Le défunt pape a remis de l’ordre dans les comptes du Saint Siège et ce ne fut pas une sinécure. Il a notamment levé le secret bancaire et lutté contre l’influence de la mafia. Un réformateur s’en est allé.
Le pape François, décédé le lundi de Pâques, aura laissé sa marque sur les finances du Vatican. Ce réformateur, soucieux de revenir aux sources de l’évangélisation, a également réformé un système opaque et peu fiable. Avec lui, le Vatican a quitté son statut de paradis fiscal pas toujours recommandable.
À son arrivée en 2013, le secret bancaire est encore d’actualité et les opérations litigieuses sont nombreuses. Pour remettre de l’ordre, l’Argentin fait appel à des consultants et ouvre la gestion de ces affaires à des experts laïcs. Au risque de faire grincer des dents.
Le couteau dans la plaie
“Mettre de l’ordre dans les finances du Vatican est la priorité de cette reprise en main, confirme Le Monde. Il y a urgence, car les autorités financières internationales ont relégué le Saint-Siège au rang d’État peu fiable. Pour débroussailler ce maquis, François sollicite – une nouveauté – des cabinets d’audit, ce qui est vécu comme un quasi-sacrilège, et il fait appel à l’expertise de laïques.”
En 2014, le pape instaure par décret une sorte de ministère pour superviser les finances du plus petit État du monde, précise RFI. Ce secrétariat, précise le décret du pape, a “autorité sur toutes les activités économiques et administratives à l’intérieur du Saint-Siège et de l’État de la Cité du Vatican”. Pour aider ce secrétariat dans sa lourde tâche, le pape crée aussi un « Conseil des 15 », composé de huit cardinaux ou évêques, et de sept laïcs experts dans le domaine financier.
Le couteau est mis dans la plaie. En 2015, le secret bancaire est levé. Une affaire fait grand bruit: 5000 comptes suspects de ce qu’on appelle l’Institut pour les Œuvres de Religion (IOR), dit la “banque du Vatican”, sont fermés. Des intérêts criminels y étaient logés. Seules peuvent dorénavant en être clientes les institutions et les personnes liées statutairement à l’Église catholique.
Un juge anti-mafia
En Italie, l’influence de la mafia s’étend dans toutes les couches de la société et le Vatican n’était pas épargné. Un juge anti-mafia est nommé au tribunal du Vatican.
Les résultats suivent sous forme de procès retentissants, rappelle RFI. Un ancien président de la “banque du Vatican” est notamment reconnu coupable en 2021 de blanchiment, détournement de fonds et malversation aggravée. Les faits reprochés : un investissement immobilier ruineux à Londres. Le projet portait sur l’achat d’un immeuble dans le chic quartier londonien de Chelsea pour y créer une cinquantaine d’appartements de luxe.
“Il a fallu dix ans de ténacité, de maladresses, de décisions brutales ou incomprises, d’amendements, pour parcourir les étapes suivantes, ajoute Le Monde. Au bout du compte, l’anarchie qui prospérait dans l’ombre a fait place à un système plus encadré, doté d’organes de contrôle internes et qui coopère avec les autorités financières internationales.”
Cela ne se fit pas sans mal, entre bas de fer secrets et manœuvres de sabotage. À plusieurs reprises, des documents filtrent dans la presse. Le pape lui-même reconnait une “résistance évidente”.
Désormais, le patrimoine financier du Vatican est centralisé au sein d’un organisme avec un comité chargé de veilleur au caractère éthique des investissements et un gendarme financier.
Cette réforme-là n’est pas celle dont on parle le plus, mais elle est assurément d’importance.