La présidente de la Commission persiste et signe. Si Ursula von der Leyen a présenté trois scénarios au Parlement pour soutenir l’Ukraine, c’est bien la confiscation des avoirs russes qui a sa préférence. Le couperet tombera dans 34 jours, lors du prochain sommet européen, le 18 décembre. La pression est maximale sur les épaules de Bart De Wever.
L’équation est brutale : sur les plus de 200 milliards d’euros d’actifs russes gelés au sein de l’Union, près de 195 milliards sont immobilisés à Bruxelles, dans les comptes d’Euroclear.
Depuis plusieurs mois, la Commission européenne pousse à transformer ces avoirs en levier financier au profit de l’Ukraine. D’abord via les intérêts dégagés. Désormais, Ursula von der Leyen défend ouvertement l’option nucléaire : la confiscation pure et simple de 140 milliards.
Devant le Parlement, la présidente de la Commission a posé trois voies possibles pour financer durablement le soutien à l’Ukraine : un emprunt européen garanti par les États membres, une taxation renforcée des superprofits générés par les avoirs russes, et enfin la confiscation pure et simple de ces avoirs. Officiellement, les trois pistes restent sur la table. Officieusement, chacun a compris où penche la présidente de la Commission.
L’exécutif belge se retrouve au centre du jeu. À la fois garant des intérêts financiers de la Belgique et cible des représailles annoncées par Moscou.
Menaces explicites de la Russie
Le chef de la Défense, Frédérik Vansina, a été clair devant la Chambre : la Belgique est désormais exposée à des menaces « accrues ». Les survols de drones « inhabituels », les cyberattaques, les bateaux espions russes trop proches des côtes… La liste s’allonge. « Nous voyons une rhétorique assertive, agressive sur les réseaux », décrit-il.
Et il va plus loin : les services de renseignement estiment que la pression russe est directement liée à la présence des avoirs gelés à Bruxelles, ainsi qu’au projet européen de les utiliser pour soutenir l’Ukraine. Une « intimidation claire », selon le général.
Autrement dit, ce qui se joue autour d’Euroclear dépasse les intérêts économiques de l’entreprise qui emploie environ 4.500 personnes et rapporte chaque année plusieurs milliards à ses actionnaires, dont l’État belge, qui détient 10% des parts via la SFPIM.
Un gouvernement coincé entre deux fronts
Pour Bart De Wever, l’affaire tombe au pire moment. Son gouvernement entend incarner la rigueur budgétaire, martèle qu’il n’existe « aucune alternative », mais doit désormais intégrer un risque que personne n’avait anticipé : être appelé à assumer les conséquences d’une décision européenne.
En filigrane, deux questions sensibles.
1. La Belgique peut-elle réellement s’opposer à la ligne défendue par Ursula von der Leyen ? Techniquement oui. Politiquement, beaucoup moins. Le récit d’un pays bloquant une décision qualifiée de « vitale » pour l’Ukraine serait difficile à défendre.
2. Et si la confiscation était décidée, qui porterait la responsabilité des ripostes russes ? La réponse implicite inquiète les services de sécurité : la Belgique pourrait devenir une « cible privilégiée », sans disposer des capacités de défense équivalentes.
Une vulnérabilité structurelle
Les faiblesses belges sont connues. Le pays a annoncé vouloir investir massivement dans la défense, mais reste en retard. Les capacités de surveillance aérienne, de cybersécurité et de défense anti-drone demeurent limitées. Des infrastructures symboliques – Commission européenne, Palais de justice – ne sont même pas protégées, rappelait récemment un acteur du secteur aéronautique.
Ces dernières semaines, les incursions de drones se sont multipliées. La Belgique les a regardés voler avec une totale impuissance, autour des aéroports et des sites nucléaires. Pour le moment, l’aide vient de France, d’Allemagne, du Royaume-Uni, et désormais des États-Unis, qui ont proposé leur soutien.
En attendant, les menaces russes sont de plus en plus explicites. Le service du renseignement extérieur russe, le SVR, a prévenu la Belgique, mercredi : si elle lâche les avoirs russes gelés, elle devra “rendre des comptes”.
Le spectre d’un « précédent »
C’est le cœur du débat. Car confisquer 140 milliards créerait un précédent juridique majeur, prévient Bart De Wever. L’UE affirme pouvoir s’appuyer sur le droit international et sur la jurisprudence liée aux réparations de guerre. Mais que se passera-t-il si la Russie gagne la guerre ? Le scénario européen se dessine uniquement dans le cas d’une victoire ukrainienne, estime le chef de l’Arizona.
Les juristes belges le soulignent : si l’UE franchit cette ligne, il sera difficile d’en contrôler les effets. 140 milliards, c’est 20% du PIB belge. Bart De Wever a posé ses conditions lors du dernier sommet européen : il ne lâchera pas la manne financière sans garanties des autres États membres sur les risques financiers.
Le sommet des 18 et 19 décembre tranchera. À ce stade, l’incertitude est totale. La Belgique peut-elle résister à la pression, avec pour seuls alliés la Hongrie et la Slovaquie ?