Comment le Mexique se prépare-t-il à une éventuelle crise migratoire après l’investiture de Trump?
Le Mexique multiplie les efforts pour endiguer une éventuelle crise migratoire à sa frontière avec les États-Unis, après les menaces proférées par Donald Trump de procéder à des expulsions massives de migrants mexicains.
Le président élu a appelé deux fois son homologue mexicaine, lui annonçant qu’il imposerait des droits de douane de 25% sur les exportations du Mexique et du Canada s’ils ne mettaient pas fin à l’immigration illégale et au trafic de fentanyl. Au cours de leur second entretien fin novembre, Mme Sheinbaum a démenti que des “caravanes” de migrants seraient en route vers la frontière, comme ce fut le cas en 2018 lors de la crise migratoire sous le premier gouvernement Trump (2017-2021). Depuis novembre dernier, trois groupes de migrants partis du sud du Mexique se sont finalement dispersés.
Depuis que Mme Sheinbaum a pris ses fonctions, le 1er octobre dernier, les autorités interpellent près de 5.400 migrants par jour, contre 3.400 dans la dernière phase du mandat de son prédécesseur Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO), selon les chiffres officiels au 3 décembre.
“Endiguement”
Le Mexique applique une “stratégie d’endiguement et d’épuisement”, a déclaré à l’AFP Stephanie Brewer, la directrice pour le Mexique de l’Organisation mondiale des affaires latino-américaines (OMAL).
L’afflux de migrants annoncé avant l’investiture de Trump le 20 janvier prochain, et faisant craindre une crise migratoire, n’a pas eu lieu. Les refuges de la ville frontalière de Ciudad Juarez sont à moitié vides. Une tendance confirmée par Washington, qui gère les prises de rendez-vous relatifs aux demandes d’asile via une application mobile, CBP One.
Selon le directeur du refuge du “Bon Samaritain”, Juan Fierro, le flux de migrants a ralenti car ils sont arrêtés et renvoyés dans le sud du Mexique, à quelque 3.000 km de là. “Nous ne savons pas ce qui nous attend (…), ils nous disent tellement de choses”, se lamente Barbara Mendoza, une Vénézuélienne de 28 ans qui donne le sein à son fils dans le refuge. “S’ils n’obtiennent pas de rendez-vous (avant le 20 janvier), ils iront se rendre” aux autorités américaines, affirme M. Fierro.
Les chiffres actuels sont loin des niveaux records atteints entre 2021 et 2023, lors d’une crise migratoire au cours de laquelle quelque deux millions de migrants avaient atteint les États-Unis. Ceux-ci ont, principalement, traversé la frontière mexicaine, fuyant pauvreté, violences ou gouvernements autoritaires, majoritairement en provenance du Venezuela et d’Haïti.
Expulsion
Le Mexique a cédé en 2018 à la pression douanière de Donald Trump. Le pays a accepté finalement de recevoir sur son sol les migrants originaires d’autres pays expulsés par les Américains.
Dans le cadre du titre 42, imposé par le président républicain pendant la pandémie et poursuivi par Joe Biden jusqu’en 2023, le Mexique a accueilli sur son sol quelque trois millions de personnes, dont 40% d’étrangers, selon les chiffres officiels. Le Mexique a également conclu avec Joe Biden un accord dans lequel il est demandé aux États-Unis d’expulser directement dans leur pays d’origine les migrants en situation illégale. Mme Sheinbaum espère renouveler cet accord avec M. Trump.
“Notre principale mission est d’accueillir les Mexicains”, a-t-elle déclaré. Néanmoins, Mme Sheinbaum laisse la porte ouverte la possibilité d’accueillir des migrants ne pouvant pas être expulsés directement dans leur pays.
Le cas des migrants originaires du Venezuela pose question car il a cessé en février d’accueillir ses citoyens expulsés des Etats-Unis et désormais réorientés vers le Mexique. Cela montre que les États-Unis usent de la politique migratoire “comme monnaie d’échange”, estime Rodolfo Rubio. Cet expert mexicain des migrations affirme que des expulsions massives seront difficiles à mettre en place. Aussi bien sur le plan logistique que financièrement, précise-t-il.
Défense
Le ministre mexicain des Affaires étrangères, Juan Ramon de la Fuente, s’est rendu aux États-Unis la semaine dernière. Son objectif était d’affiner avec les consuls la stratégie de défense de ses concitoyens. On évalue à six millions le nombre des Mexicains vivant sans papiers sur le sol américain.