Course à l’armement: où en est l’armée chinoise ?

Xi Jinping

Alors que le monde se réarme, la Chine accélère la modernisation de son armée. Budget en hausse, avancées technologiques, arsenal nucléaire renforcé : Pékin se positionne comme un concurrent stratégique majeur face aux États-Unis.

La Chine ambitionne de devenir l’une des plus importantes puissances militaires mondiales et ne s’en cache plus. Elle représenterait même la principale menace pour les intérêts des États-Unis au niveau mondial, affirme un rapport des renseignements américains publié mardi. D’après ce document intitulé “Évaluation annuelle des menaces” (Annual Threat Assessment), la “pression” de la Chine sur Taïwan – dont elle revendique le territoire – et “les vastes opérations cyber contre des cibles américaines” sont autant d’indicateurs des menaces pesant sur la sécurité des États-Unis.

“La Chine présente la menace militaire la plus complète et la plus forte pour la sécurité nationale” américaine, indique le document publié par les services de la directrice du renseignement américain, Tulsi Gabbard. Même si, précise la même source, la Chine est plus “prudente” que d’autres pays examinés dans le rapport, comme la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, l’État-parti se garde d’apparaître “trop agressif”. Ce qui ne l’empêche pas d’avancer à grandes foulées.

Quel budget ?

Le budget de l’armée chinoise a été dévoilé début mars lors de l’ouverture de la réunion annuelle de l’Assemblée nationale populaire (ANP). Il sera augmenté de 7,2 % en 2025, pour atteindre 1,6 % du produit intérieur brut (PIB) chinois. C’est inférieur à la moyenne des dépenses militaires mondiales, mais cela représente tout de même 1 784,7 milliards de yuans, soit environ 228 milliards d’euros. Cela place la Chine en deuxième position. Bien loin cependant des 916 milliards de dollars des États-Unis, selon les chiffres de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).

Sous la houlette de Xi Jinping, également président de la Commission militaire centrale – la plus haute instance militaire chinoise – l’armée chinoise devrait être « modernisée » d’ici 2035 et devenir une puissance de premier plan pour le centenaire de la République populaire de Chine, en 2049. Lors de son dernier discours devant l’Assemblée nationale populaire, Xi Jinping a insisté sur la modernisation des forces militaires.

Une armée en mutation

Les forces militaires chinoises reviennent de loin, puisqu’elles ont peu combattu hors de leurs frontières. Depuis la guerre avec le Vietnam en 1979 et jusqu’en 2010, la priorité de la Chine était le développement économique. L’aspect militaire ne va reprendre de l’importance qu’avec Xi Jinping et le constat que la deuxième économie mondiale avait besoin de pouvoir se défendre. Rongée par ce qui a été appelé “la maladie de la paix”, l’armée va recevoir un traitement de choc. Fin 2016, Xi Jinping annonce une vaste réforme des forces armées et déclare qu’il va “réajuster et optimiser la structure militaire de la Chine, afin de l’adapter aux changements rapides de l’environnement militaire mondial”.

L’armée chinoise connaîtra aussi plusieurs purges jusqu’au plus haut niveau, dans le cadre des campagnes « anticorruption ». En 2023, une quinzaine de hauts gradés supervisant le développement des missiles nucléaires et conventionnels ont été limogés, précise Slate. En novembre 2024, une enquête pour « grave violation de la discipline » a été ouverte contre l’amiral Miao Hua, l’un des cinq membres de la Commission militaire centrale, selon Le Monde.

Moins d’effectifs, plus de technologie

Si l’armée chinoise est passée de 5,5 millions de soldats en 1949 à 2,11 millions en 2014, elle reste la plus importante en termes d’effectifs. Entre 2015 et 2017, elle a réduit ses effectifs de 300 000 hommes. Aujourd’hui, l’armée populaire de libération (APL) compterait environ 2 millions de personnes : 700 000 soldats, 850 000 sous-officiers et 450 000 officiers et personnels civils. Cependant, l’armée peine à recruter les meilleurs talents en raison de conditions de recrutement strictes et de salaires peu attractifs. Or, la maîtrise de technologies avancées, comme les navires ou les avions de dernière génération, nécessite un personnel hautement qualifié, ce qui prend du temps à former.

Une course aux armements

La modernisation de l’armée chinoise passe également par une montée en puissance matérielle impressionnante, notamment dans la marine. Les chantiers navals se multiplient : l’APL compterait actuellement 370 navires de combat, contre 297 pour l’armée américaine. Elle dispose aussi d’au moins trois porte-avions et d’un navire d’assaut amphibie doté d’une catapulte électromagnétique pour drones de combat.

L’aviation n’est pas en reste avec 2 400 avions de combat, dont deux types de chasseurs furtifs. Cette modernisation est également soutenue par l’intelligence artificielle et les technologies spatiales. Les milliers de satellites chinois surveillent la Terre, y compris la flotte américaine, de manière extrêmement précise.

En matière nucléaire, la Chine a également intensifié ses efforts. Selon les évaluations du Pentagone, le nombre d’ogives chinoises est passé de 290 en 2019 à environ 600 en 2024. Si cela reste inférieur aux 4 000 ogives américaines, les missiles chinois seraient désormais plus précis. Un test en septembre 2024, dans l’océan Pacifique, d’un missile balistique intercontinental a d’ailleurs suscité de vives critiques.

Une influence mondiale croissante

Mardi, lors de son audition au Sénat, Tulsi Gabbard a déclaré que la Chine représentait “le concurrent stratégique le plus fort”. Elle a décrit une armée chinoise dotée de “missiles hypersoniques, d’aéronefs furtifs, de sous-marins avancés, d’un arsenal nucléaire élargi et de capacités de guerre informatique accrues”. Et bien que la Chine affirme que son armée a un rôle défensif, ses incursions en mer de Chine, sa présence dans les montagnes himalayennes et ses ambitions sur Taïwan continuent de susciter des inquiétudes.

Car il n’y a pas que l’armée, il y aussi les nouvelles routes de la soie avec ses installations stratégiques, dont de nombreux ports, sponsorisés par la Chine. Cette influence étendue fait que la Chine est le premier partenaire commercial de plus de 120 Etats. Sa discrétion géo-politique fait qu’elle reste tolérée partout ou presque dans le monde. Pourtant, plus méfiante que jamais, la Chine tente tout de même de remodeler l’ordre international en fonction de ses intérêts. Et plutôt aujourd’hui qu’hier. Elle sait que la guerre est aussi une question de production et d’usine. Or ça tombe bien, elle produit à elle seule 30 % des biens de la planète. Donc que plus des velléités guerrières, la première puissance manufacturière mondiale se donne avant tout les moyens de repousser la puissance américaine. Au cas où.

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