Annulation d’un jugement historique: Shell n’est plus contrainte d’accélérer ses réductions d’émissions
Un tribunal néerlandais vient de rendre son verdict. Le juge a estimé que si Shell porte une responsabilité dans la crise climatique, aucune réduction d’émissions ne peut lui être imposé. C’est le résultat en appel de cette affaire climatique très controversée. Un coup dur pour le mouvement écologique.
La justice néerlandaise a rejeté mardi en appel un recours de groupes de défense du climat qui estimaient que le géant pétrolier Shell ne faisait pas assez pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, annulant ainsi un jugement historique rendu il y a trois ans. La cour d’appel de La Haye estime que “les recours de Milieudefensie ne peuvent être acceptés” et “annule donc le jugement initial”, a annoncé la juge Carla Joustra.
Le tribunal, situé à La Haye, avait enjoint en 2021 au groupe anglo-néerlandais de réduire ses émissions nettes de CO2 d’au moins 45% d’ici à la fin 2030 par rapport à 2019, estimant qu’elles contribuaient au réchauffement climatique et à ses conséquences désastreuses. Shell avait directement interjeté appel de la décision, considérant qu’il n’y a pas de base légale pour les revendications d’ONG et que ce processus relève d’une décision politique au niveau gouvernemental. “Nous ne pensons pas qu’une décision de justice contre une entreprise soit la bonne solution pour la transition énergétique,” indique le groupe sur son site. Le jugement qui vient de tomber fait suite à quatre jours d’audience en avril dernier, selon l’organisation Milieudefensie, branche néerlandaise des Amis de la Terre, lors d’une conférence de presse.
L’ordre du tribunal vise une réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant non seulement des activités de Shell, mais également des produits que le groupe vend.
“Le peuple contre Shell”
Le groupe indique sur son site vouloir réduire ses émissions nettes absolues de CO2 de 50% d’ici à 2030, comparé au niveau de 2016, et a indiqué en mars dernier son “ambition” de réduire les émissions de ses clients de 15 à 20% d’ici à 2030. “Nous sommes convaincus de la solidité de notre dossier et attendons avec impatience la décision du tribunal,” a déclaré à l’AFP un porte-parole de Shell.
Milieudefensie estime que Shell n’a “pas d’ambition climatique crédible”, voyant les investissements du groupe dans les énergies renouvelables comme “très faibles”, et soulignant l’intention du groupe d’augmenter ses explorations pétrolières et gazières, avec notamment “plus de 800 nouveaux champs pétroliers et gaziers en attente d’exploitation”. L’ONG relève par ailleurs les perspectives de croissance d’activité gazière de 20 à 30% d’ici à 2030, partagées par Shell.
La procédure judiciaire, ouverte sous le nom “le peuple contre Shell”, avait été entamée en avril 2019 par plusieurs ONG, dont Milieudefensie et Greenpeace. Plus de 17.000 citoyens néerlandais s’étaient également constitués partie civile. Le jugement avait été qualifié d’historique par les militants de la cause environnementale, selon lesquels aucune autre multinationale n’avait alors été contrainte par la justice de s’aligner sur l’accord de Paris de 2015 sur le climat.
Les accords de Paris de 2015 engagent toutes les nations à réduire considérablement leurs émissions de carbone pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C au-dessus des niveaux préindustriels et les encouragent à descendre à 1,5°C.
Shell a rétropédalé ces derniers mois, comme son compatriote BP, sur certains objectifs climatiques, au grand dam des militants écologistes, mettant davantage l’accent sur le pétrole et le gaz pour doper ses bénéfices.
Un arrêt très médiatisé
Le premier arrêt avait fait beaucoup de bruit, car c’était la première fois qu’un tribunal exigeait d’une entreprise individuelle qu’elle réduise ses émissions. Au point que certains y ont vu le début d’une nouvelle vague de poursuites contre les compagnies pétrolières et gazières. La décision de ce mardi devrait donc à nouveau faire réagir le monde entier. Car c’est un véritable coup dur pour le mouvement écologiste. Mais si ce dernier a perdu un combat, il n’a pas perdu la guerre.
Il existe une troisième et dernière possibilité pour les deux parties de saisir une Cour de cassation, “auquel cas cette instance se concentrerait davantage sur les aspects procéduraux que sur les éléments factuels apportés par les deux parties”, a expliqué Milieudefensie.
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