Conflit au Moyen-Orient: et maintenant…?

Ceux qui resteront à Gaza passeront une grande partie de l’année entassés dans des tentes et des abris de fortune. (GAZA - Tags: CIVIL UNREST POLITICS SOCIETY TPX IMAGES OF THE DAY) © REUTERS

Les perspectives pour le Moyen-Orient dépendent de trois vieillards acariâtres. Ali Khamenei, Benyamin Netanyahou et Donald Trump détermineront la poursuite du conflit.

Lorsque la guerre de Gaza a commencé à la fin de l’année 2023, même certains généraux israéliens pensaient que ce conflit se terminerait en deux ou trois mois. Peu d’observateurs pensaient qu’elle durerait plus d’un an. Ils étaient encore moins nombreux au Moyen-Orient à prévoir la décapitation rapide du Hezbollah, la milice chiite basée au Liban, ou le va-et-vient des bombardements entre l’Iran et Israël.

En 2024, les hypothèses qui semblaient régir la région depuis des décennies se sont effondrées en l’espace de quelques mois. Même le scénario le plus optimiste est sombre : le conflit régional s’arrête, mais les destructions et les déplacements qu’il a provoqués resteront un problème pendant de nombreuses années. Les combats ne s’arrêteront peut-être pas. Au contraire, ils pourraient s’étendre et faire voler en éclats la fragile détente qui règne dans le Golfe.

La direction que prendra la région dépendra en grande partie de trois vieillards acariâtres : Ali Khamenei, Benyamin Netanyahou et Donald Trump. Les deux premiers ont été cohérents. Ali Khamenei, le guide suprême de l’Iran, est nerveux à l’idée d’un conflit direct avec Israël, mais il est également prêt à s’y risquer pour la première fois dans l’histoire de son pays. Le tir de barrage de missiles balistiques qu’il a approuvé en octobre ne sera probablement pas le dernier. Quant à Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, il est déterminé à frapper plus durement non seulement les alliés de l’Iran, mais l’Iran lui-même.

Trump, le joker

Le joker, c’est Donald Trump. Les optimistes espèrent qu’il ne voudra pas d’une guerre au début de sa présidence. S’il est poussé vers un cessez-le-feu, il est peu probable que Benyamin Netanyahou défie le président américain. Le Premier ministre israélien ne peut pas l’ignorer comme il l’a fait avec Joe Biden. Selon certaines sources, plus de 10% des 2 millions d’habitants de Gaza ont déjà fui, souvent en payant d’énormes sommes d’argent pour atteindre l’Égypte. Cet exode se poursuivra en 2025. Ceux qui resteront à Gaza passeront une grande partie de l’année entassés dans des tentes et des abris de fortune. La reconstruction sera lente, si elle commence. Benyamin Netanyahou continuera à rejeter les discussions sur les arrangements d’après-guerre à Gaza.

Donald Trump est peut-être plus attentif au Liban, ne serait-ce parce qu’il a un gendre libanais. Mais là aussi, même si la guerre prend fin, une grande partie du million de personnes déplacées (un cinquième de la population) n’a pas de maison où retourner. Leur déplacement prolongé aggravera les tensions sectaires dans un pays qui s’inquiète toujours d’une reprise de la guerre civile, et tout cela en supposant que le conflit prenne fin.

Ceux qui espèrent que Donald Trump améliorera la vie des Palestiniens de Gaza risquent d’être déçus. L’histoire suggère qu’il ne fera pas pression sur le Premier ministre israélien. Trump s’est peu préoccupé du sort des Palestiniens au cours de son premier mandat. Le gouvernement israélien de droite poursuivra probablement son annexion de facto de la Cisjordanie occupée.

Au Liban, l’armée israélienne souhaite mettre fin aux combats, mais cela nécessitera un accord diplomatique compliqué dans lequel le Hezbollah accepterait de se retirer de la frontière. En l’absence d’un tel accord, le risque de dérapage subsistera. Au lieu de partir, les troupes israéliennes pourraient s’enfoncer plus profondément dans le Liban.

Éviter la confrontation

La grande question est de savoir si les combats vont s’étendre davantage.

En Iran, la question de la fabrication d’une arme nucléaire fait déjà l’objet d’un débat animé. Si le pays ne peut plus dissuader Israël par des moyens conventionnels, il a peut-être besoin de la bombe. Benyamin Netanyahou souhaiterait l’aide des États-Unis pour frapper les installations nucléaires iraniennes. Donald Trump sera tiraillé entre une aile faucon de son parti, qui soutient une telle mesure, et une aile isolationniste qui veut éviter d’être trop impliquée dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

De tous les dirigeants régionaux, Netanyahou est celui qui entretient les relations les plus étroites avec la nouvelle administration Trump, et Mohammed ben Salmane, le prince héritier saoudien, le suit probablement de près. MBS, comme on le surnomme, exhortera Donald Trump à mettre un frein à la guerre régionale et à éviter un conflit avec l’Iran.

Bien que l’Iran reste un rival acharné de l’Arabie saoudite, le royaume a repensé son hostilité à l’égard de la république islamique. Faisal ben Farhan, le ministre saoudien des Affaires étrangères, affirme que son mandat consiste à “protéger Vision 2030”, le plan ambitieux de son pays visant à réorganiser et à moderniser son économie basée sur le pétrole. Les responsables d’autres pays du Golfe partagent ce point de vue. Au début du premier mandat de Donald Trump, ils l’ont poussé à affronter l’Iran ; aujourd’hui, ils le pousseront à éviter la confrontation.

Depuis huit ans, la normalisation israélo-arabe est au centre de la politique américaine au Moyen-Orient. MBS continuera à discuter avec l’Amérique d’un tel accord, mais il est peu probable qu’il l’accepte. Il est possible qu’il préfère maintenant attendre que d’autres dans le voisinage fassent un geste. Les autres États arabes ne seront guère plus que des spectateurs.

En fin de compte, l’Amérique, l’Iran et Israël détermineront la suite des événements au Moyen-Orient. Les États arabes observeront la situation avec nervosité.

Problèmes économiques à venir

Les problèmes économiques continueront de s’envenimer dans la région. L’Égypte, par exemple, a réussi à éviter une crise de la balance des paiements en 2024 uniquement en obtenant un énorme investissement des Émirats arabes unis, mais sa monnaie, déjà dévaluée quatre fois depuis 2022, va probablement sombrer à nouveau.

Et la réduction considérable du trafic maritime passant par le canal de Suez, qui constituait autrefois une précieuse source de revenus pour l’Égypte, n’a rien arrangé.

Et l’économie tunisienne stagnera encore davantage maintenant que Kaïs Saïed, son président fantasque, a obtenu un second mandat.

En fin de compte, l’Amérique, l’Iran et Israël détermineront la suite des événements au Moyen-Orient. Les États arabes observeront la situation avec nervosité.

Par Gregg Carlstrom, correspondant au Moyen-Orient de “The Economist”

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