Costas Simitis, le socialiste qui fit entrer la Grèce dans l’euro
Résistant de la première heure contre la junte des “colonels” (1967-74) et Premier ministre grec durant huit ans (1996-2004), Costas Simitis, décédé dimanche à l’âge de 88 ans, a marqué l’histoire de son pays notamment en oeuvrant à son entrée dans l’euro en 2001.
Né à Athènes le 23 juin 1936, Costas Simitis “a accompagné la Grèce dans ses grandes étapes nationales: l’entrée dans la zone euro et l’adoption de l’euro et l’entrée de Chypre dans l’Europe”, a relevé dimanche l’actuel Premier ministre grec (conservateur) Kyriakos Mitsotakis dans un communiqué.
Premier ministre de 1996 à 2004, “Costas Simitis a été l’une des personnalités les plus importantes après la chute de la junte militaire, laissant un grand héritage politique et faisant d’une Grèce forte une réalité en Europe”, a renchéri dans un communiqué Nikos Androulakis, l’actuel leader du PASOK-KINAL (“Mouvement socialiste panhellénique”), le parti socialiste grec.
Après avoir combattu la junte des “colonels” (1967-74), l’ancien professeur de droit est l’un des membres fondateurs de ce parti créé en 1974 par Andreas Papandreou dès le retour de la démocratie. Il a été un cadre clé des trois mandats du parti au gouvernement après 1981.
En tant que ministre de l’Economie, puis de l’Industrie, Costas Simitis, partisan de l’austérité, s’oppose de façon répétée à la politique plus dépensière d’Andreas Papandreou. Mais lorsque ce dernier est sur le point de mourir en 1996, Costas Simitis est choisi par le parti pour le remplacer comme Premier ministre.
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Les tensions avec la Turquie voisine atteignent un niveau critique à deux reprises sous l’administration de l’ancien étudiant en droit et en économie en Allemagne et en Angleterre, où il a rencontré sa future épouse avec laquelle il a eu deux filles.
En 1996, les rivaux historiques et alliés de l’OTAN frôlent l’ entrée en guerre au sujet d’un groupe d’îlots inhabités dans la mer Egée. Une confrontation navale dans la région est finalement évitée grâce à l’intervention des Etats-Unis.
En 1999, Athènes se retrouve sous son gouvernement en posture très délicate lorsqu’Abdullah Öcalan, chef historique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), est capturé par les services secrets turcs à Nairobi alors qu’il était caché à l’ambassade de Grèce au Kenya. Trois ministres du gouvernement de Costas Simitis doivent démissionner.
Quelques mois plus tard toutefois, la Grèce et la Turquie sont frappées par des tremblements de terre meurtriers et se portent mutuellement secours.
Détente avec la Turquie
Costas Simitis en profite alors pour ouvrir une période de détente avec la Turquie sous la direction de son ministre des Affaires étrangères George Papandreou. C’est la “diplomatie du tremblement de terre”.
En 2000, Costas Simitis est réélu de justesse, après une campagne entachée par des accusations selon lesquelles son gouvernement aurait illégalement naturalisé des milliers d’électeurs grecs originaires de l’ex-Union soviétique.
Et en 2001, la Grèce rejoint l’euro. En 2003, elle préside l’Union européenne, qui connaît l’élargissement le plus important à ce jour, avec l’adhésion de 10 nouveaux Etats membres, dont Chypre, son allié historique. En collaboration avec les dirigeants chypriotes, Costas Simitis “a conduit Chypre à sa plus grande réussite depuis 1960: la décision d’adhésion de Chypre à l’Union européenne, prise en décembre 2002 à Copenhague”, a déclaré le président chypriote Nikos Christodoulides dans un communiqué dimanche.
Le deuxième gouvernement de Simitis doit faire face à la préparation des Jeux olympiques d’Athènes de l’été 2004, qui ont été entachés de retards importants dans la construction des installations. Mais Costas Simitis démissionne de son poste de chef de parti avant les élections de mars 2004 alors que la défaite se profile.
L’héritage des gouvernements Simitis est ensuite terni par des enquêtes sur une importante bulle boursière et des scandales de corruption qui ont conduit deux de ses anciens ministres en prison. Et après la pire crise économique de l’histoire contemporaine de la Grèce en 2010, de nombreuses capitales européennes se sont demandé si Athènes n’avait pas falsifié ses comptes une décennie plus tôt pour rejoindre la monnaie unique.
Costas Simitis a toutefois vigoureusement défendu son bilan dans un livre paru en 2012 sur la crise de la dette grecque, insistant sur le fait qu’Athènes avait mené un effort “titanesque” pour satisfaire aux conditions d’entrée dans la zone euro. “Quelle que soit la manière dont on mesure la performance budgétaire, le déficit public (de la Grèce) a baissé de dix points à 2,5% (du PIB) en 1999”, l’année fiscale sur laquelle la Grèce a basé son entrée, a-t-il argumenté.