Après les incendies, Los Angeles menacée par des coulées de boue… et par Trump
Alors que Los Angeles tente de se relever d’incendies dévastateurs, une autre menace se profile : celle de voir Donald Trump suspendre les aides fédérales vitales pour sa reconstruction. Le président américain a récemment laissé entendre que ces fonds, pourtant cruciaux, pourraient être conditionnés à des exigences politiques et environnementales controversées.
Depuis des semaines, plus de 4.000 pompiers luttent sans relâche à Los Angeles contre des flammes alimentées par des vents violents et une sécheresse extrême. Les incendies, qui ont tué près d’une trentaine de personnes et détruit des milliers d’hectares, laissent derrière eux un terrain propice à des coulées de boue et à des glissements de terrain dans les zones ravagées.
De nouvelles catastrophes
Les précipitations attendues dans les prochains jours, bien qu’indispensables, pourraient provoquer des catastrophes supplémentaires. Dans le comté de Los Angeles, des ouvriers ont préparé des sacs de sable, du gravier et des barrières en béton qui pourront être déployés en cas de fortes pluies.
“Sans végétation pour ancrer le sol, les fortes précipitations peuvent entraîner des coulées de débris soudaines et rapides, qui peuvent détruire des maisons, bloquer des routes et poser de graves risques pour la vie et les biens”, a averti le gouverneur de Californie, Gavin Newsom.
Le démocrate a assuré que ses services travaillent “en étroite collaboration” avec les partenaires locaux “pour empêcher les eaux de ruissellement toxiques de pénétrer dans les cours d’eau”.
Trump conditionne les aides fédérales à des exigences politiques
Mais au-delà des défis climatiques, c’est l’attitude de Donald Trump qui inquiète. Depuis son retour à la Maison-Blanche, le président républicain multiplie les déclarations incendiaires à l’encontre de la Californie, bastion progressiste qu’il dépeint comme un exemple de mauvaise gestion. Trump a récemment menacé de suspendre les aides fédérales nécessaires à la reconstruction de Los Angeles. “Je ne pense pas que nous devrions donner quoi que ce soit à la Californie tant qu’ils n’autorisent pas l’eau à couler du nord au sud pour lutter contre les incendies », a-t-il affirmé.
Un argument démenti par les experts, qui dénoncent une manipulation politique.
Trump exige également que la Californie adopte des mesures en matière d’immigration et de vérification d’identité des électeurs, liant ces sujets à l’octroi des aides.
Cette position a suscité la colère des habitants et des élus locaux, qui y voient un marchandage inacceptable.
La bataille politique autour de Los Angeles
Le gouverneur démocrate Gavin Newsom a tenté de désamorcer le conflit, appelant à la solidarité nationale dans une lettre adressée aux dirigeants républicains. “Les calculs politiques ou les clivages régionaux ne doivent pas entraver les efforts de secours”, a-t-il souligné, rappelant que l’aide fédérale pour les catastrophes a toujours été inconditionnelle.
Mais Donald Trump reste inflexible. Lors de sa récente visite à Los Angeles, il a affirmé devant des élus locaux : “Je veux des preuves d’identité pour les électeurs et je veux que l’eau soit libérée.”
Ce bras de fer pourrait se terminer devant les tribunaux. Le procureur général de Californie, Rob Bonta, a déjà annoncé qu’il n’hésiterait pas à agir si les décisions présidentielles enfreignent la loi.
Des sinistrés dans l’angoisse
Dans ce contexte ultra-tendu, le retour au pouvoir du milliardaire angoisse ceux qui ont tout perdu dans les incendies. “Je n’arrive pas à croire que le gouvernement puisse laisser autant de personnes dévastées, et la moitié de villes détruites, sans les aider”, souffle Sebastian Harrison auprès de l’AFP. Cet entrepreneur n’avait pas d’assurance-habitation. Sans aides fédérales, il ne pourra pas reconstruire sa maison de Malibu, rasée par les flammes. Alors, il se rassure en se disant que Donald Trump aura à coeur de défendre son image d'”homme d’action, qui prend rapidement les choses en main.”
En effet, à Altadena, modeste banlieue au nord de Los Angeles, comme à Pacific Palisades, quartier huppé de la ville, des milliers de bâtiments en ruines doivent être déblayés. Et des milliers de personnes attendent désespérément les aides fédérales approuvées par Joe Biden avant la fin de son mandat, qui devaient notamment financer cela, mais dont le renouvellement pourrait être compromis. “C’est une course contre la montre pour obtenir les fonds avant que Trump n’impose de nouvelles conditions”, confie un observateur local sous couvert d’anonymat.
Cette source soulignait également que le bras de fer entrepris par le président pourrait se retourner contre lui. “Trump considère sûrement Altadena comme une bande de démocrates sans intérêt, mais Pacific Palisades, c’est une autre histoire”, rappelait-elle. “C’est le premier endroit où lui et les autres républicains se rendent lorsqu’ils veulent lever des fonds à Los Angeles.”
Une image à sauver pour Trump ?
Conscient des critiques, Trump a alterné entre fermeté et promesses lors de son passage en Californie. Survolant les ruines de Pacific Palisades, il a déclaré : “Le gouvernement fédéral vous soutient à 100 %. Je vais vous donner tout ce que vous voulez. Je vais vous donner plus que n’importe quel président ne vous aurait jamais donné.”
“Je ne crois pas qu’on puisse réaliser à quel point c’est dur, à quel point c’est dévasté, tant qu’on ne l’a pas vu”, a-t-il ajouté. “C’est incroyable.”
Le gouverneur démocrate Gavin Newsom l’a brièvement accueilli à l’aéroport. “Nous voulons régler le problème”, a assuré le président, après une poignée de main. “Le moyen d’y arriver, c’est de travailler ensemble avec le gouverneur de l’État”, a-t-il ajouté.
Des déclarations qui peinent à rassurer, tant ses propos précédents ont semé le doute. Pour Los Angeles, le temps presse : sans aides rapides et inconditionnelles, la ville pourrait être confrontée à une crise humanitaire et économique de grande ampleur.
La faute à l’éperlan du Delta?
La crise de l’eau en Californie est souvent pointée du doigt comme facteur aggravant des incendies qui ont ravagé la Californie ces dernières semaines. Facteur aggravant certes, mais Donald Trump lui croit avoir trouvé le coupable… Le nouveau président américain n’hésite pas à accuser l’éperlan du Delta et les efforts de protection, déployés pour protéger ce poisson menacé de disparition en Californie, d’avoir aggravé les incendies qui ont dévasté Los Angeles.
Selon des experts, l’éperlan du Delta n’a qu’un rapport minimal avec l’approvisionnement en eau de Los Angeles, malgré sa récente mention dans un décret signé par Donald Trump, revenant sur des mesures de protection d’espèces, et visant le détournement des eaux du Delta dans le nord de l’État.
Dans ce décret, signé dès son retour lundi à la Maison-Blanche, Trump exige que les agences environnementales traitent en priorité “les citoyens plutôt que les poissons” et arrêtent “l’écologisme radical” en Californie. Il a réaffirmé l’existence d’un lien entre la protection de l’éperlan du Delta et l’approvisionnement en eau des régions touchées par les récents incendies. Des propos qui reflètent une méconnaissance des efforts environnementaux mis en place par la Californie, soulignent certains scientifiques, et dans un même temps, encouragent le scepticisme face aux enjeux climatiques.
Il s’agit de trouver “un bouc émissaire responsable de tous nos problèmes, dans ce cas, les incendies et la sécheresse, et de concentrer la colère” du public sur un petit poisson, a expliqué à l’AFP John Buse, conseiller juridique en biodiversité.
Selon Caleb Scoville, sociologue à l’Université Tufts dans le Massachusetts, l’éperlan du Delta, par sa petite taille et son statut relativement méconnu du grand public, est devenu une cible facile pour certaines figures conservatrices, transformant un débat local sur la gestion de l’eau en Californie en un conflit national opposant la protection des écosystèmes à la sécurité des citoyens. Plutôt que de traiter les causes fondamentales de la crise de l’eau en Californie, dont le réchauffement climatique, Donald Trump préfère y voir un parti pris politique, a-t-il conclu.
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