Vendredi dernier, Israël a lancé une offensive de grande envergure en Iran, frappant notamment des installations nucléaires et des quartiers résidentiels. Après un sixième jour de frappes, les signaux indiquant une entrée en guerre imminente des Etats-Unis aux côtés de l’Etat hébreu se multiplient. Quels sont les scénarios possibles?
Donald Trump a promis de mettre fin aux guerres au Moyen-Orient. Au lieu de cela, il est confronté à une nouvelle guerre. Bien que le conflit entre Israël et l’Iran soit facile à résoudre, selon le président américain. “Nous pouvons facilement conclure un accord”, a-t-il écrit sur les médias sociaux le 15 juin. Quelques heures plus tard, il a laissé entendre que la paix entre les deux pays, qui sont des ennemis acharnés depuis 1979, consistait simplement à les laisser commercer davantage.
Son optimisme est facile à rejeter et semble déplacé dans un conflit qui a déjà donné lieu à des frappes aériennes sur Téhéran et à des tirs de roquettes sur Tel-Aviv. Pourtant, c’est Trump qui déterminera en grande partie quand et comment cette guerre se terminera.
1. Trump appelle à une solution diplomatique
Trump pourrait appeler à une solution diplomatique. Avant le début de la guerre, l’Amérique a tenté de négocier un nouvel accord nucléaire avec l’Iran, en remplacement de celui que Trump a quitté en 2018. Un sixième cycle de négociations était prévu ce week-end, qui a sans surprise été annulé. Pourtant, Trump continue de faire pression pour que des négociations aient lieu. Le projet nucléaire iranien est l’objectif apparent de l’effort de guerre d’Israël. Un accord visant à freiner ce projet serait un élément essentiel d’un cessez-le-feu. Mais Trump devra faire face à toutes sortes d’obstacles.
Tout d’abord, aucune des deux parties n’est prête à conclure un tel accord. Israël se prépare à cette guerre depuis des années et ne veut pas s’arrêter après quelques jours sans avoir atteint ses objectifs. Et bien que l’Iran se dise prêt à un cessez-le-feu mutuel, il n’est pas encore prêt à faire des concessions majeures sur son programme nucléaire. L’Amérique veut que l’Iran réduise son enrichissement d’uranium et démantèle un grand nombre de ses centrales nucléaires, ce à quoi l’Iran s’oppose depuis des décennies.
Israël se prépare à cette guerre depuis des années. Il ne veut pas s’arrêter après quelques jours sans avoir atteint ses objectifs.
Peut-être l’Iran voudra-t-il faire davantage de concessions à mesure que les dégâts s’aggraveront. Le régime veut survivre. Mais il ne fait pas confiance à l’Amérique, et encore moins à Trump : le président a rompu l’accord nucléaire en 2018, a fait tuer le commandant en chef de l’Iran en 2020 et permet maintenant à Israël de déclencher une guerre.
Le ministre allemand des affaires étrangères, ainsi que le Royaume-Uni et la France, ont proposé de négocier avec les Iraniens. Mais l’Amérique doit continuer à jouer un rôle central dans les pourparlers. Personne d’autre ne peut garantir à Israël et à l’Iran qu’un accord tiendra. Si l’Amérique est sérieuse, elle devra mieux négocier cette fois-ci. Steve Witkoff, l’envoyé de Trump au Moyen-Orient, n’a réussi à mener que cinq discussions avec l’Iran en deux mois – il a également dû superviser les guerres à Gaza et en Ukraine. De plus, il a refusé l’aide des alliés des États-Unis – un diplomate européen a déclaré qu’il avait obtenu des informations plus détaillées sur les pourparlers de la part de l’Iran que de la part de l’Amérique.
2. L’Amérique se bat aux côtés de Netanyahou
Si Trump ne veut pas négocier, il pourrait rejoindre la guerre. Les images satellite suggèrent qu’Israël a détruit l’usine nucléaire de Natanz, une installation en surface où l’Iran a enrichi de l’uranium à 60 %, juste en dessous du niveau nécessaire à la production d’armes.
Toutefois, l’usine d’enrichissement de Fordow n’a pas encore été touchée. Cette usine est enterrée dans une montagne et est trop profonde pour les munitions israéliennes. Israël pourrait endommager les entrées et les puits de ventilation, enterrant temporairement l’installation. Il demanderait plutôt l’aide de l’Amérique, qui possède des bombes spécialisées capables de pénétrer profondément sous terre. Israël a demandé à Trump de l’aider à attaquer Fordow, mais le président américain n’a pas encore donné son accord.
Renverser le régime
Dans le scénario le plus optimiste, ces attaques mettraient l’installation hors service ET dissuaderaient l’Iran au point de l’amener à envisager un accord. Mais la réalité pourrait être plus chaotique. L’Iran pourrait craindre que les attaques ne soient que le début d’une campagne plus large visant à renverser le régime. Cela pourrait l’inciter à prendre des mesures de rétorsion contre les États-Unis ou leurs alliés dans la région. Jusqu’à présent, l’Iran a évité de le faire, craignant que l’Amérique ne se lance dans la guerre. Mais si l’Amérique est déjà impliquée, l’Iran pourrait estimer qu’il n’a plus rien à perdre.
Certains partisans de Trump à Washington, et certains analystes en Israël, soupçonnent Netanyahou d’avoir un tel scénario à l’esprit. Après tout, lorsque la guerre a commencé, Israël a déclaré qu’il n’avait besoin que de la permission de l’Amérique. Maintenant, il veut que l’Amérique participe à une campagne militaire limitée, qui pourrait facilement échapper à tout contrôle.
M. Netanyahou semble de plus en plus déterminé à renverser le régime iranien.
M. Netanyahou semble de plus en plus déterminé à renverser le régime iranien. Dans un message adressé au peuple iranien le 13 juin, il l’a appelé à s’opposer à ses dirigeants. Deux jours plus tard, lors d’une interview accordée à Fox News, on lui a demandé s’il était en faveur d’un changement de régime. “Cela pourrait certainement être le résultat, car le régime iranien est très faible”, a-t-il répondu. Plusieurs conseillers de Donald Trump l’ont exhorté à ne pas approuver les attaques américaines, craignant que cela ne débouche sur une guerre sans fin.
3. Les États-Unis laissent le conflit s’éterniser
Cela nous amène à la troisième décision possible de M. Trump. Les dirigeants israéliens aiment à dire que leur pays se défend lui-même. Mais Israël compte sur les Etats-Unis, pour le renseignement, pour se protéger des missiles balistiques iraniens et pour approvisionner son armée. Si Trump reste distant, et s’il refuse une diplomatie sérieuse – ou si ses efforts sont vains et infructueux, ce qui serait typique de sa politique – il doit décider dans quelle mesure il continuera à soutenir Israël.
Il pourrait exhorter Israël à mettre fin à la guerre de toute façon. Il pourrait aussi laisser le conflit se poursuivre, comme il le fait à Gaza depuis le mois de mars, lorsqu’Israël a mis fin au cessez-le-feu. Israël pourrait vraisemblablement continuer à attaquer l’Iran pendant des semaines, surtout si l’Iran n’a plus de missiles balistiques. Se déclarerait-il alors enfin vainqueur ? Ou continuerait-il à bombarder l’Iran dans l’espoir de déstabiliser le régime ? Et si l’Iran ne pouvait plus riposter, Israël étendrait-il la guerre aux pays voisins ?
“Plus la guerre se prolonge, plus elle devient imprévisible. Israël ne s’arrêtera pas tant qu’il n’aura pas impliqué les États-Unis ou que le régime iranien ne sera pas tombé”, déclare un diplomate occidental. Dans les deux cas, il s’agit d’un gros pari. La seule issue plausible pourrait être un accord. Mais pour cela, Trump doit faire preuve d’habileté diplomatique et Israël et l’Iran doivent être flexibles – des qualités pour lesquelles ils ne sont pas connus.
Ce lundi, Trump a interrompu sa participation au sommet du G7 au Canada pour revenir à Washington afin de gérer la crise et émettre un appel d’évacuation à la population de Téhéran.
The Economist
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