BCE : la dernière hausse des taux avant longtemps ?
La BCE a remonté ses taux directeurs de 25 points de base ce jeudi. Le taux de ses opérations principales de refinancement est ainsi passé à 4,5%. Mais la présidente de la BCE, Christine Lagarde semble admettre que cette hausse devrait être la dernière. Décryptage.
On s’en doutait au vu des derniers chiffres d’inflation encore très élevés, la BCE a une nouvelle fois annoncé ce jeudi un resserrement de se politique monétaire. Malgré l’opposition d’une minorité de membres du conseil des gouverneurs, minorité désireuse d’attendre un peu parce que l’économie ralentit déjà, une majorité a voté en faveur d’une nouvelle hausse des taux. La BCE a donc annoncé ce jeudi qu’elle remontait à nouveau ses trois taux directeurs, de 25 points de base chacun. Le taux de ses opérations principales de refinancement est désormais à 4,50%, celui de la facilité de prêt marginal à 4,75%. Pour ces deux taux, auxquels les banques peuvent emprunter de l’argent à la banque centrale, il s’agit du niveau le plus élevé enregistré depuis 2001. Quant au taux de la facilité de dépôt, c’est-à-dire la rémunération que les banques reçoivent sur les liquidités excédentaires qu’elles déposent auprès de la banque centrale, il est à 4,00 %, soit un record historique.
Le contexte de cette décision est celui d’une inflation qui continue d’être bien trop élevée, mais d’une croissance économique qui accuse le coup de la remontée drastique de taux qui sont passé en un peu plus d’un an de 0 à 4,5%. La BCE continue donc de rehausser ses taux pour refroidir la machine économique. Pourquoi ? Christine Lagarde l’a rappelé lors de la conférence de presse de ce jeudi : « nous regardons trois éléments : l’inflation, l’inflation sous-jacente et la force de transmission de la politique monétaire ». Regardons donc ces trois volets.
L’inflation n’est pas domptée
Côté inflation, elle est encore trop élevée. Alors que l’ objectif de la BCE est, rappelons-le, de maintenir la hausse des prix aux alentours de 2%. Or, les projections macroéconomiques de septembre établies par les services de la BCE pour la zone euro tablent sur une inflation moyenne de 5,6 % en 2023, 3,2 % en 2024. L’objectif ne serait retrouvé qu’en 2025, avec une inflation prévue à 2,1 % en 2025.
Ces nouvelles prévisions représentent une révision à la hausse pour 2023 et 2024 et une révision à la baisse pour 2025. « La révision à la hausse pour 2023 et 2024 reflète essentiellement une trajectoire plus élevée des prix de l’énergie », explique la BCE. Les prix de l’énergie sont en effet difficilement maitrisables : ils avaient flambé à l’été 2022 quand l’Allemagne avait cherché à remplir ses cuves de gaz à n’importe quel prix. Comme on n’a pas assisté à cette même envolée cette année, la comparaison avec 2022 a permis à la hausse des prix de s’assagir. Mais ensuite, lorsque l’on s’acheminera vers la fin de cette année et le début de l’an prochain, la comparaison sera moins favorable et l’énergie va recommencer à pousser les prix vers le haut. Et à cet effet de seuil s’ajouteront les réductions de production supplémentaires annoncées par l’OPEP qui devraient mettre les marchés pétroliers sous tension ces prochains mois.
Un ralentissement plus fort que prévu
La BCE n’a aucune prise sur les prix de l’énergie, mais elle peut en revanche éviter que la hausse des prix se répande sur l’ensemble des biens et services en refroidissant la machine économique. C’est pour cela qu’elle regarde avec beaucoup d’attention l’évolution de l’inflation sous-jacente, celle des prix hors alimentation et énergie. Là, il y a encore des tensions, mais elles s’estompent doucement. Les services de la BCE ont légèrement révisé à la baisse la trajectoire projetée de l’inflation hors énergie et produits alimentaires, à 5,1 % en moyenne en 2023, 2,9 % en 2024 et 2,2 % en 2025.
Cet assagissement est le reflet de l’efficacité de la politique économique, souligne la BCE. L’impact de la hausse des taux se fait sentir non seulement dans les tarifs des banques et des prêteurs mais aussi dans les volumes de nouveaux crédits, qui se réduisent. Et cela a un impact sur l’activité économique générale. Christine Lagarde souligne par exemple que les gains d’emplois dans les services commencent à se ralentir fameusement.
Les économistes de la BCE ont donc sensiblement révisé à la baisse leurs projections économiques. Ils s’attendent désormais pour la zone euro à une croissance de 0,7 % en 2023, 1,0 % en 2024 et 1,5 % en 2025. La révision la plus sensible concerne l’an prochain, puisque selon la BCE la croissance européenne ne sera pas de 1,5%, comme elle l’avait annoncé il y a quelques mois, mais de 1% seulement.
Plus de hausse avant longtemps ?
Dans ces conditions, la BCE ne devrait sans doute plus remonter ses taux, mais elle devrait les maintenir à ce niveau élevé pendant pas mal de temps. « Sur la base de notre évaluation actuelle, nous considérons que les taux d’intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, s’ils sont maintenus pendant une période suffisamment longue, contribueront de manière substantielle au retour rapide de l’inflation à notre objectif », a indiqué Christine Lagarde. Mais avec les banquiers centraux, rien n’est jamais coulé dans le marbre. « Nos décisions futures garantiront que les taux d’intérêt directeurs de la BCE seront fixés à des niveaux suffisamment restrictifs aussi longtemps que nécessaire », ajoute-t-elle.
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