Israël : l’UE durcit finalement le ton, Netanyahu perd la confiance du monde économique

Kaja KALLAS et Ursula von der LEYEN - Martin Bertrand / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Après des mois d’attentisme, la Commission européenne franchit un cap. Mercredi, elle a présenté un paquet de mesures visant à répondre à la dégradation de la situation humanitaire dans la bande de Gaza. Pour la première fois, l’Union envisage des conséquences économiques directes sur Israël.

Concrètement, la Commission propose de supprimer les préférences tarifaires sur environ 37 % des exportations israéliennes vers l’UE. Ces biens, qui représentaient quelque 15,9 milliards d’euros en 2024, seraient désormais taxés selon les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cela générerait un surcoût estimé à 227 millions d’euros par an pour les entreprises israéliennes.

« L’objectif n’est pas de punir Israël, mais de faire pression pour améliorer la situation humanitaire à Gaza », a déclaré la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas. L’Europe s’essaye encore au ton diplomatique, alors que l’offensive israélienne dans la ville de Gaza a repris de plus belle, provoquant selon les autorités locales plus de 64.000 morts côté palestinien depuis octobre 2023.

Sanctions ciblées et gel partiel des coopérations

Outre l’impact tarifaire, la Commission propose de sanctionner Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, figures de la droite radicale au sein du gouvernement israélien, déjà visés par des sanctions belges. Des colons violents et six entités sont également ciblés. Dans un souci de cohérence, dix membres du Hamas seraient ajoutés à la liste européenne des sanctions.

Bruxelles a aussi gelé une partie de son aide bilatérale à Israël : 14 millions d’euros de projets suspendus, et 6 millions par an jusqu’en 2027 en sursis. La coopération avec la société civile israélienne, Yad Vashem ou encore l’Autorité palestinienne est préservée.

Des mesures sous conditions politiques

Mais l’annonce ne garantit pas l’adoption. Les sanctions individuelles nécessitent l’unanimité des 27 États membres, tandis que la suspension partielle de l’accord commercial requiert une majorité qualifiée. « Ce n’est pas gagné », reconnaît un haut diplomate européen, pour l’AFP. La proposition de suspendre le programme de recherche Horizon, présentée au printemps, est toujours bloquée.

Face à ces blocages, plusieurs États membres ont choisi d’agir de manière unilatérale. La Belgique a imposé ses propres sanctions économiques et consulaires. D’autres pays, dont la France, s’apprêtent à reconnaître l’État de Palestine, dans une tentative de contourner la paralysie européenne. Notre pays, lui, a trouvé un compromis bancal. Celui d’une reconnaissance conditionnée, mais qui s’inscrit dans le processus lancé par Paris.

La réaction israélienne ne se fait pas attendre

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a qualifié les propositions européennes de « perversions morales et politiques », promettant une « réponse appropriée ». Le ton est donné. Pour Tel-Aviv, même si les mesures sont encore loin d’être mises en œuvre, le signal envoyé est déjà perçu comme une rupture de confiance.

En tout cas, la suspension partielle de l’accord d’association, qui remonte à l’an 2000, pourrait ouvrir la voie à une redéfinition des relations euro-israéliennes. Pour la Commission, l’objectif affiché est d’obtenir un accès humanitaire sans restrictions à Gaza, la libération des otages, et un cessez-le-feu urgent. Mais dans les faits, l’UE semble enfin accepter l’idée qu’un dialogue sans condition avec Israël n’a pas suffi.

Le revirement est notable. Longtemps, l’Union a été accusée d’inaction ou de complaisance. En prenant des mesures à caractère économique, elle accepte désormais d’utiliser les outils dont elle dispose pour tenter d’influer sur un conflit devenu, selon les mots de Maros Sefcovic, commissaire européen au Commerce, « un carnage insoutenable ».

Le monde économique lâche Netanyahu

La Bourse de Tel Aviv lâche à nouveau 2% aujourd’hui. Depuis quelques jours, elle envoie un signal clair : l’escalade militaire dans la bande de Gaza commence à peser lourdement sur l’économie israélienne. L’entrée des troupes israéliennes dans la ville de Gaza, annoncée mardi, a provoqué une chute immédiate de l’indice TA-125, qui a perdu près de 5 % en cinq jours. Pratiquement tous les secteurs sont concernés, avec une majorité des valeurs du TA-35 en recul. Des piliers de l’économie nationale, comme Teva Pharmaceutical ou la banque Mizrahi Tefahot, ont fortement contribué à cette tendance baissière.

Les déclarations de Benyamin Netanyahu n’ont rien arrangé. En évoquant une économie d’« autarcie » et un Israël transformé en « Super Sparte », le Premier ministre a renforcé la méfiance des investisseurs. Même en précisant qu’il ne visait que l’industrie de la défense, les marchés n’ont pas été rassurés.

Le Forum des entreprises israéliennes a, lui, tiré la sonnette d’alarme : il dénonce un basculement vers une guerre sans fin et appelle à un cessez-le-feu, à la libération des otages et à la tenue rapide d’élections. Le monde économique s’inquiète désormais d’un isolement durable d’Israël sur la scène internationale.

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