Comment l’Europe tente d’amadouer Donald Trump
Les dirigeants européens se mobilisent pour empêcher Trump de déclencher une guerre commerciale avec l’Europe.
.Depuis le 1er décembre, Antonio Costa, a pris la tête du conseil européen. L’institution où les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE fixent les grandes orientations stratégiques de l’Union. Lors de sa nomination, le successeur de Charles Michel avait promis de redéfinir la fonction et le mode de fonctionnement. Il est vrai que les méthodes de Charles Michel n’avaient pas convaincu grand monde. Au cœur des critiques : des sommets insuffisamment préparés et un certain chipotage autour des conclusions. De quoi faire perdre un temps précieux, un temps perdu qui empiétait sérieusement sur les débats de fond.
La méthode Costa
Plus de ça lors du sommet du 19 décembre. Avec pour thème « l’Europe dans le monde », la patte de la présidence d’Antonio Costa était déjà perceptible. Il a commencé à l’heure et les réunions ont été ramenées sur une journée. Les conclusions ont aussi été cette fois préparées à l’avance, de quoi laisser plus de temps pour discuter des grandes questions stratégiques. Et ce n’est pas du luxe puisqu’elles ne manquent pas. Par exemple comment éviter que Donald Trump ne se lance dans une guerre commerciale avec l’Europe. Ou encore que faire si ce même Trump ne pousse l’Ukraine à céder rapidement face à Poutine ?
L’argument chinois
Pour convaincre Trump sur le volet commercial, l’UE table beaucoup sur la Chine. Ou plutôt elle souhaite s’en servir comme d’un épouvantail. Car si une guerre commerciale éclate entre les États-Unis et l’UE, ce sera la Chine qui en sortira gagnante. Et c’est pourquoi une des pistes est de s’aligner sur la politique américaine face aux Chinois. Par exemple en limitant les exportations de technologies sensibles.
Un autre point ce sont les menaces de Trump d’imposer des taxes douanières si l’Europe ne réduit pas son “énorme” déficit commercial avec Washington en lui achetant du pétrole et du gaz. Pour rappel les importations de biens en provenance de l’UE s’élevaient à 553,3 milliards de dollars (533,17 milliards d’euros) en 2022, tandis que les exportations des États-Unis vers les Vingt-Sept représentaient 350,8 milliards de dollars (338,04 milliards d’euros), selon les chiffres américains, soit un déficit commercial de 202,5 milliards de dollars (195,13 milliards d’euros) entre les États-Unis et l’Europe.
Pour éviter toute escalade, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, suggérait, fin novembre, que l’Europe table une « stratégie du carnet de chèques ». Pour réduire le déséquilibre commercial, l’UE pourrait effectivement augmenter ses importations d’armements américains ou de gaz naturel liquéfié (GNL). Soit de négocier plutôt que d’imposer des représailles. Une idée déjà également évoquée par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
La délicate question de l’Ukraine
Autre fait notable du sommet. Il a été mis dans la conclusion du sommet que « la Russie ne doit pas gagner » et non pas « L’Ukraine doit triompher ». Une nuance subtile qui est là aussi un message vers Trump. Un appel à peine voilé pour qu’il ne laisse pas tomber l’Ukraine. Histoire aussi de lui rappeler que ce n’est pas dans l’intérêt des États-Unis que la Russie sorte renforcé de cette guerre puisque cela renforcerait aussi indirectement l’Iran et la Chine.
Une main tendue d’ailleurs plus qu’encouragée par Zelensky. Car lui, plus que tout autre n’ignore pas qu’il sera difficile pour l’Europe de soutenir l’Ukraine sans l’aide américaine. « Nous avons besoin d’unité entre l’UE et les États-Unis pour parvenir à la paix. Ensemble, ils peuvent stopper Poutine et sauver l’Ukraine.» a-t-il encore déclaré cette semaine. Zelensky sait aussi que les garanties européennes seules ne suffiront pas à un éventuel cessez-le-feu. D’autant plus que les dirigeants européens ne se mouillent pas trop sur le sujet. Beaucoup avancent qu’il est encore trop tôt. Et malgré les promesses de rendre l’Ukraine plus forte avant toutes négociations, force est de constater que dans les faits le matériel ne suit pas.
Prochain sommet le 3 février en Belgique
Quoi qu’il en soit il s’agit là d’autant de sujets qui devront encore décanter jusqu’au sommet informel de la défense qui aura lieu le 3 février en Belgique, soit deux semaines après l’investiture de Trump. Le temps de mieux saisir dans quel sens le vent tourne exactement. Car personne ne sait qu’elle est la part exacte de fanfaronnade dans le discours de Trump.
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