Guerre commerciale: sur le fond, rien n’est réglé

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On a beau prendre le système Trump dans un sens ou dans l’autre, il ne tient pas. © E M/Pexels
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

A voir l’hystérie qui s’est emparée de la bourse après la décision de Donald Trump de mettre la guerre commerciale en pause pendant 90 jours (sauf pour la Chine), on aurait tendance à croire que tout est réglé.

En fait, rien ne l’est. Les problèmes de fond demeurent, avec plus d’acuité même puisque désormais, le divorce entre la Chine et les Etats-Unis est consommé et que l’imprévisibilité atteint son paroxysme.

Toujours les droits de douane

Sur le fond, en effet, tant que Donald Trump sera au pouvoir, les droits de douane seront donc toujours d’actualité.  Le Président américain et ses conseillers ont toujours la même approche : ils veulent revenir à un système fiscal d’avant la guerre de Sécession, propice aux grands propriétaires terriens et aux premiers capitaines d’industrie. Un système par lequel les droits de douane étaient la source quasi exclusive de ressources pour l’état, permettant ainsi aux citoyens fortunés de ne pas devoir payer d’impôt et de rester en dehors d’une politique de répartition des revenus. Qu’on ne s’y trompe pas : la volonté américaine d’imposer les produits européens est toujours bien présente. Donald Trump veut toujours effacer le déficit commercial qui existe au niveau des biens manufacturés entre les Etats-Unis et l’Europe. Un déficit qui, entre parenthèses, se réduit fortement si l’on prend en considération les services, car là, les Etats-Unis présentent un surplus par rapport à l’Europe. On va donc s’orienter vers une négociation âpre et difficile entre Washington et Bruxelles sur le sujet dans les semaines qui viennent, avec son lot de sautes d’humeur et de menaces.

Démondialisation forcée

Ce qui ne change pas non plus, et cela s’est même aggravé, c’est la démondialisation opérée à marche forcée. La Chine, première économie manufacturière du monde, est désormais découplée des Etats-Unis, premier marché mondial (si l’on ne considère pas l’Union européenne). Les chaînes de valeur sont partiellement explosées, et il faut en bâtir de nouvelles. C’est un choc commercial et économique majeur, pour l’économie américaine, pour l’économie chinoise, et pour le reste du monde, qui devra absorber au moins en partie le surplus de produits chinois désormais fermés au marché américain. L’économie mondiale retrouvera un nouvel équilibre, certes, mais un équilibre « sub-optimal »,  plus rugueux et moins efficient.

Ce qui ne change pas, enfin, c’est l’incertitude qui s’est emparée des marchés, avec des conséquences potentiellement explosives. Car la mécanique protectionniste mise en place par Donald Trump aboutit toujours à une baisse de l’activité économique un peu partout dans le monde, alimentée par l’immense défiance que les acteurs économiques étrangers – entreprises, consommateurs, investisseurs – éprouvent à l’égard du pensionnaire de la Maison Blanche et du cynisme de son administration. Ce n’est d’ailleurs pas tant la volatilité de la bourse qui devrait inquiéter que celle du marché obligataire.

La menace du krach obligataire

Ce dernier, bien plus important parce que sa bonne santé est la condition nécessaire pour que les Etats-Unis puissent financer un endettement qui approche des 40.000 milliards de dollars, reste extrêmement fragile, pour trois raisons. La première, c’est que la politique économique de Trump est inflationniste, et fait donc monter les taux et baisser les cours des obligations. La deuxième, c’est que la politique budgétaire de Donald Trump ne va pas améliorer les ratios des finances publiques américaines : le pays s’approche de la récession, et ses recettes budgétaires vont baisser. Le travail d’économie réalisé par Elon Musk va sans doute permettre d’économiser de l’argent, mais il va aussi déstructurer pour longtemps l’administration américaine, et il conduit déjà à des baisses de revenus dans les entreprises et les ménages.

La troisième raison, qui découle de la deuxième, est que d’une manière ou d’une autre, la Maison Blanche aura donc un problème de finances publiques et pour le résoudre, elle voudra faire payer les étrangers qui détiennent de la dette américaine. Le moyen le plus simple serait de leur imposer un précompte mobilier important (30%, 40% ?) sur les intérêts qu’ils perçoivent. Evidemment, les investisseurs le craignent, et ils se séparent donc de leurs obligations.

Tordre le bras de la crémière

On a beau prendre le système Trump dans un sens ou dans l’autre, il ne tient pas. En imposant des droits de douane, les Etats-Unis veulent ramener l’industrie chez eux et faire disparaître leur déficit commercial, mais alors, si cette politique réussit, l’Etat va voir ses recettes sur les droits de douane se réduire comme peau de chagrin. Et si cette politique commerciale ne réussit, pas, l’économie américaine entrera alors en récession profonde, quasi structurelle, ce qui n’arrangera pas non plus les finances publiques. En fait, dans cette logique, les Etats-Unis n’ont pas d’autres solutions que de jouer les gangsters, et de tordre le bras de la crémière – c’est-à-dire ses partenaires commerciaux, c’est-à-dire nous -, pour lui dérober à la fois le beurre (l’activité économique) et l’argent du beurre (les tarifs douaniers).

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