Allons-nous entrer dans une “drôle de guerre” comme dans les années 1930?

Tensions accrues entre la France et la Russie, menace nucléaire réaffirmée, risque d’une extension du conflit…: le contexte ukrainien sent la poudre. Tandis que l’extrême droite monte partout et que le Vatican appelle l’Ukraine à lever le drapeau blanc.

La Russie de Vladimir Poutine prend l’ascendant sur le champ de bataille en Ukraine, même si ses gains restent très limités. En mal de munitions, l’armée de Kiev fait le gros dos en attendant un soutien accru des Européens, alors que les Etats-Unis sont embourbés dans leur bataille présidentielle, avec un Congrès paralysé. Entre déclarations guerrières et contextes politiques nationaux, tous les ingrédients se réunissent pour une année 2024 de tous les dangers.

Troupes au sol et nucléaire

Les perspectives ne sont guère rassurantes. Il est de plus en plus question d’un élargissement possible du conflit avec un risque d’aventure russe vers la Moldavie, où la petite Transnistrie qui est déjà sous sa coupe appelle à l’aide. Voire vers les pays baltes, membres de l’OTAN, pour tester la solidarité tranatlantique.

Le président français, Emmanuel Macron, a bombé le torse en évoquant l’envoi de troupes au sol, à lissue de son “Conseil de guerre”, fin février, même s’il reconnaissait qu’il n’y avait pas de consensus à ce sujet. Depuis, Emmanuel Macron est devenu une cible pour Moscou et l’unité des Européens est mise à rude épreuve, l’Allemagne et l’Italie se démarquant nettement, parmi d’autres.

Le tout alors que CNN évoquait sérieusement ce week-end que Vladimir Poutine aurait songé recourir à l’arme nucléaire dès novembre 2022, en utilisant une “petite bombe” sur Kiev. Mais il n’y a pas de “petite bombe” nucléaire, rappelaient les experts militaires sur LCI, dimanche.

“Son lot d’avertissements”

“Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, chaque jour apporte son lot d’avertissements quant à la proximité d’un conflit armé, écrivait ce week-end l’économiste Bruno Colmant. Personne ne sait si une guerre générale est en train de se former, mais tout le monde souhaite l’éviter. Il est crucial de ne pas répéter les erreurs du passé et d’éviter d’être les “imbéciles utiles” de l’histoire, comme Chamberlain et Daladier après Munich en 1938.”

Il ajoutait:  “Il est essentiel d’engager un large débat citoyen pour ne pas être manipulés par des expressions médiatiques dispersées et manipulées. Et en particulier les représentants européens dont les prises de positions ne peuvent pas entraîner celles de centaines de millions d’Européens.”

Car l’heure est grave. “Le choix qui se présente est clair : soit nous cherchons à trouver la paix avec la Russie dans une dissuasion réciproque, soit nous nous engageons, avec consentement collectif, réellement dans une économie de guerre, ce qui impliquerait des bouleversements majeurs comme la réhabilitation immédiate du service militaire, la réorientation de ce qui nous reste comme industrie, le rappel des vieux officiers de réserve comme moi en les affectant à des tâches d’intérêt général et accessoires, et la programmation de toutes les ogives nucléaires françaises et anglaises, voire celles qui sont déposées par les forces américaines sur notre territoire, sur Moscou.”

Concusion de Bruno Colmant: “Je crois qu’il faut chercher la voie de la paix dès à présent. Une guerre en Europe n’aurait aucun gagnant et répondrait (mais peut-être ne faut-il pas l’exclure) à une destruction planétaire.”

Le pape François a appelé à une négociation en affirmant que les Ukrainiens feraient bien de hisser “le drapeau blanc”. L’expression du Vatican a provoqué les protestations de Kiev et provoqué un autre débat difficile au niveau mondial. Dans les années 1930, l’Eglise n’était pas toujours du bon côté de l’histoire…

“Drôle de guerre”

La situation fait immanquablement songer aux menaçantes années 1930. Allons-nous entrer insidieusement dans une “drôle de guerre”? L’expression avait été lancée par un correspondant de guerre du Figaro pour évoquer la période comprise entre le 3 septembre 1939 et le 10 mai 1940.

En réponse à la politique de plus en plus agressive de l’Allemagne nazie, les Français et les Britanniques avaient alors haussé le ton (jusqu’à déclarer la guerre), avant que Hitler ne décide de mener une vaste offensive en Europe de l’Ouest à partir de mai, s’emparant de Paris en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Comparaison n’est évidemment pas raison, personne ne voit Poutine se lancer dans une vaste campagne jusqu’à Paris.

Sauf que… son discours à l’égard de l’OTAN est clair et transparent, bien que pas dénué de propagande visant à effrayer, précisément. Didier François, ancien grand reporter de guerre et spécialiste des questions de défense, répète souvent jusqu’à l’énervement que l’on ferait bien d’entendre les signaux envoyés par Moscou. Car jusqu’ici, la Russie a toujours fait ce qu’elle disait, plaide-t-il.

En attendant, les opinions publiques occidentales, lassées par les crises de toutes sortes, envisagent de plus en plus de se tourner vers l’extrême droite. Le Rassemblement National dispose de 13% d’avance sur le camp présidentiel dans les sondages pour les européennes en France. Le Vlaams Belang est annoncé à près de 30% en Flandre. L’AfD progresse en Allemagne. Et aux Etats-Unis, Donald Trump est désormais le favoris pour la Maison-Blanche: son élection provoquerait un changement de paradigme géopolitique.

Les années 1930? Comparaison n’est pas raison, mais tout de même…