Charles Michel, Elisabeth Borne et la vacuité du pouvoir
Le président du Conseil choque en mettant sa carrière personnelle en priorité. La Première ministre française contrainte de démissionner alors qu’elle n’a pas démérité. Ces jeux de chaises musicales laissent perplexes à l’heure où la politique est critiquée.
Charles Michel, président du Conseil européen, sera donc tête de liste du MR aux élections présidentielles. Ce faisant, il sera contraint de terminer son mandat avant terme, une décision qui en choque plus d’un au niveau européen. Sur le mode: Charles Michel met son avenir personnel en priorité, avant celui de l’Europe.
Ce fait accompli met une sacrée pression sur les négociations pour les “top jobs” européens : présidence de la Commission, du Conseil et du Parlement européen. Il s’agira d’atterrir avant la prestation de serment des députés européens, mi-juillet, ce qui ne sera pas chose aisée au vu des rapports de force susceptibles de sortir des urnes. Et d’ici là, il ne sera pas forcément évident pour un président du conseil en campagne électorale de préserver les équilibres européens, ne fut-ce qu’en raison de la perception d’une neutralité rompue.
Bref, Charles Michel pose un choix loin d’être anecdotique, au nom du “moi, je”…
Parlement européen ou… Seize
Dans l’entourage de Charles Michel, on confie à L’Echo ce mardi matin les horizons possibles pour lui. En première instance, il rêverait de la présidence du Parlement européen, un autre “top job” donc. Le raisonnement est le suivant: les démocrates chrétiens voudront sans doute conserver la présidence de la Commission, les socialistes rêvent du Conseil, aux libéraux de Renew donc le Parlement… même si, en l’état, ils risquent de subir une défaite aux élections et de n’être que la quatrième famille politique derrière les extrêmes.
Si cela est impossible, Charles Michel resterait… en réserve de la monarchie, au cas où les négociations pour la formation d’un gouvernement belge piétineraient. Il n’excluerait même pas… de redevenir Premier ministre, car, précise le quotidien, il est en mesure de parler à tout le monde. Outre le fait que Charles Michel n’a pas forcément laissé un bon souvenir à tous en raison de la Suédoise qu’il a dirigée avec la N-VA (n’est-ce pas monsieur Magnette?), cette perspective doit également laisser perplexe en interne, de Sophie Wilmès (cheffe de file fédérale) à Georges-Louis Bouchez (mais qui doit être dans la confidence), pour ne pas parler de Didier Reynders, qui aura avalé bien des couleuvres toute sa carrière durant en raison des Michel.
Cela étant, ces spéculations glissées “off” illustrent bien que… la carrière personnelle de Charles Michel importe davantage que les projets.
Elisabeth Borne sacrifiée
Ceci n’a, à proprement parler, rien à voir avec cela, mais la destinée de la Première ministre française, Elisabeth Borne témoigne bien de la vacuité du pouvoir à l’heure où la pression populaire est forte et où les calculs des dirigeants sont permanents. Car le président français, Emmanuel Macron, a bel et bien décidé de la sacrifier pour services rendus, afin de donner un signal suceptible de relancer son quinquennat, menancé d’immobilisme et susceptible de servir de tremplin à l’extrême droite pour 2027.
Ce n’est pas nouveau d’utiliser des fusibles en politique, singulièrement en France où c’est globalement le destin de ceux qui occupent Matignon. L’objectif doit être de ne pas en sortir trop abîmé pour rêver plus grand, un jour, comme c’est le cas aujourd’hui d’Edouard Philippe. Mais madame Borne est écartée alors que de nombreux responsables politiques et ministres saluent sa conduite irréprochable des affaires. Visiblement, ce n’est plus un argument suffisant à l’heure de la volatilité et de la montée des extrêmes.
Ceci n’a rien à voir avec cela, c’est vrai, mais Charles Michel avait été propulsé à l’avant-scène européenne grâce au soutien inconditionnel – ou intéressé – d’Emmanuel Macron et de la chancelière allemande Angela Merkel. Il a perdu ces relais et a irrité des soutiens avec ses dépenses financières ou sa rivalité avec Ursula von der Leyen, présidente de la Commission.
En faisant un pas vers le Parlement européen, Charles Michel évite d’être un fusible dont on ne veut plus, il préserve son avenir. Ces jeux de chaises musicales laissent toutefois perplexe quant à la finalité de la politique en cette ère où elle est fortement remise en cause.
La politique ne serait donc là que pour servir les carrières et envoyer des signaux aux électeurs?
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