Avec le conflit au Proche-Orient, la Russie et la Chine avancent leurs pions

En prenant la défense inconditionnelle d’Israël dans sa guerre contre le Hamas, et en l’armant, les Etats-Unis ont pris le risque d’aliéner des soutiens dans le monde arabe. Une perte d’influence qui pourrait profiter à la Russie et surtout à la Chine, selon des experts.

Washington s’est fait fort de tenter d’isoler Moscou, et dans une certaine mesure Pékin, en prenant la tête d’une large coalition internationale en défense de l’Ukraine, mais le conflit entre Israël et le mouvement islamiste palestinien a tout d’un piège pour la diplomatie américaine.

A l’image de l’impossible consensus au Conseil de sécurité de l’ONU, où les Etats-Unis ont mis leur veto la semaine dernière à un projet de résolution présenté par le Brésil, fustigeant l’absence d’une référence explicite au “droit d’Israël à se défendre”.

Les Etats-Unis ont depuis fait circuler un autre projet de résolution qui affirme “le droit de tous les Etats à l’autodéfense”, pas seulement Israël.

Plus de 1.400 personnes ont été tuées en Israël depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre, et quelque 220 otages, israéliens, étrangers ou binationaux ont été recensés par les autorités locales.

Le Hamas, qui contrôle Gaza, a quant à lui annoncé mardi un nouveau bilan global de 5.791 morts, dont 2.360 enfants tués, depuis le début des bombardements incessants d’Israël sur la bande de Gaza en représailles.

Soutien “indéfectible”

Dans des commentaires probablement destinés à l’adresse du monde arabe, la Russie a accusé les Etats-Unis d’aggraver le conflit en renforçant son dispositif militaire au Moyen-Orient, tandis que la Chine a fustigé le veto américain.

Des responsables américains écartent les réprimandes chinoises et russes, doutant que Moscou et Pékin s’engagent dans une diplomatie aussi intense que celle du secrétaire d’Etat Antony Blinken qui a effectué une tournée éclair dans la région de 11 pays.

Mais les Etats-Unis ont historiquement toujours été relativement isolés dans leur soutien à Israël, même si, pour l’instant, les alliés européens rejoignent largement le président américain Joe Biden dans son soutien “indéfectible” à l’allié israélien.

Au début de son mandat, Joe Biden avait délaissé les complexités du Moyen-Orient, considérant la Chine comme le plus grand défi à long terme pour les Etats-Unis.

“Ce n’est pas une région où les Etats-Unis ont voulu avoir une forte empreinte et s’engager activement. Dans le même temps, ce président en particulier est profondément attaché à Israël“, affirme Leslie Vinjamuri, du cercle de réflexion londonien Chatham House.

La Chine “est toute disposée à voir l’attention des Etats-Unis” détournée de leur principale préoccupation stratégique, dit-elle.

“Marquer des points”

“Personne ne s’attend à ce que la Russie produise des résultats, qu’il s’agisse d’un cessez-le-feu ou d’un rôle dans la négociation de la libération des otages”, déclare pour sa part Eugene Rumer, qui dirige le programme Russie à la Fondation Carnegie pour la paix internationale.

“Depuis 2022, tout tourne autour de l’Ukraine, alors quand cette tragédie s’est produite, c’était un cadeau pour (le président russe Vladimir) Poutine parce que soudainement l’attention est détournée”, dit-il.

Joe Biden a fait le lien entre la Russie de Vladimir Poutine et le mouvement islamiste palestinien, déclarant dans un discours la semaine dernière que les deux cherchaient à “anéantir complètement une démocratie voisine”.

La Russie a dénoncé ces déclarations. Mardi, au Conseil de sécurité de l’ONU, l’ambassadeur russe Vassili Nebenzia a accusé les Etats-Unis de ne pas répondre aux demandes internationales d’un cessez-le-feu.

Quant à la Chine et aux Etats-Unis, ils cherchent à tirer parti de la crise sur le plan diplomatique, et le sujet devrait figurer au centre des entretiens entre Antony Blinken et le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, lors de sa visite aux Etats-Unis en fin de semaine.

Les Etats-Unis ont notamment pressé la Chine d’user de son influence sur l’Iran, allié du Hamas.

Pékin, qui n’a pas condamné explicitement l’attaque du Hamas, a envoyé dans la région un émissaire qui a rappelé le soutien historique de la Chine à la cause palestinienne.

Pour Jonathan Fulton du cercle de réflexion Atlantic Council, Pékin voit dans le conflit “une opportunité de marquer des points sur les Etats-Unis”, espérant probablement gagner le soutien du monde arabe, tandis que la Chine affronte des allégations sur un génocide contre les musulmans ouïghours.

Mais, selon lui, l’intérêt principal de Pékin au Moyen-Orient reste d’ordre économique, la deuxième économie mondiale étant fortement dépendante des importations de pétrole.

“Pour la Chine, il est évidemment préférable que les Etats-Unis s’enlisent au Moyen-Orient et dans le Golfe”, explique Jonathan Fulton.

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