Bras de fer RTBF – MR, après le discours en différé de Trump: le grand écart entre deux outrances
La RTBF a jugé bon de présenter en décalé le discours d’investiture du nouveau président américain, s’appuyant sur le cordon sanitaire médiatique. Le MR demande des comptes et Bouchez mène une croisade. Cela en dit long sur la polarisation de notre époque et sur le manque de foi en l’intelligence humaine. Mais faut-il encore s’y fier?
Ce n’est pas pour commencer par une anecdote personnelle, mais tout de même, elle est significative. Au moment où le nouveau président américain, Donald Trump, se préparait à exprimer son discours d’investiture, la directrice adjointe de l’information de la RTBF apparaît sur le plateau pour annoncer que celui-ci sera retransmis en léger différé pour permettre d’éviter les dérapages racistes éventuels, en vertu du cordon sanitaire médiatique.
Réaction naturelle, j’abandonne la RTBF pour chercher un autre canal afin d’assister à la prise de parole. J’atterris sur le site du Monde qui envoie en direct la vidéo de l’AP (Associated Press, agence de presse). Le Monde n’est tout de même pas un média populiste de droite, si? Mais cela aurait pu être sur des milliers de médias de par le monde.
Journalistiquement, la RTBF a adopté un drôle de réflexe, difficilement compréhensible. Comment priver des dizaines de milliers de téléspectateurs d’un tel moment en direct? Pourquoi prétendre vouloir donner le ton par rapport à l’investiture d’un président américain de la part d’une télé “régionale”? Le cordon saitaire médiatique vaut pour le paysage politique belge, mais est-il de nature à peser sur les choix du monde? Cela n’empêche évidemment pas les analyses critiques…
Franchement, cela raurait pu en rester là, avec un comportement de téléspectateur qui “vote avec ses pieds”, comme on dit.
“Les gens sont trop bêtes?”
Cela aurait pu en rester là, mais le sujet s’est envenimé. Pascal Praud, la voix de Bolloré en France, a repris la séquence, en attaquant la RTBF de façon assez virulente en se demandant: “On est chez les fous?”. L’attitude des médias à l’égard de l’extrême droite n’est pas la même qu’en Belgique francophone et ceci explique peut-être cette réaction, mais le résultat fut des voix s’élevant pour dénoncer les dégâts faits par l’attitude de la RTBF à l’étranger. Georges-Louis Bouchez (MR) qualifie la RTBF de “Ministère de la censure et de la propagande” et rajoute une couche en s’exprimant sur C-News.
“La RTBF a dit avoir créé un décalage pour permettre aux gens de mettre en perspective les propos de Donald Trump, donc, sous-entendu que les téléspectateurs sont trop bêtes pour avoir un libre jugement, appuie Bouchez. Il y a un vrai problème à la RTBF. Qui sont ces experts qui déterminent le bien et le mal ? On peut ne pas partager le projet de nouveau président des États Unis mais rien ne peut justifier qu’un président élu démocratiquement reçoive ce traitement de la part de petits chefs de la pensée.”
Politiquement, en Belgique, cela est devenu un sujet. Le MR s’est indigné, le parti a envoyé sa ministre des Médias, Jacqueline Galant, “demander des comptes” à la chaîne. En retour, la Société des journalistes de la RTB vient de publier un communiqué rappelant les règles du cordon sanitaire médiatique adoptées par tous les partis démocratiques francophones. “Il ne s’agit pas de censure”, justifient les confrères du service public.
Un bras de fer révélateur
Retour de manivelle, à nouveau, de GLB: “Les journalistes de la RTBF font donc clairement de la politique, comme a pu en témoigner, à de nombreuses reprises, le ton des interviews. Ces déclarations permettent de faire tomber les masques. Mais peuvent ils faire de la politique en tant que média financé très généreusement par de l’argent public? Il est temps que chacun reste à sa place.”
Voilà un bras de fer singulier et stérile, sur fond d’une législature où la coalition MR – Engagés de la Fédération Wallonie-Bruxelles a promis de s’en prendre au navire du boulevard Reyers. Car il ne faut pas s’y tromper: l’attitude du président libéral entend nourrir son “combat culturel” situé très à droite et rejoint une rhétorique aux relents populistes pour élargir sa “droite populaire” – ou du moins tenter de le faire…
Morale de l’histoire: une mauvaise décision journalistique à la RTBF, ou à tout le moins un choix dogmatique, mène à une nouvelle séquence de polarisation où les avis judicieux concernant la liberté de jugement rejoignent l’appréciation dévoyée, aujourd’hui, de la liberté d’expression.
Et l’on se demande où tout cela va nous mener au-delà des invectives réciproques…
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