Donald Trump aura besoin des droits de douane pour faire passer son budget

© Getty
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Quelle que soit la politique de Donald Trump, il apparaît illusoire d’espérer une absence de hausse des tarifs douaniers américains, estime Anton Brender, économiste chez Candriam.

Anton Brender, l’économiste du gestionnaire d’actifs Candriam, qui tenait sa dernière présentation économique avant de partir à la retraite, a mis au menu, évidemment, l’impact des Trumponomics sur l’économie américaine et mondiale. Que peut-on espérer, ou craindre, l’an prochain des mesures que devraient prendre le nouveau président américain ?

Certes, son discours étant peu clair, on ne peut pas avoir de vue précise – « nous ne sommes même pas sûrs que Donald Trump ait déjà décidé lui-même quelles mesures il allait prendre », note Anton Brender. Toutefois, on peut faire des hypothèses, selon la dureté ou la relative douceur des décisions qui seraient prises dans le champ de l’immigration, des incitants fiscaux et des tarifs douaniers.

Trump « soft »…

Ce qui est certain, c’est que quelle que soit la dureté des mesures, elles devraient écorner l’économie américaine qui est déjà sur une trajectoire de ralentissement. Le scénario de référence de Candriam table sur une croissance de l’économie américaine de 2,2% en 2025, contre 2,7% en 2024 et 2,9% en 2023

Dans un scénario « soft », les droits de douane seraient portés à 60% pour la Chine et à 10% pour les pays n’ayant pas d’accord de libre-échange avec les Etats-Unis, ce qui devraient augmenter le chômage américain de 0,6% et faire baisser le PIB de 0,6%. L’arrêt de l’immigration illégale devrait en revanche avoir un impact positif sur l’emploi, mais négatif sur l’activité économique. Si l’on tient compte aussi de mesures de soutien fiscal modérées, le scénario d’un Donald Trump « soft » devrait faire baisser légèrement le PIB américain de 0,2%, un PIB qui devrait donc tourner aux alentours de 2% l’an prochain. « Dans une conjoncture comme celle-là, où nous avons choisi pour tous les points (immigration, tarifs douaniers, fiscalité…), l’inflation devrait progresser de 1,1%, surtout en raison des tarifs douaniers, observe Anton Brender, qui ajoute cependant que comme il s’agit d’une mesure unique, l’inflation retombera par après. « La Réserve fédérale ne devrait donc pas, dans ce scénario, modifier dramatiquement le cours de sa politique et devrait continuer de baisser ses taux vers 3,5% pendant l’année qui vient. »

Trump « hard »

Le paysage change assez fort si l’on tombe dans le scénario d’un Donald Trump « hard »,imposant des droits de douane supplémentaires de 60% à ce que la Chine paie déjà, et des tarifs douaniers de 10% au reste du monde, même aux pays ayant signé un traité de libre-échange. Au niveau migratoire, la version « hard » ne parle pas seulement d’arrêter l’immigration illégale, mais de déporter 1,2 million de migrants déjà installés aux Etats-Unis. Et toujours dans cette version dure, l’administration Trump mettrait en œuvre toutes les mesures de défiscalisation envisagées, sur les heures supplémentaires, sur les pourboires, sur les pensions de la sécurité sociale, etc. Dans cette version, le PIB américain baisserait de 0,4% l’an prochain, nous aurions donc une croissance américaine en dessous de 2%. Et surtout, l’inflation augmenterait de 2,4%, et dépasserait donc les 4,5%. « Dans cette version hard, l’activité serait

plus faible à cause des droits de douane, le taux de chômage serait plus faible à cause des déportations de migrants et l’inflation serait beaucoup plus forte, à cause notamment des droits de douane. Et dans ce cas, pour empêcher une dérive et une pression sur les salaires, la Réserve fédérale arrêterait son cycle de baisse des taux. Elle les relèverait même éventuellement si le marché du travail se tendait nettement et si elle voyait les salaires dériver », avertit Anton Brender.

Un besoin de recettes fiscales

On le voit, quel que soit le scénario, les tarifs douaniers devraient amputer la croissance américaine et mondiale. Un Trump « dur » réduirait la croissance mondiale de 0,6% en 2025 et de 0,8% en 2026 et 2027. Certains veulent se rassurer en estimant que les menaces de Donald Trump sur les droits de douane ne sont qu’un argument de négociation, comme ils l’ont souvent été dans le passé. Ils doivent cependant déchanter, estime Anton Brender : « Vu les baisses d’impôts que Donald Trump va avoir à financer, il aura besoin de recettes fiscales, sauf s’il arrive à dégager les 2.000 milliards d’économie qu’Elon Musk lui a promis sur le budget, mais nous sommes sceptiques sur sa capacité à y arriver. Il aura donc besoin de recettes fiscales. Il ne peut pas donc renoncer aux droits de douane. Il en a besoin pour faire passer un budget de baisses d’impôts », dit-il.

Or, dans le cas d’une guerre commerciale, c’est l’Union européenne, économie la plus ouverte, qui va souffrir le plus. « Si en raison d’une guerre commerciale, la croissance mondiale baisse de 1%, ce recul retirerait 0,7% à la croissance européenne », estime Florence Pisani, également économiste chez Candriam. Et comme, selon Candriam, la croissance de la zone euro serait limitée à 0,8% l’an prochain, dans le cas d’une guerre commerciale, « l’économie européenne serait alors proche de la récession », souligne-t-elle.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content