Un T.rex en Belgique: ces os qui valent des millions

T.rex Trinity
© Reuters

À vendre: Trinity, un T. rex de 67 millions d’années. Prix ? Près de 6 millions d’euros. Qui est ainsi prêt à mettre des millions pour un fossile ? Un Belge ! Et la bête devrait bientôt être exposée dans notre pays.

Ceux qui souhaitaient donner une touche toute personnelle à leur, de préférence, très grand salon, devaient se diriger mardi dernier vers Zurich. On y vendait une pièce aussi rare que recherchée. Rien de moins qu’un fossile de Tyrannosaurus Rex. Seuls 100 squelettes authentifiés de cet animal sont en circulation dans le monde. 32 appartiennent à des musées, les autres sont chez des privés. Seuls trois ont atterri un jour dans une salle des ventes. Et l’un deux a été mis en vente par la maison Koller ce 18 avril, une première en Europe.

Trois dinosaures en un

Trinity est en réalité un squelette recomposé d’os composite appartenant à trois animaux différents et découverts entre 2008 et 2013 aux États-Unis sur trois sites de fouilles distincts. D’après le catalogue, seule la moitié du squelette est constituée de matériel fossile authentique (soit 293 os originaux).

Tyrannosaurus rex Trinity T.rex
Trinity © getty

Tous ces os auront été restaurés avant d’être assemblés avec de nouveaux os moulés afin de former un ensemble. Entre sa sortie de terre et la dernière touche à sa mise en beauté, il a fallu entre sept et dix ans. Une fois fini, il est démonté pour pouvoir être transporté. Il voyage ensuite sous forme d’un puzzle géant avant d’être ensuite reconstitué sur son lieu d’exposition. Pour Trinity, c’est la conservatrice du musée des dinosaures Aathal de Zurich et d’autres experts qui s’en est chargé.

Un peu plus de la moitié de la matière osseuse du squelette provient des trois spécimens de tyrannosaure, ce qui est supérieur au taux de 50% nécessaire pour que les experts considèrent un tel squelette comme étant de grande qualité

Un niveau de conservation incroyablement bon

Le fait que Trinity ne soit qu’à moitié authentique ne devrait cependant pas refroidir les ardeurs puisqu’aucun T. Rex n’est complètement original. Pas un T.rex (ni autre grand dinosaure) n’a en effet été retrouvé dans son intégralité. Et puis les os du crâne de “Trinity”, soit la pièce maîtresse, proviennent d’un même squelette et ont un niveau de conservation “incroyablement bon”, selon la maison de vente aux enchères.

Tyrannosaurus rex Trex
Tyrannosaurus rex – Trinity © Getty

Quoi qu’il en soit avec ses 12 mètres de long et près de 4 mètres de haut, il est trop grand pour la salle des ventes. Il a donc été installé au milieu d’une salle de concert de Zurich.

Trex trinity
Pour le paléontologue Thomas Holtz, Trinity n’est cependant “pas vraiment +un spécimen+ mais plutôt une installation artistique”. Selon lui il est “trompeur” et  “inapproprié (…) de combiner des os réels de différents individus pour créer un seul squelette”. 

Une vente historique

Cette vente ex-situ n’empêche pas sa présence d’être historique. Seuls deux T.Rex ont jusqu’à présent été vendu aux ventes enchères. La première était « Sue » chez Sotheby’s qui atteindra 8.4 millions de dollars en 1997 (7,3 millions d’euros d’aujourd’hui). La seconde vente aura lieu chez Christies en 2020. «Stan» sera acheté 31,8 millions de dollars (27,1 millions d’euros actuels). C’est aussi le plus gros montant jamais payé pour un fossile.

T.rex Stan

Pourtant Stan n’était composé qu’à 65% d’os véritables. Sue était par contre authentique à 90 %. Cette montée en flèche des prix pour des fossiles moins complets indique l’engouement sans cesse croissant pour ces reliques venues d’un autre temps.

Un business juteux

Il est déjà arrivé que le doute quant à l’authenticité de parties du fossile fasse capoter une vente. Ainsi, l’année dernière, Christie’s avait dû retirer à quelques jours de la vente à Hong Kong un autre squelette de T-Rex. Mais rien de tel ici. Trinity (et ses un peu plus de 50 % d’authenticité affiché) a rapporté 5.5 millions de francs suisses (avec frais) selon la maison de vente (soit près 5,6 millions d’euro). Le squelette a été acheté par la fondation d’art Phoebus Foundation de l’entrepreneur belge Fernand Huts.

Fernand Huts est un entrepreneur belge et le PDG de Katoen Natie, une entreprise de logistique et de stockage basée à Anvers, en Belgique. C’est aujourd’hui l’une des plus grandes entreprises de logistique en Europe et dans le monde. Il opère dans plus de 30 pays. En plus de son rôle à la tête de Katoen Natie, Huts est également connu en tant que collectionneur d’art contemporain. Il a ainsi fondé le musée d’art contemporain “Museum aan de Stroom” à Anvers.

Il l’a donc plus bas que l’estimation entre 6 et 8 millions de francs suisse faites en amont par la maison. Et c’est d’autant plus bas que les prix auraient décoller vu la popularité de l’animal.

Dans ce genre de vente, l’objet part au prix auquel les collectionneurs sont prêts à payer. Ou pour utiliser les termes du jargon: un objet n’a que le prix du désir. Et, on l’a vu avec Stan, le désir et donc les prix peuvent rapidement flamber.

D’autant plus que l’engouement touche aussi d’autres dinosaures. Ainsi, en octobre 2021, a eu lieu la plus grande vente aux enchères de Triceratops à l’hôtel Drouot à Paris. Avec, en vedette, Big John, un squelette de huit mètres de long. Complet à plus de 60% et avec un crâne entier à 75%, il sera acheté 6,6 millions d’euros par un collectionneur américain. Soit largement au-dessus de l’estimation qui se situait entre 1,2 et 1,5 million d’euros.

À la limite de l’éthique

La vente et donc la spéculation autour d’un patrimoine mondial font d’ailleurs l’objet de nombreuses controverses. À qui appartient ce bien commun ? Pour citer un aventurier célèbre, sa place est, pour beaucoup, dans un musée. Soit disponible pour la recherche. Mais aussi accessible à tous et non pas caché dans l’une ou l’autre collection privée.

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Koen Stein, paléontologue à l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, nuance tout de même dans De Standaard, « les fossiles de T. rex ne sont pas si rares et l’espèce est bien étudiée. Il n’y a pas de mal à en vendre un de temps en temps un spécimen adulte”. Et puis les deux précédents T. Rex sont toujours visibles.  Car elles sont tellement spectaculaires qu’on achète souvent ce genre de pièces pour les montrer.  Sue est aujourd’hui la pièce maîtresse du Field Museum de Chicago et Stan devrait devenir l’attraction principale d’un musée d’histoire naturelle qui en construction à Abou Dhabi. Le musée est situé sur l’île de Saadiyat au large de la ville et ne devrait pas être achevé avant 2025.

La preuve avec Trinity, puisque la fondation souhaite exposer la bête dans son futur centre culturel dans la Boerentoren à Anvers. En 2021, la tours a été achetée par la Fondation qui souhaitait la transformer en espace accessible au public. Le projet ne devrait cependant être finalisé que dans quelques années et la fondation étudie la possibilité d’exposer le T.Rex dans un musée dans l’intervalle. Et  “afin que le public puisse en profiter dès à présent”, précise-t-on.

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