Davos est-il déconnecté de la réalité ?

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Cette semaine, le forum international de Davos réunit tout ce qui compte de dirigeants et de patrons dans le monde. Enfin, réunir est un grand mot.

Soixante chefs d’Etat et de gouvernements, 900 chefs d’entreprises, la présidente de l’Union européenne Ursula  von der Leyen, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterrez et une belle brochette de responsables du Fonds monétaire international, de l’OTAN, de l’Organisation mondiale du Commerce…. Il y aura une nouvelle fois du beau monde au Forum économique mondial qui s’est ouvert cette semaine à Davos.

Restaurer la confiance ?

Mais au lendemain de l’investiture de Donald Trump comme 47e président des Etats-Unis, et au lendemain de sa première volée de décrets décapants – dont le retrait des Etats-Unis de l’Organisation mondiale de la Santé – sous l’œil bienveillant des grands patrons de la tech américaine, on ne peut que constater le hiatus entre les thématiques abordées par Davos et celles qui sont désormais imposées par l’agenda des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie.

Davos plaide en effet pour « reconstruire la confiance » (trouver de nouvelles façons de collaborer au niveau international et au sein des sociétés pour réduire les fractures sociales), « investir dans les gens » (développer le capital humain), « réimaginer la croissance » (trouver de nouvelles sources de développement de l’activité économique), « protéger la planète » (comment catalyser l’action en matière d’énergie, de climat et d’environnement au travers de partenariats innovants, un financement accru et du déploiement de technologies de pointe) et, last but not least, réfléchir sur « les Industries à l’ère de l’Intelligence, ou comment les dirigeants d’entreprise peuvent-ils trouver un équilibre entre les objectifs à court terme et les impératifs à long terme dans la transformation de leurs industries « .

Clap de fin

Voilà les intentions. Dans les faits, la confiance a plus que jamais déserté le nouvel ordre du monde, régi par un désordre international qui voit la Russie poursuivre son invasion de l’Ukraine, le président des Etats-Unis revendiquer de nouveaux territoires (Panama, Groenland,…), la Chine se réarmer à grande vitesse et exercer des pressions de plus en plus fortes sur ses voisins, Taiwan en tête. Tout cela alors que les patrons des grandes plateformes digitales américaines sont plus que jamais disposés à laisser proliférer les discours fracturants.

L’investissement dans le « capital humain » ne semble plus non plus  être à l’ordre du jour. Un des premiers décrets pris par Donald Trump a été de retirer son pays de l’Organisation mondiale de la santé.   On est également très loin aujourd’hui de vouloir  rechercher de nouvelles sources de développement et de protéger la planète. Le nouvel ordre de l’administration Trump – « drill, drill, drill » – repose sur la conviction qu’il n’y a que les énergies fossiles pour assurer la croissance économique, ce que semble confirmer le chaos économico-énergétique européen, et tant pis pour la planète. Quant à l’intelligence artificielle, elle est mise directement au service d’intérêts à court terme et sans aucun garde-fou dont la mise en œuvre supposerait un minimum de concertation internationale.

On a l’impression que l’objectif même de Davos, qui était de rapprocher les élites mondiales, n’a plus de sens. Et comme pour boucler la boucle, cette année sera la dernière pour Klaus Schwab, l’économiste allemand fondateur et président du Forum, 86 ans. Il  avait créé l’événement  en 1971 dans le but de réveiller l’Europe. On peut s’interroger sur l’accomplissement de cette mission.

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