Charles Michel, les dépenses excessives, la rivalité féroce et le péché européen

Charle Michel, président du Conseil européen © ANP
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le président du Conseil européen se défend après des accusations répétées au sujet de son train de vie: “On attaque l’institution”. Oui, mais il y a des raisons, aussi, dont sa lutte avec Ursula Von der Leyen et son manque de reconnaissance.

“En s’attaquant à moi, on s’attaque à l’institution.” Charles Michel, président du Conseil européen, riposte ces mercredi et jeudi, dans plusieurs médias, après les accusations répétées selon lesquelles il ferait des dépenses “somptuaires”, notamment lors de nombreux voyages à l’étranger. Tour à tour, Politico et Le Monde ont chargé durement l’ancien Premier ministre au sujet de son train de vie.

Si une intention malveillante se cache derrière ces critiques à son encontre, on ne peut pas non plus nier qu’elles sont révélatrices de sa gestion personnelle… ainsi que d’un péché originel dans les traités européens. Un manque de clarté dans la répartition des tâches génére, forcément, des luttes d’egos et des rivalités potentiellement féroces.

“Dans l’intérêt de l’Europe”

La première salve médiatique était sortie dans Politico, succursale européenne d’un média européen, voici deux semaines. Le Monde a embrayé dans son édition du dimanche 9 avril avec un titre et un texte cinglants: “Les dépenses somptuaires de Charles Michel”. Le quotidien évoquait l’utilisation excessive des jets privés, le très rare recours au train (même pour aller à Paris), des dépenses importantes (460 000 euros pour aller en Chine, certes en raison de la politique Covid, 37 500 euros pour Berlin, entre 12 250 et 35 000 euros de façon répétée pour Strasbourg etc).

Avec ces mots tranchés d’un diplomate, notamment: “Charles Michel est attaché au statut, aux avions privés et aux grosses voitures.” “Balivernes”, réfute le président du Conseil. Qui rappelle: des règles de contrôle très strictes sont d’application, les dépenses de la Commission europénne et de sa présidente, Ursule Von der Leyen, sont équivalentes et, enfin, le contexte international imposait une telle présence.

“Cela coûte plus cher qu’avant parce que la situation l’exige, mais il n’y a pas de dépenses somptuaires insiste Charles Michel. Il y a simplement la nécessité d’honorer une action internationale dans l’intérêt de l’Europe.” La guerre en Ukraine a tout bousculé sur son passage. Selon lui, ces accusations malveillantes viendraient de ceux qui ne voient pas d’un bon oeil l’Union européenne s’émanciper sur la scène mondiale. Voire, laisse-t-il entendre à demi-mots, d’une Commission européenne dont on n’épingle curieusement pas le train de vie.

Circulez, il n’y a rien à voir? Si Charles Michel affirme qu’il ne se laissera pas déstabiliser, certains Etats ont laissé entendre qu’ils demanderient des comptes. Et sa défense tous azimuts prouve qu’il y a – un peu – le feu dans la demeure.

Péché original

Dans son plaidoyer, Charles Michel évoque à de nombreuses reprises les traités pour justifier son action. C’est le premier point au sujet duquel le bât blesse.

Selon les textes, le président du Conseil et la présidente de la Commission se partagent la représentation intenationale de l’Union: au premier les affaires étrangères et la sécurité, à la seconde tout le reste. A leurs côtés, on a créé également un poste de Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, occupé par l’espagnol Josep Borrell. Les trois personnalités se marchent parfois sur les pieds.

L’Union européenne construit sa visibilité internationale dans une certaine confusion, d’autant que les démarches nationales restent parfois dominantes; le français Emmanuel Macron a bien été à Pékin avec Ursula Von der Leyen (pas avec Charles Michel), mais l’allemand Olaf Scholz y avait été en solo avant lui.

Les innombrables manifestations de solidarité à l’égard de l’Ukraine ont été révélatrices: c’est à qui était le plus proche du président Zelenski. Le Monde évoque cet épisode où Ursula Von der Leyen avait annoncé la rencontre au Sommet avec la Commission européene, Charlkes Michel s’empressant de faire le voyage auparavant pour le préparer (et couper l’herbe sous le pied médiatique).

Rivalité féroce

Derrière ce manque de clarté des textes, une rivalité féroce s’est construite, au fil du temps, entre Charles Michel et Ursula Von der Leyen. Ils ont désormais du mal à le cacher.

La première expression en avait été le “Sofagate”, en avril 2021 à Istanbul: alors que Michel et Von der Leyen étaient reçus par le président Erdogan, seules deux chaises protocolaires avaient été prévues et le président du Conseil s’était empressé de s’y installer, laissant le canapé à la présidente de la Commission. Un manque de galanterie exprimant, surtout, un bras de fer sur la primauté politique.

Une autre explication “psychologique” explique sans doute cette situation: Charles Michel, peu considéré en Belgique en raison de sa cohabitation avec la N-VA durant la Suédoise, a obtenu une fonction internationale prestigieuse qu’il cherche à habiter au mieux. Pour le bien de l’Europe, par une conviction profonde qu’il faut la faire grandir, mais aussi parce que cela correspond à un plan de carrière et à l’appétit de reconnaissance d’un homme qui a toujours été un élève parfait, mais aussi, trop longtemps, le “fils de” Louis Michel, ancien ministre des Affaires étrangères et président du MR.

Ce besoin de reconnaissance passe peut-être, aussi, par les expressions du pouvoir: un jet privé qui le dépos au pied d’un tapis rouge.

Même dans sa défense, ces dernières heures, Charles Michel a caché ses blessures pour illustrer l’importance de sa fonction. “Je suis absolument concentré sur mon mandat, insiste-t-il. Les temps sont graves, les temps sont sérieux, et il n’y a pas d’espace pour la distraction.”

Au fond de lui, une petit part de fragilité doit toutefois perler et une question rester en suspens: quand donc reconnaîtra-t-on son apport politique réel?

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