Dollar, la fin d’un règne?

Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Depuis près d’un siècle, le dollar règne sur l’économie mondiale. Mais les problèmes budgétaires des États-Unis, la politique brutale de Donald Trump et l’arrivée des cryptoactifs fragilisent son règne. Toutefois, si le roi vieillit, on ne voit pas de véritable prétendant susceptible de lui faire quitter son trône.

Depuis le début de l’ère industrielle, la stabilité du monde a reposé sur une puissance hégémonique qui garantissait trois éléments, observe Martin Wolf, le chief economist du Financial Times : un marché ouvert permettant un libre commerce, une monnaie stable et un prêteur en dernier ressort en cas de crise.

“Les Britanniques ont fourni ces trois éléments jusqu’en 1914. Les États-Unis l’ont fait après 1945. Mais dans la période intermédiaire, le Royaume-Uni ne pouvait pas – et les États-Unis ne voulaient pas – les assurer. Le résultat fut désastreux.” Sommes-nous aujourd’hui à nouveau au seuil d’une telle période instable et potentiellement dangereuse ?

Privilèges exorbitants

Jusqu’il y a peu, les États-Unis étaient sans conteste cet empire qui garantissait la stabilité financière mondiale : ils représentent encore 25% du PIB mondial. Les bons du Trésor américain constituent une masse de 26.000 milliards de dollars de titres qui, pour les investisseurs du monde entier, représentent l’investissement sans risque par excellence. Et le billet vert est omniprésent dans les transactions internationales.

“Dans le commerce international, le dollar domine, souligne Charlotte de Montpellier, économiste auprès d’ING Belgique : environ 80% des transactions de marchandises sont libellées en dollars, contre moins de 10% pour l’euro. La dynamique est un peu différente pour ce qui concerne les réserves en devises des banques centrales. Fin 2024, 58% de ces dernières étaient libellées en dollars, ce qui reste significatif, mais moins qu’auparavant. Depuis 2000, cette proportion a diminué de 13 points de pourcentage. L’euro a gagné du terrain, tout comme l’or. Le métal jaune devient un actif clé pour des pays comme la Russie ou la Chine, qui diversifient leurs réserves pour éviter de dépendre du dollar et des systèmes de transaction comme Swift, surtout après les sanctions contre la Russie, qui ont abouti au gel des avoirs de la banque centrale russe”, ajoute l’économiste d’ING.

Et cette place du dollar au soleil des monnaies, les États-Unis voudraient la conserver. Car “le dollar confère deux privilèges majeurs, explique Bernard Snoy, professeur à l’UCLouvain, ancien administrateur de la Banque mondiale et président de l’association Robert Triffin International. Le premier est que les États-Unis empruntent à des taux plus bas grâce à la demande mondiale pour leurs bons du Trésor. Ils économiseraient jusqu’à 0,7% sur les intérêts. De plus, les billets en dollars, qui représentent une dette sans intérêt, rapporteraient environ 0,16% du PIB américain.” Il existe pour environ 2.300 milliards de dollars sous forme de pièces et billets, dont la moitié sont détenus en dehors des États-Unis ; la dette américaine est de 30.000 milliards de dollars. On parle donc de milliers de milliards d’économies.

L’autre privilège associé au dollar, poursuit Bernard Snoy, est le “contrôle de la plomberie” financière internationale : “Les plateformes de compensation et l’obligation de passer par des banques américaines pour les transactions en dollars donnent aux États-Unis un pouvoir immense. Cela leur permet d’imposer des sanctions, comme contre l’Iran, ou d’infliger des amendes colossales, comme les 9 milliards de dollars payés par BNP Paribas”. Cet instrument de politique étrangère “est plus puissant qu’une flotte de porte-avions”, affirme le conseiller économique de la Maison Blanche, Stephen Miran.

Le dilemme

Mais voilà, assis sur son trône, le dollar est désormais parcouru de très désagréables secousses. Il a vu arriver un concurrent sérieux à son rôle de devise de réserve avec la naissance de l’euro. Et la tectonique des plaques géopolitiques, poussée par la Chine, la Russie, le Brésil et une série de pays du Sud, n’est pas en sa faveur. “Je crois que le monde entier a été secoué quand, en 2022, les avoirs russes en dollars déposés auprès d’Euroclear à Bruxelles ont été gelés. Cela a été un choc majeur”, rappelle Bernard Snoy. La Chine met en place un système de paiement propre et divers pays, comme le Brésil, cherchent à vendre leurs matières premières sans passer par le billet vert.

Les secousses se sont faites plus importantes depuis le 20 janvier, avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, accompagné d’un important personnage de l’ombre : Stephen Miran, son conseiller économique.

“Quand, en 2022, les avoirs russes en dollars déposés auprès d’Euroclear ont été gelés, cela a été un choc majeur.” – Bernard Snoy

Pour comprendre la révolution monétaire qui s’esquisse aux États-Unis, il faut se rappeler que, comme l’expliquait déjà voici trois quarts de siècle l’économiste belge Robert Triffin, le privilège exorbitant qui revient au dollar s’accompagne aussi d’un lourd fardeau : pour satisfaire à la demande mondiale de dollars, les États-Unis sont en voie de perdre le contrôle de leur politique monétaire. “Une monnaie de réserve comme le dollar doit être émise en grande quantité pour répondre à la demande mondiale de liquidités. Mais cela conduit le pays émetteur, les États-Unis, à accumuler une dette extérieure croissante”, explique Bernard Snoy, qui ajoute que cette demande mondiale pousse le dollar à la hausse.

“Il y a, poursuit-il, une part de vérité dans les déclarations de Stephen Miran quand il dit que son statut de monnaie de réserve est une des causes d’une certaine surévaluation du dollar, qui handicape les exportations industrielles des États-Unis. Ce handicap a contribué à la désindustrialisation et à la paupérisation de la Rust Belt (la région industrielle du nord-est des États-Unis, ndlr), qui est le réservoir des voix qui ont élu et continuent de soutenir Donald Trump.”

Dans l’optique américaine, le reste du monde serait donc entièrement responsable du déficit commercial américain. Un déficit important : l’écart entre ce qu’ils exportent et ce qu’ils importent était l’an dernier de 920 milliards de dollars.

Cette thèse, Christian de Boissieu (1), professeur émérite à l’université de Paris-1-Panthéon-Sorbonne et membre de l’Académie royale de Belgique, n’y adhère pas. “Si vous regardez aujourd’hui, l’euro équivaut à 1,13 ou 1,14 dollar. Le dollar n’est pas clairement surévalué. Nous ne sommes pas très loin de ce qu’on peut appeler un taux de change d’équilibre, dit-il. C’est sans doute un peu plus compliqué du côté du yuan chinois : la guerre des changes menée est une des facettes de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.”

Double déficit

Mais pour Christian de Boissieu, d’autres éléments expliquent le déséquilibre américain. “Une partie du déficit commercial américain provient du fait que les États-Unis croissent davantage que d’autres, notamment l’Europe. Ce différentiel de croissance dégrade leur solde commercial. Un pays en déficit commercial a également un déficit d’épargne par rapport à ses investissements. Il y a une insuffisance d’épargne privée aux États-Unis. Il est donc trop facile de dire que le reste du monde est responsable des problèmes américains.”

“Il est trop facile de dire que le reste du monde est responsable des problèmes américains.” – Christian de Boissieu

Les problèmes américains, car il y en a plusieurs : à côté d’un déficit commercial et des tarifs douaniers qui font les grands titres, les États-Unis sont aussi plongés dans un grave problème budgétaire. La trajectoire des finances publiques américaines est pire que celle de la Belgique, avec un déficit public de 5,6% du PIB en 2022, de 6,2% en 2023, de 6,4% en 2024 et une estimation, par le Congressional Budget Office (CBO), agence fédérale spécialisée dans le budget, de 6,5% cette année.

Un pays cumulant un “twin déficit”, un déficit à la fois commercial et budgétaire, va au-devant des ennuis, avait déjà averti, voici 40 ans, le président de la Réserve fédérale d’alors, Paul Volcker. Or, les perspectives ne sont pas réjouissantes. La dette américaine, aujourd’hui d’environ 30.000 milliards de dollars (si l’on exclut la dette intergouvernementale), devrait encore gonfler. “Donald Trump a fait passer à la Chambre et il espère faire passer au Sénat ce qu’il appelle le ’One Big Beautiful Bill’, rappelle Bernard Snoy. Il perpétue les très importants cadeaux fiscaux concédés aux personnes déjà les plus favorisées et approuve d’énormes dépenses dans le domaine de la défense et de la conquête spatiale. Le très sérieux CBO a calculé que la dette des États-Unis passerait, entre aujourd’hui et 2035, de 100 à 125% du PIB.” En chiffres bruts, cela signifie que la dette américaine serait de 52.100 milliards de dollars dans 10 ans, contre 30.100 milliards aujourd’hui !

“La soutenabilité de la dette américaine devient problématique, abonde l’économiste Bruno Colmant, membre de l’Académie royale de Belgique. Les charges d’intérêts deviennent écrasantes, tout le monde s’accorde là-dessus. Et lorsque l’on voit cela de très loin, vraiment de Sirius, on se dit que dans un monde multipolaire, il n’est pas possible que la crédibilité de la dette américaine soit aussi forte qu’elle l’est maintenant.” Mais, poursuit l’économiste, le champ des possibles est vraiment très large, car un des avantages qu’ont les États-Unis aujourd’hui est que les trois quarts de leur dette sont détenus par des Américains.

Du Plaza à Mar-a-Lago

Explorons donc ce champ des possibles. Avec un premier scénario, celui d’un vaste accord monétaire international, à la manière des accords du Plaza, en 1985, au cours duquel les nations du G7 avaient décidé une dévaluation ordonnée du dollar afin de résoudre les problèmes américains pointés alors par Paul Volcker.

Les tarifs douaniers brandis par Donald Trump sont là surtout pour changer les termes de l’échange, fait remarquer Bernard Snoy. “Donald Trump veut obtenir, par l’intimidation, un réalignement complet des taux de change. Il rêve de ce fameux ’accord de Mar-a-Lago’, par lequel il obligerait les pays partenaires à réévaluer leur monnaie au moyen, par exemple, de taux d’intérêt plus élevés ou ’en prenant je ne sais quelles mesures’, dit-il. En corollaire, il y aurait un système coercitif qui obligerait tous les pays alliés à détenir des bons du Trésor américain, malgré la perspective d’une dévaluation de fait du dollar. Il obligerait les pays alliés à détenir des bons du Trésor assortis d’échéances de plus en plus longues. Stephen Miran mentionne même l’émission d’obligations à 100 ans ou d’obligations perpétuelles. Cela signifie que vous transférez le risque de taux d’intérêt du contribuable américain vers le détenteur étranger de ces bons du Trésor”.

On pourrait objecter que les “alliés” des États-Unis ne se laisseraient pas vassaliser sans réagir. “C’est là qu’intervient la donnée militaire, répond Bernard Snoy. Donald Trump estime que les alliés ont profité des États-Unis pendant des décennies. Ils doivent maintenant payer. Et s’ils ne se conforment pas aux désirs américains, Stephen Miran évoque la menace du retrait de la protection militaire des États-Unis.”

“Stable coins”

La Maison Blanche a toutefois d’autres tours dans son sac afin de conserver au dollar sa suprématie, tout en préservant une parité assez faible pour avantager les entreprises américaines.

“Parmi les autres mesures évoquées, il y a celle de réévaluer l’or (les États-Unis sont les premiers détenteurs d’or) ou de développer des cryptoactifs américains pour attirer de l’argent parfois d’origine douteuse”, affirme Bernard Snoy. “D’après ce que j’entends de sources proches de la Maison Blanche, le plan Miran, qui proposait de transformer la dette américaine en dette plus ou moins perpétuelle, est mis de côté, affirme Bruno Colmant. Une nouvelle approche monétaire se dessine : on parle beaucoup des stable coins, ces monnaies numériques adossées à des actifs stables. L’idée serait d’émettre des stable coins garantis par le Trésor américain, qui circuleraient en parallèle du dollar traditionnel. Il pourrait y avoir des stable coins publics, garantis par la Fed, et des stable coins privés, créés par des plateformes comme Amazon ou Apple. Il s’agirait, l’un dans l’autre, d’amplifier la quantité de dollars en circulation, en renforçant leur utilisation, surtout dans le monde occidental, par le chemin des transactions privées.”

La mobilisation des stable coins n’est toutefois pas sans risques. Contrairement à ce qu’elles laissent entendre, ces “monnaies” ne sont pas toujours stables. L’effondrement, en 2022, des cryptos luna de Terra a anéanti en quelques jours 45 milliards de dollars. “Même si les stable coins sont censés être à parité avec le dollar, cette parité peut fluctuer, abonde Bruno Colmant. Cela peut créer de l’instabilité, voire une panique sur les marchés. C’est un risque majeur. Un effondrement pourrait miner la confiance dans ces instruments et, par extension, dans le dollar lui-même.”

“La multiplication de ces plateformes de stable coins rendra de plus en plus difficile la mise en œuvre de la politique monétaire américaine, ainsi que le contrôle du paiement des impôts par les Gafa et beaucoup d’autres entreprises, ajoute Bernard Snoy. Il y a dans l’idéologie derrière ces initiatives la volonté d’affaiblir les États nationaux et de renforcer le pouvoir des oligarques.” Mais c’est un danger que Donald Trump est prêt à assumer. “Donald Trump, influencé par des figures comme Peter Thiel (le fondateur de Paypal, ndlr), a la vision presque messianique de créer une ’intranquillité permanente’, explique Bruno Colmant. C’est un monde dans lequel le président américain se sent comme un poisson dans l’eau, lui qui a bâti un système d’enrichissement important via les crypto-actifs.”

Un danger systémique

En testant ces diverses solutions afin de conserver l’avantage d’un dollar compétitif et d’un dollar conquérant, les Américains jouent cependant un jeu dangereux, avertit Christian de Boissieu. “Si véritablement, l’administration américaine arrive à faire baisser le dollar, il peut y avoir un seuil à partir duquel cette baisse rendrait plus difficile le financement du déficit américain, à partir duquel la baisse du dollar provoquerait une crise de confiance dans la devise américaine. Cela pourrait accélérer le phénomène de dédollarisation. Je n’y crois pas trop à court terme, car il faut beaucoup de temps pour remplacer une monnaie par une autre. La livre sterling a mis 20 ans à être détrônée par le dollar.” Mais c’est une dynamique dangereuse qui pourrait s’enclencher.

“Donald Trump ne veut pas discipliner les Américains pour leur surconsommation, qui alimente la dette. Il préfère imposer le dollar via des stable coins et des transactions privées, tout en mettant sous pression ses partenaires, rappelle Bruno Colmant. Mais cela pourrait miner la confiance dans le dollar. Nous risquons de vivre une période de bouleversements. Car Donald Trump est en train de toucher au sacré, au totem qui est le taux sans risque (le rendement des obligations de l’État américain, qui sert de référence sur tous les marchés financiers, ndlr). Il met en péril la devise américaine en tant que refuge et clé de voûte du système, comme il le fait un peu dans tous les domaines. Une crise financière majeure est à mon avis probable.”

“Donald Trump est en train de toucher au sacré. Il met en péril la devise américaine en tant que refuge et clé de voûte du système.” – Bruno Colmant

Un tel scénario, Bernard Snoy ne l’exclut pas : “Il y a en effet la crainte d’une grave crise financière internationale. Il existe, on en parle peu, des montants gigantesques, des dizaines de trillions de dollars, qui ne sont pas sous le contrôle de la Réserve fédérale. Il ne s’agit pas seulement des filiales étrangères des banques américaines qui font énormément de transactions en dollars. De nombreuses banques non américaines, et de nombreuses institutions financières non bancaires, travaillent en dollars et ont un degré d’endettement très élevé, parce qu’elles ne sont pas soumises aux mêmes règles que les banques. Ces institutions financières non bancaires qui sont la source d’une demande toujours croissante d’actifs sûrs libellés en dollars. Et bien que les États-Unis soient déjà très endettés et qu’il y ait un montant considérable de bons du Trésor américain, on constate une pénurie d’actifs sûrs. Cela conduit ces acteurs financiers à construire des gages de moindre qualité basés sur la titrisation.”

Comme en 2008…

Un scénario qui fait penser à celui de la crise de 2008. “Nous nous trouvons à un tournant dangereux et nous ne pouvons plus éluder la nécessité d’une profonde réforme du système monétaire international, note Bernard Snoy. À court terme, une évolution vers un système plus décentralisé, comportant une multiplicité de monnaies de réserve, paraît à beaucoup la voie à suivre. L’Union européenne pourrait, par des émissions massives d’obligations, encourager l’internationalisation de l’euro. Simultanément, le Royaume-Uni, le Japon et la Chine feraient de même avec leurs monnaies respectives. Toutefois, un tel système multipolaire pourrait se révéler très instable, les investisseurs ayant à tout moment la possibilité de remplacer une monnaie par une autre, en tenant compte notamment des variations des politiques monétaires des banques centrales émettrices.”

Le rêve politique énoncé par Emmanuel Macron, il y a quelques semaines, de voir l’euro détrôner le dollar comme devise mondiale reste toutefois aujourd’hui dans les limbes. “Nous n’avons pas en Europe d’émetteurs aussi puissants que la Fed et le Trésor américain, rappelle Charlotte de Montpellier. Le marché européen des obligations d’État est fragmenté et il ne représente que la moitié de celui de la dette souveraine américaine. Il y a donc, fatalement, moins de potentiel pour détenir des réserves en euros. La monnaie unique n’est pas encore en position d’être une alternative sérieuse au dollar. On peut l’espérer, mais nous n’y sommes pas encore, d’autant plus que l’euro n’est à ce jour pas la devise dans laquelle s’échangent suffisamment de matières premières.”

“L’euro n’est pas encore en position d’être une alternative sérieuse au dollar.” – Charlotte de Montpellier

Le pays qui émet une monnaie clé doit aussi, à côté de cet exorbitant privilège, se préparer à supporter un exorbitant fardeau. Il devient en effet le prêteur de dernier ressort dans toute la zone où sa devise est utilisée. “Si une crise devait survenir, explique Bernard Snoy, la BCE devrait pouvoir, via des accords de swaps, venir à la rescousse de banques centrales étrangères, qui voudraient prévenir un accident financier lié à des actifs ou des dettes en euro logés dans des intermédiaires financiers sous leur juridiction. La BCE serait-elle prête et en mesure de le faire ? Et le deuxième grand problème est que les principaux pays de l’Union européenne sont déjà eux-mêmes lourdement endettés. Avec notre niveau d’endettement, pourrons-nous générer les volumes d’actifs sûrs en euro demandés ? Pourrons-nous assurer à ces actifs sûrs un marché suffisamment attractif, profond et liquide alors que notre taux de croissance est faible et que nos marchés des capitaux restent encore terriblement cloisonnés ?”

À long terme, Robert Triffin et, avant lui, John Maynard Keynes proposaient de confier l’émission et la gestion d’une monnaie mondiale à une institution multilatérale comme le FMI, plutôt que de laisser cette charge aux États-Unis ou à leurs rivaux, rappelle Bernard Snoy.

“L’initiative du Palais-Royal, lancée en 2010 par Michel Camdessus, Alexandre Lamfalussy et Tommaso Padoa-Schioppa et les travaux subséquents de l’association Robert Triffin International ont montré la faisabilité théorique de cette solution et les étapes institutionnelles de renforcement du FMI qui y conduiraient”, dit-il. Mais à l’heure du retour en force du protectionnisme et de la déglobalisation, cette solution coopérative est à ranger, pour l’instant, sur l’étagère des utopies… “Avant peut-être qu’elle ne s’impose après une grave crise financière”, ajoute Bernard Snoy.

(1) Christian de Boissieu a écrit, avec Marc Schwartz, La Nouvelle Guerre des monnaies, Odile Jacob, 2025, 295 p.

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