Contrôles aux frontières allemandes: à quoi s’attendre ?
À partir de ce lundi, des contrôles frontaliers sont rétablis aux frontières de l’Allemagne. Les autorités allemandes promettent qu’ils seront ciblés et flexibles, mais le risque de bouchons est bien réel.
Comme annoncé, l’Allemagne a repris aujourd’hui les contrôles des passeports à ses frontières. Elle souhaite ainsi être plus efficace dans la lutte contre l’immigration clandestine et la criminalité transfrontalière. L’Allemagne, pourtant relativement progressiste sur le sujet de l’immigration ces dernières années, semble donc faire un pas en arrière. Ce mouvement est encouragé par la période électorale actuelle. Le troisième Land, le Brandebourg, se rendra aux urnes cette semaine, et les élections fédérales allemandes sont prévues pour l’année prochaine. Par ailleurs, l’opinion publique est particulièrement remontée après une série d’attaques au couteau perpétrées par des migrants. Ce sujet sensible aurait contribué à la forte progression des partis d’extrême droite.
Des contrôles à toutes les frontières
Concrètement, pour les six prochains mois, la circulation des personnes et des marchandises vers le pays sera soumise à des contrôles alors que ce n’est habituellement pas le cas entre les pays de l’espace Schengen.
Les contrôles de passeports aléatoires étaient déjà en place aux frontières autrichiennes (depuis neuf ans), polonaises, suisses et tchèques (depuis l’année dernière). Depuis ce lundi, ils sont étendus pour six mois aux frontières ouest et nord de l’Allemagne, soit aux frontières françaises, danoises, luxembourgeoises, néerlandaises et belges.
La police fédérale belge confirme la possibilité de contrôles frontaliers, mais n’est pas en mesure de préciser où et quand ils auront lieu. Comme elle le rappelle, ce ne sont pas ses agents qui contrôlent, mais ceux de la police allemande.
La frontière entre la Belgique et l’Allemagne s’étend sur environ 160 kilomètres. Les principaux points de passage sont Eynatten, le long de l’autoroute A3 Liège-Aix-la-Chapelle, et Steinebruck, le long de l’autoroute E42 en direction de Mayence. Des contrôles auraient déjà lieu sur l’A30, l’A280 et la B402. Les voyageurs sont donc invités à se munir de leurs documents d’identité lors du passage de la frontière.
Des contrôles efficaces ?
Selon les autorités allemandes, la police allemande aurait refoulé 30 000 personnes à la frontière autrichienne depuis octobre 2023. Un chiffre qui doit être considéré avec une bonne dose de scepticisme. Tous n’ont pas été refoulés pour des motifs d’immigration illégale ou criminelle. En réalité, des études montrent que ce genre de dispositifs permet surtout d’intercepter des “petits poissons”. Les passeurs, eux, savent où se trouvent les contrôles et trouvent des itinéraires alternatifs.
Un réel impact économique
Ces contrôles risquent cependant d’avoir un réel impact économique. Dans l’espace Schengen, où la liberté de circulation prévaut, de tels dispositifs pourraient entraîner de longues files d’attente à la frontière, notamment pour les travailleurs transfrontaliers, les entreprises de transport et le fret. Les entreprises de transport belges sont ainsi particulièrement préoccupées.
Ces contrôles impliquent également un coût humain et matériel important pour l’Allemagne. Actuellement, ce sont des policiers fédéraux qui en sont chargés, mais ils sont eux-mêmes en sous-effectif.
Légalité des contrôles
Enfin, ces contrôles pourraient ne pas être conformes à la législation européenne.
Depuis 1995, les pays signataires de l’accord de Schengen ont supprimé les frontières intérieures, facilitant la libre circulation. Actuellement, l’espace Schengen comprend 29 pays, dont 25 membres de l’Union européenne (Allemagne, France, Espagne, etc.) et des pays associés comme la Norvège, la Suisse, l’Islande et le Liechtenstein. La Bulgarie et la Roumanie ont levé les contrôles aériens et maritimes, mais pas terrestres.
Si la réintroduction temporaire (30 jours, renouvelable) de contrôles est possible, elle se fait selon des règles strictes. En tant qu’État membre, le pays doit justifier l’existence d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité. Les contrôles frontaliers ont été introduits par l’Allemagne au motif de “dernier recours” contre le terrorisme. L’UE pourrait estimer ce motif fallacieux et engager des poursuites judiciaires contre l’Allemagne via la Cour de justice des Communautés européennes. Mais cela ne s’est jamais produit auparavant. Et c’est d’autant moins probable avec une commission qui penche encore un peu plus à droite depuis les dernières élections. Si l’UE décidait tout de même d’entamer des poursuites judiciaires, elle devrait l’annoncer dans les deux prochains mois. Même si l’UE ne fait rien, cela peut poser des problèmes sur le principe et provoquer quelques tensions au sein de l’UE. Ainsi la Pologne, la Grèce et l’Autriche ont déjà critiqué cette réinstauration des contrôles.
Enfin, d’ici 2026, le nouveau pacte européen des migrations entrera en vigueur. Des centres de filtrage aux frontières extérieures et un mécanisme de solidarité devraient contribuer à freiner l’immigration et à disperser les demandeurs d’asile à travers l’Europe. Or le fait que son principe soit bafoué avant même d’être mis en place n’augure rien de bon. Cela ravive aussi la crainte de la fin de l’espace Schengen.
La crainte d’une fin de l’espace Schengen
L’Allemagne n’est pas le seul État membre de l’espace Schengen a avoir récemment réintroduit des contrôles temporaires à leurs frontières en raison de diverses menaces sécuritaires. Depuis 2006, les pays ont adopté une telle mesure plus de 440 fois, surtout après 2015. En ce moment 7autres pays ont aussi introduit de telles mesures:
France : Contrôles aux frontières intérieures en réponse à l’augmentation des franchissements clandestins, en vigueur jusqu’à octobre. Autriche : Les contrôles sont réintroduits à la frontière avec la République tchèque, la Slovénie et la Hongrie jusqu’en novembre, pour réduire l’immigration clandestine et contrer des menaces terroristes.
Danemark : Renforcement des contrôles aux frontières terrestres avec l’Allemagne et dans les ports en raison de la menace terroriste accrue, jusqu’en novembre.
Italie : Sécurité renforcée aux frontières jusqu’en décembre, en lien avec les risques terroristes du Moyen-Orient.
Norvège : Restrictions d’entrée dans les ports Schengen en raison de menaces sur les infrastructures critiques et les opérations russes, en place jusqu’en novembre 2024.
Slovénie : Contrôles avec la Croatie et la Hongrie pour gérer les grands événements sportifs et l’instabilité géopolitique, maintenus jusqu’en décembre.
Suède : Contrôles aux frontières renforcés à cause de tensions liées au conflit israélo-palestinien, mesures jusqu’à novembre.
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