Après l’intrusion de drones en Pologne: quelles implications de l’activation de l’article 4 de l’OTAN ?

Donald Tusk, le Premier ministre polonais © Wojtek RADWANSKI / AFP

La Pologne a déclenché l’article 4 de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) après avoir signalé, mercredi dernier, dix-neuf « violations » de son espace aérien par des drones russes. Mais que prévoit exactement cet article et quelles en sont les conséquences pour l’Europe ?

Une première depuis le début de la guerre en Ukraine

Il y a quelques jours, plusieurs drones ont pénétré l’espace aérien polonais en direction de l’Ukraine voisine. Des chasseurs de l’OTAN sont intervenus et ont abattu plusieurs appareils, marquant la première fois depuis le début du conflit en Ukraine que l’Alliance atlantique fait usage de la force. Le ministre de l’Intérieur, Tomasz Siemoniak a indiqué qu’on avait retrouvé seize drones au total sur le territoire polonais.

« Nous n’avons aucun doute qu’il ne s’agissait pas d’un incident accidentel », a affirmé le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, dénonçant « un cas d’attaque sans précédent, non seulement contre la Pologne, mais aussi contre l’OTAN et l’Union européenne ».

La décision polonaise et l’activation de l’article 4

Lors d’une session ordinaire du Conseil de l’Atlantique Nord à Bruxelles, Varsovie a demandé l’activation de l’article 4 du Traité de l’Atlantique Nord. Cette décision résulte d’une « recommandation commune » prise par le Premier ministre Donald Tusk et le président Karol Nawrocki.

Donald Tusk a dénoncé une « violation sans précédent » du territoire national et souligné devant le Parlement qu’il n’était « pas question d’affirmer que le pays est en guerre », tout en estimant que la Pologne se trouvait « plus proche d’un conflit qu’à tout autre moment depuis la Seconde Guerre mondiale », rapporte CNN. Selon lui, Varsovie fait face à « un ennemi qui ne dissimule pas ses intentions hostiles ».

Karol Nawrocki a, de son côté, décrit l’incursion comme « une tentative russe de tester nos capacités et nos réactions ». Avant d’ajouter : « Merci, car nous avons réussi tous ces tests. »

Article 4 versus article 5: deux mécanismes distincts

Selon l’OTAN, les consultations ouvertes par l’article 4 peuvent « potentiellement déboucher sur une décision ou une action commune de l’Alliance ». Le mécanisme repose sur le consensus et vise à instaurer un dialogue en cas de menace pour l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité d’un État membre.

Il convient de distinguer cet article de l’article 5, qui prévoit une assistance militaire immédiate : toute attaque armée contre un pays de l’OTAN est considérée comme une attaque contre l’ensemble des alliés.

Ce dispositif n’a été invoqué qu’une seule fois, après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Un précédent historique

Depuis 1949, l’article 4 a été activé à huit reprises. Trois concernaient directement l’invasion russe en Ukraine. Le dernier recours remonte à février 2022, à l’initiative de la Pologne et de plusieurs pays d’Europe centrale et orientale, au lendemain de l’invasion russe. Varsovie avait déjà invoqué l’article en mars 2014, après l’annexion illégale de la Crimée.

La Turquie, quant à elle, est à l’origine de la majorité des demandes, liées aux menaces provenant d’Irak et de Syrie, la dernière datant de juillet 2015, à la suite d’une série d’attentats terroristes.

Renforcement militaire et inquiétudes européennes

Dans la foulée de cette nouvelle activation, les alliés de la Pologne ont annoncé un renforcement de leur dispositif militaire. L’Allemagne a prolongé sa mission de protection de l’espace aérien polonais et doublé son nombre d’Eurofighter déployés. La France a confirmé l’envoi de trois Rafale, tandis que les Pays-Bas accélèrent la livraison de batteries Patriot et déploient des systèmes anti-drones avec 300 militaires. La République tchèque fournit trois hélicoptères Mi-17 et le Royaume-Uni engage également des Eurofighter.

Ces mesures interviennent alors que la Russie et le Bélarus organisent de vastes manœuvres militaires conjointes à proximité des frontières polonaises, sur fond de tensions accrues.

Mise en garde contre un « conflit ouvert »

La Pologne et ses alliés mettent en garde contre le risque d’un « conflit ouvert » avec la Russie. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lui aussi évoqué « un risque réel d’extension du conflit ukrainien ».

Moscou, pour sa part, a reconnu avoir mené une frappe contre l’Ukraine mais a nié toute volonté de cibler la Pologne, accusant Varsovie d’inventer un « mythe destiné à aggraver la crise ».

À l’issue de la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord, le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a réaffirmé « la solidarité des alliés avec la Pologne » et dénoncé « le comportement imprudent de la Russie », tout en annonçant qu’une évaluation complète de l’incident était en cours.

Quant au commandant suprême des forces alliées en Europe, le général américain Alexus Grynkewich, il a estimé qu’il était trop tôt pour déterminer si l’incursion de drones était intentionnelle ou accidentelle.

Enfin, le président américain Donald Trump a d’abord réagi de manière ironique sur les réseaux sociaux avant de concéder que la violation de l’espace aérien polonais « aurait pu être une erreur ». La Maison-Blanche a précisé que le président suivait la situation de près et devait s’entretenir avec son homologue polonais, Karol Nawrocki.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire