Emmanuel Macron surfe sur les JO, rejette Lucie Castets et fait face à une France ingouvernable
Le président décrète une “trêve politique” durant les JO et rappelle la “responsabilité” de ceux qui ont fait barrage à l’extrême droite. Pendant ce temps, la gauche s’accorde en vain sur une candidate Premier ministre, que le président rejette. Une France ingouvernable?, s’interroge Bruno Colmant.
Non, Lucie Castets ne sera pas la prochaine Première ministre française. Les partis du Nouveau Front Populaire s’étaient – enfin… – accordés sur le nom d’une candidate à Matignon, mardi en fin de journée, juste avant l’intervention télévisée du président Emmanuel Macron. Cette haute fonctionnaire de 37 ans, qui préside notamment un collectif de défense des services publics, n’est pas une star de la politique, mais elle a eu l’art de réunir des partis de gauche en pleine guerre des chefs.
Emmmanuel Macron ne veut pas en entendre parler. Mardi soir, sur France 2, le président français a balayé son nom d’un revers de la main. “De manière évidente, jusqu’à la mi-août, on doit être concentré sur les Jeux, a-t-il lancé. Et puis à partir de là, en fonction de l’avancée de ces discussions, ce sera ma responsabilité de nommer un Premier ministre ou une Première ministre et lui confier la tâche de constituer un gouvernement et d’avoir le rassemblement le plus large qui lui permette d’agir et d’avoir la stabilité.” Circulez, il n’y a rien à voir. Le gouvernement en affaires courantes de Gabriel Attal est en place.
Appel à “l’union”
Emmanuel Macron n’avait qu’un mot à la bouche, lors de son intervention: “l’union”, alors que la France paraît plus désunie que jamais. Rappelant le contenu de sa “Lettre aux Français”, le président a souligné combien était grande la responsabilité des partis qui ont fait barrage au Rassemblement National lors du second tour des législatives: à eux de s’entendre pour proposer une majorité stable au pays! “Personne n’a gagné”, a-t-il souligné, en admettant que son camp avait perdu. Mais son souhait reste, on le comprend, une coalition rassemblant de la droite républicaine à la gauche républicaine.
Et tant pis pour Lucie Castets qui s’exprimait ce mercredi matin sur France Inter: “Je suis prête, nous sommes prêts, je demande au président de la République de prendre ses responsabilités et de me nommer Premier ministre. (…) J’ai toujours pris au sérieux les désaccords politiques. Une coalition avec le camp présidentiel est impossible, et ce n’est pas ce qu’attendent nos électeurs.” Mais alors, avec qui? Du théâtre. Le Nouveau Front Populaire s’accroche à l’idée totalitaire de n’appliquer “rien que son programme”, sans majorité absolue.
Face à ce président “hors-sol”, la France Insoumise crie au “coup d’Etat institutionnel”. “Le Président refuse le résultat de l’élection et veut nous imposer de force son nouveau Front républicain et nous obliger à renoncer à notre programme pour faire une alliance avec lui, s’étrangle Jean-Luc Mélenchon. Il n’en est pas question. Respectez le vote des Français. Il doit se soumettre ou se démettre!” Inutile de dire que le “sketch” des Insoumis est dénoncé de toutes parts.
Serein et sûr de lui, Emmanuel Macron a répondu fermement qu’il resterait au pouvoir jusqu’au bout de son mandat. “Je suis un républicain!”, a-t-il plaidé. Il a défendu son choix de la dissolution “fait avec gravité, car l’Assemblée nationale ne répondait plus au souhait des Français”. “Les Français ont pris leurs responsabilités”, souligne-t-il. Il faut entendre leurs messages: les onze millions de voix qui se sont portées sur le Rassemblement National, le Front républicain et les réponses à apporter à ce malaise. Pour le reste;, aux acteurs de jouer, place aux Jeux olympiques.
“On a besoin de se réenthousiasmer, de se réunir autour d’une France qui accueille le monde, s’est exclamé Emmanuel Macron à de nombreuses reprises. On verra à partir de vendredi soir pourquoi cela en valait la peine.” Rideau, Paris doit être une fête et le gouvernement est prêt face au défi sécuritaire d’une cérémonie d’ouverture historique, sur la Seine, qui est confirmée dans son ampleur initiale.
Une France “ingouvernable”?
Se faisait l’écho de nombreuses péoccupations, l’économiste Bruno Colmant se demande si la France n’est pas devenu ingouvernable. “Le Parlement est divisé en trois groupes (peu homogènes) et le Président refuse des propositions de Premier ministre, constate-t-il. C’est compréhensible : un Premier ministre qui n’est pas soutenu par une majorité parlementaire est voué à l’échec. Mais alors, au-delà de l’attentisme, que faire si la fragmentation du Parlement conduit à l’impossibilité de constituer un gouvernement? C’est un terrain inconnu. Et cela pourrait conduire à un blocage complet de la France dans une période fragile qui pourrait susciter un procès en légitimité du Président.”
“Cela ramène au constat d’Henri Queuille (1884-1970), Président du Conseil sous la Quatrième République, qui avançait qu’il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout, prolonge-t-il. Tout cela n’est bien sûr qu’un détail à l’aune de l’humanité, mais un peu moins dans une zone monétaire continentale, avec des finances publiques chancelantes, une guerre en Ukraine, une fragilité américaine et des défis environnementaux qui sont le prochain choc existentiel.”
En effet.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici