washington pousse pour des réseaux de communication “propres”, sans participation chinoise. Des sociétés comme Huawei Marine Networks et Wuhan Fiberhome International ont été mises sur liste noire par les États-Unis.
Cette montée en puissance crée des tensions géopolitiques plus globales. La diplomatie joue en effet un rôle crucial puisque le déploiement de câbles nécessite l’autorisation politique des nations concernées. Des incidents comme les coupures de câbles reliant Taïwan à l’île de Matsu en 2023, attribués à la Chine, et les dommages causés par un navire chinois dans le golfe de Finlande ont encore tendu la situation.
La guerre des câbles a déjà lieu
Des tensions qui ont aussi mis sur pause au moins six grands projets de câbles sous-marins, dit De Standaard. Comme le gigantesque câble sous-marin de plus de 5.000 kilomètres qui devait relier Hong Kong et la Californie.
Ce contexte tendu a poussé la Chine et les États-Unis à poser de plus en plus de câbles parallèles pour éviter les eaux sensibles de l’autre comme les zones économiques spéciales. De quoi entraîner des coûts croissants pour ces infrastructures. Le prix moyen par kilomètre de câble posé a même explosé. Il est passé de 30.000 dollars avant la pandémie à 40.000-60.000 dollars aujourd’hui. Un autre effet de ces routes parallèle est que cela peut créer une fracturation d’Internet d’Internet avec une logique de blocs.
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