Crise immobilière en Chine : « Un risque de contagion mondiale ne peut être écarté »

Un projet démesuré de Country Garden à Zhenjiang. (Photo by AFP) / China OUT
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Philippe Ledent, senior economist chez ING, souligne qu’un ralentissement de l’économie chinoise pourrait faire baisser la pression sur l’inflation dans nos pays. Mais on ne peut exclure un choc financier mondial se propageant par la peur ou une riposte du pouvoir chinois qui nous serait préjudiciable.

Après la chute d’Evergrande, qui vient de se déclarer en faillite aux Etats-Unis, les graves difficultés éprouvées par Country Garden témoignent de la fragilité du secteur immobilier chinois. Y’a-t-il un risque de contagion mondial ? S’il relativise et se garde bien de comparer à la crise des subprimes aux Etats-Unis, à la source de la crise financière de 2008, Philippe Ledent, senior economist chez ING, n’exclut pas un dérapage incontrôlé.

Faut-il être préoccupé par ces mauvaises nouvelles venant du secteur immobilier chinois ?

Oui, même si n’est pas tout à fait inattendu, suite aux graves difficultés rencontrées par Evergrande depuis 2021. On sait depuis 2011-2012 que le développement de la Chine, qui s’est fait à marche forcée depuis vingt-cinq ans avec des taux de croissance de plus de 10% dans un premier temps, finirait par générer des bulles. Cette croissance s’est effectuée à grands coups de plans d’investissements et de constructions d’infrastructures, l’économie a pris des directions pas toujours souhaitables et, dans l’immobilier, la spéculation était importante. On devait s’attendre à ce genre de risques. L’économie chinoise, au sens large, devait finir par connaître un ralentissement, voire une récession.

Le pouvoir chinois réagit-il ?

Depuis les difficultés d’Evergrande en 2021, on sait que le secteur chinois est fragile, mais rien n’a été fait pour le soulager. Il n’y a pas eu de grand plan étatique pour le sauver. Le président Xi Jinping a visiblement décidé de mette fin à la bulle immobilière. Il y a dix ans, l’Etat aurait sans doute racheté les bâtiments pour les détruire et reconstruire à petite échelle, mais ce n’est pas le cas. Le président a voulu donner une leçon à ce secteur qui s’est trop éloigné du communisme. L’idéologie joue un rôle, c’est indéniable. Le fait que Country Garden éprouve à son tour des difficultés, c’est tout sauf étonnant.

Y’a-t-il un risque de contagion ?

Oui, car l’économie chinoise va moins bien, le secteur industriel est dans une mauvaise passe, c’est évidemment le genre de choc qui peut provoquer une crise économique.

Mondiale ?

Chinoise, dans un premier temps. Les secteurs industriel et financier ne vont pas très bien. Cette crise touche, en outre, au point faible de la Chine, ces finances locales qui sont à la source des investissements dans l’immobilier. Si le secteur immobilier est touché, cela pourrait évidemment impacter les ménages et provoquer un choc financier. Dans ce cas, il y a toujours un risque que cela dégénère, même si dans une économie planifiée, le pouvoir peut toujours intervenir. Le président Xi Jinping veut donner une leçon à un secteur, mais il n’a pas intérêt à ce que l’économie soit touchée plus fortement, cela lui serait préjudiciable.

Le risque est-il comparable aux subprimes américains, qui avaient cause la crise financière de 2008 ?

Nous ne sommes pas, a priori, dans un risque qui gangrène l’économie mondiale comme ce fut le cas à l’époque. Bien sûr, il se pourrait qu’il y ait des connexions au niveau bancaire et la question de la confiance est vitale. En cas de crise financière en Chine, tout le monde va évidemment regarder le risque auquel on est exposé. Sur la place luxembourgeoise, par exemple, il y a bien des banques qui sont sous capitaux chinois. Mais ce n’est pas semblable aux subprimes qui avaient été délibérément disséminés dans l’économie mondiale.

En réalité, une telle crise chinoise pourrait, dans un premier temps, avoir un aspect positif pour l’économie mondiale parce que cela va faire diminuer la demande de matières premières et d’énergie. Or, l’économie est très sensible aux chocs de l’offre et de la demande, on le voit actuellement avec le pétrole. Pour nous, ce sera une source d’inflation en moins.

Un choix financier plus large est-il exclu ?

Non. Je l’ai dit, le risque d’une contagion par la peur ne peut pas être écarté. Si l’on constatait un début de contagion pour l’économie mondiale, la peur suffirait à mettre le feu aux poudres. Qui plus est, l’économie chinoise est la deuxième de la planète, ce n’est certes pas un partenaire commercial important pour la Belgique, mais bien pour l’Allemagne, qui est notre premier client.

De façon plus sournoise, on pourrait aussi être impacté par une riposte du pouvoir chinois. Face au risque d’une chute jamais vue depuis vingt-cinq ans, il pourrait décider de mesures protectionnistes ou un dumping réactivé afin d’attirer des activités industrielles sur son sol. Cela peut être potentiellement dangereux pour nos économies.

En outre, la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis devient de plus en plus féroce. Les Etats-Unis ne se cachent même plus de leur volonté d’enfoncer la Chine. Il n’y a que l’Europe pour continuer à croire que nous sommes dans un monde de libre échange vertueux…

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