Elon Musk et la révolte des super-riches : Quand la Silicon Valley choisit le capitalisme avant la démocratie
Dans un tournant surprenant mais révélateur, plusieurs des hommes les plus puissants de la Silicon Valley se sont alliés pour soutenir la candidature de Donald Trump à la présidence des États-Unis.
Menés par Elon Musk, PDG de Tesla et SpaceX, les titans de la technologie semblent prêts à défendre leur empire coûte que coûte face à ce qu’ils perçoivent comme une menace pesant sur leur fortune et leurs libertés économiques.
Un sentiment de révolte partagé
Ce changement radical de position pour ces entrepreneurs, autrefois majoritairement proches des démocrates, est motivé par un sentiment de révolte. contre les régulations croissantes du gouvernement de Joe Biden. Taxations « confiscatoires », encadrement des cryptomonnaies et mesures de régulation de l’intelligence artificielle sont autant de politiques que Musk et ses pairs considèrent comme nuisibles à l’innovation et à la libre entreprise.
Musk, la « surprise humaine d’octobre »
Ben Horowitz et Marc Andreessen, deux influents investisseurs en capital-risque, ont lancé le mouvement. Ils ont expliqué cet été dans leur podcast pourquoi ils avaient retourné leur veste et soutenaient désormais Trump. Dénonçant des impôts « dévastateurs » et des mesures restrictives qui, selon eux, freinent le potentiel de croissance d’un secteur vital pour l’économie américaine. Elon Musk va lui beaucoup plus loin.
Le Washington Post le qualifie même de « surprise humaine d’octobre », l’événement surprise qui peut tout changer à quelques jours des élections.
Démocrate au départ, il a, ces dernières années, glissé vers une droite plus radicale. La transition de sa fille transgenre l’a transformé en un combattant passionné contre ce qu’il appelle le « virus du wokisme ». Il se montre aussi de plus en plus adepte de théories conspirationnistes. Musk va également être profondément vexé par le fait d’avoir été snobé par Biden.
Musk: « si Trump perd, je suis fichu »
Il sortira officiellement du bois dans la foulée de la tentative d’assassinat de Donald Trump le 13 juillet. Depuis, il aura apporté non seulement un soutien financier massif à Trump mais a également mobilisé son réseau d’entreprises et ses vastes ressources pour influencer les électeurs dans des États clés. Musk a injecté plus de 118 millions de dollars dans la campagne et créé un centre d’opérations pour organiser le transport d’électeurs vers les bureaux de vote dans des États comme la Caroline du Nord. Son réseau social X (anciennement Twitter) diffuse les messages de campagne de Trump auprès de ses 200 millions de followers.
Musk qui se profile presque comme un colistier considère que le soutien à Trump est une question de survie personnelle et financière. Pourtant, il n’a même pas dépensé 0,1 % de sa fortune pour cette campagne. Mais cela ne l’a pas empêché d’affirmer récemment : « si Trump perd, je suis fichu ». Car il a, et il ne s’en cache pas, construit un programme commercial dont la pérennité dépend d’une présidence pro-business.
Une coalition inédite des magnats de la technologie
Musk n’est pas seul. Cette convergence de soutien englobe d’autres magnats de la technologie. Peter Thiel (Paypal) est l’un des premiers à avoir soutenu Trump en 2016. Il est aujourd’hui rejoint par David Sacks (ex-PayPal), les jumeaux Winklevoss (investisseurs en cryptomonnaies), Joe Lonsdale (ex-Palantir) ou Chamath Palihapitiya (investisseur en capital-risque). Ils sont tous unis dans leur volonté de soutenir un programme radicalement pro-business.
Andreessen, connu pour son « manifeste techno-optimiste » et richissime investisseur de capital-risque, considère lui que chaque problème sociétal peut être résolu par la technologie et le marché libre. Pour lui des notions telles que la régulation et le développement durable ne sont que des freins inutiles. « Nous ne sommes pas des victimes, mais des conquérants », affirme-t-il dans son podcast pour expliquer son choix pro-Trump. Même Jeff Bezos, qui ne soutient pas ouvertement Trump, ferait en ce moment tout ce qu’il peut pour resserrer les liens. Et ce malgré leur relation historiquement tendue.
Une influence stratégique : le pouvoir de l’argent et des médias
L’élection de 2024 s’annonce comme un test de l’influence que les milliardaires exercent sur la politique américaine. En passant d’une méfiance réciproque à une alliance stratégique, Musk et Trump pourraient aussi affaiblir les agences de régulation et recentrer les priorités fédérales sur les intérêts des grandes entreprises. De nombreux observateurs, notamment l’ancien ministre du Travail Robert Reich, craignent que cette emprise des milliardaires ne réduise la séparation entre pouvoir politique et intérêts économiques.
Depuis 2010, lorsque la Cour suprême a supprimé toute restriction sur le soutien financier privé, les milliardaires accentuent leur influence sur les campagnes électorales. Les dons atteignant aujourd’hui des sommets. Selon une enquête du Financial Times, les 1 % les plus riches gravitent majoritairement autour de Trump. Avec 34 % des fonds de sa campagne provenant de milliardaires contre seulement 6 % pour Kamala Harris.
Une élection décisive pour l’avenir de la Silicon Valley
Avec une part grandissante de la campagne Trump financée par des milliardaires, l’élection de 2024 pourrait donc ouvrir la voie à une politique pro-entreprise sans précédent aux États-Unis. Le soutien des super-riches a déjà un impact sur le programme de Trump. Les cryptomonnaies ne sont plus une « escroquerie ». L’opposition à l’application chinoise TikTok a été retirée. Et Trump promet davantage de commandes militaires au secteur privé ainsi qu’une réforme de la Securities and Exchange Commission.
Dans cette campagne où les frontières entre la politique et l’économie s’effacent, Musk et ses alliés montrent jusqu’où ils sont prêts à aller pour préserver leurs privilèges. Au cœur de ce choix se trouve une question plus large. Celle du futur de la démocratie américaine face à l’influence sans précédent des super-riches. Tandis que certains crient à la technomonarchie et y voient une menace directe pour le système démocratique et économique, d’autres estiment que cette révolte des milliardaires, sous couvert de liberté d’entreprendre, reflète un malaise grandissant face aux politiques restrictives.
Le résultat de cette élection pourrait donc bien marquer un tournant décisif pour l’Amérique et sa vision du capitalisme. Pourtant, les super-riches n’ont pas à se plaindre : depuis 2016, le nombre de milliardaires aux États-Unis a augmenté de 38 %.
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